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Temps critiques: les chemins de traverse de la "question sociale"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les chemins de traverse de la « question sociale » (lundi.am)
Alors qu’un mouvement de grève est appelé ce mardi, nos amis de Temps critiques nous proposent cet article de fond pour essayer de décrypter où nous en sommes avec le travail.
Au début de l’industrialisation, les conditions de classes comme celles qui caractérisent bourgeois et prolétaires sont incommensurables. L’énoncé révolutionnaire républicain de la Déclaration des droits de l’homme (le genre humain) ne contrevient pas à ce caractère. La théorie de Tocqueville sur la démocratie non plus puisque, pour lui, l’égalité en jeu n’est que celle de l’égalité des statuts et la fin des privilèges qui y sont liés. L’abolition des privilèges ne débouche donc pas sur l’abolition des inégalités, une thématique que seul Babeuf abordera, de façon ultra minoritaire et sans succès. Cette question des inégalités suppose en effet, pour qu’elle apparaisse au grand jour, la fin d’une société scindée en blocs relevant finalement plus d’une logique de caste que d’une logique de classe comme l’atteste le retour de la royauté puis de l’empire, un exemple de « résilience » avant la lettre. Les quelques réformes sociales de la Troisième république afin de faire face à ce qu’on appellera « la question sociale », mais dans un tout autre sens qu’aujourd’hui, n’empêcheront pas que se dégage, au tournant du siècle, un important courant prolétarien dans la perspective de la grève générale insurrectionnelle pour l’abolition du salariat.
La lutte contre les inégalités n’est donc toujours pas prépondérante au sein d’un mouvement ouvrier encore peu intégré au rapport social capitaliste et considéré comme composé en partie de « classes dangereuses ». Ce cadre perdure en gros jusqu’au début des années 1920 puisqu’après les défaites des révolutions allemande et hongroise et des conseils de Turin, la classe ouvrière est intégrée aux institutions en tant que classe productive et nationale, que ce soit dans les démocraties occidentales ou dans les différentes variétés de fascisme. Le développement d’un « droit du travail », ensuite, consacre à la fois cette intégration du point de vue du capital et le glissement, côté prolétarien de la lutte anticapitaliste conçue comme abolition du salariat. La formule de la CGT syndicaliste révolutionnaire de 1906 est jetée aux orties au profit de la recherche d’un rapport de forces permettant de faire triompher des revendications « sociales » détachées de leur soubassement politique et de la perspective révolutionnaire.
En effet, dans la société capitaliste sous sa forme de « société salariale », l’égalité théorique des conditions dans sa forme originelle bourgeoise est complétée d’une hiérarchisation des positions. Celle-ci, au moins en théorie, n’est pas figée en statuts gravés dans le marbre, parce qu’elle inclut la possibilité d’ascenseur social (en France), de mobilité sociale aux États-Unis. C’est alors que l’État social se substitue à l’État-gendarme de la philosophie anglaise du XVIIIe siècle. Cet État social centré sur la forme nation ne doit pas être confondu avec « l’État-providence », terme pourtant plus employé, mais confus, car il renvoie à l’idée d’assistance des démunis, alors que ce qui est en jeu dans ce nouveau type d’intervention de l’État, c’est d’appuyer cette perspective solidariste sur une mise au travail (salarié) généralisée, l’une étant la condition de l’autre. Les deux pôles du rapport social capitaliste se confrontent alors, mais en l’absence d’un antagonisme de classe. Le pôle capital du rapport va adopter une position de réenchantement du travail en en faisant non plus seulement une morale de comportement prônée par les réformateurs chrétiens sociaux contre l’exploitation forcenée de l’époque du capitalisme sauvage (le travail comme valeur morale), mais aussi le lieu d’une participation de tous à une nouvelle société de progrès économique et social (les deux classes sont productives). Le Front populaire est un bon exemple de cette cohabitation des classes.
Le pôle travail quant à lui, est attaché à la professionnalité et orienté par des directions syndicales et politiques qui s’appuyaient sur une théorie de la valeur-travail. Or, cette dernière n’est pas proprement prolétarienne puisqu’elle a été initiée par les économistes anglais du début du XIXe siècle. Au traditionnel slogan populaire « Qui ne travaille pas ne mange pas », les syndicats vont ajouter la défense de l’outil de travail et une morale ouvrière du travail. Certes, cette dernière n’est pas un pur produit de l’idéologie ; elle s’imprègne de l’expérience ouvrière du travail, individuelle et professionnelle, mais aussi collective au sein du collectif de travail et à travers les luttes sur le lieu de travail et les quartiers. C’est aussi l’impression d’une participation réelle à la transformation du monde, perçu alors majoritairement comme « notre monde » à travers l’action productive qui réalisait ce que le théoricien de l’opéraïsme considérait comme ce qui spécifiait la classe ouvrière parmi toutes les autres : celle d’être une classe à la fois « dans et contre » ; classe du travail la plupart du temps dans les bas de cycle, classe du refus du travail dans les hauts cycles de luttes. Dans le dernier de ces cycles (celui qui court de 1965 à 1979 pour faire gros et rapide), la défaite de cette tendance au « contre » a été « compensée » par quelques acquis sociaux et une augmentation de pouvoir d’achat, la continuation quasi séculaire de réduction des inégalités et une deuxième vague de consommation plus hédoniste que la première, axée sur les biens de base. Mais très rapidement, les restructurations industrielles ont eu comme conséquence de produire une autre catégorie ne correspondant à rien de connu depuis un siècle et la mise forcée au salariat qui s’imposa alors, à savoir des individus ni dans ni contre parce que « hors » sans être des « en-dehors » comme on appelait les réfractaires au travail et à l’ordre au tournant du siècle précédent. Improprement appelés « exclus » par les dirigeants politiques et leurs experts (Lenoir) parce que justement des politiques d’assistance (et non d’assistanat) ont été mises en place « pour que personne ne reste sur le bord de la route » disaient-ils alors, il y a maintenant presque cinquante ans. En effet, patronat et classe dirigeante n’avaient pas encore pris conscience que la valorisation sans le travail vivant produite par la révolution du capital ne produirait plus la nécessité d’une armée industrielle de réserve (conjoncturelle), mais seulement une masse de surnuméraires structurelle, sans parler de toutes les zones grises qui allaient apparaître entre les situations de travail, de chômage, de stages, de reprise d’emploi, etc. La thèse des « in » et des « out » devint une nouvelle base d’analyse (Touraine par exemple) pour parler d’inégalités plus fondamentales parce que tout à coup l’évolution capitaliste semblait ressusciter des « privilèges » dans la mesure où d’autres s’en trouvaient démunis (le fait d’avoir un travail, un CDI, un salaire et un revenu en augmentation constante ou au moins stable en termes de pouvoir d’achat).
Cette nouvelle situation allait bouleverser le réformisme ouvrier et l’affaiblir considérablement dans la mesure où la CGT par exemple, continuait à défendre mordicus la valeur-travail et donc la supériorité du « producteur » sur les non-producteurs et a fortiori sur les hors-travail [1]. Elle perdurait aussi concrètement dans le fait que les syndicats, comme le patronat et l’État d’ailleurs, refusaient de considérer les chômeurs comme des chômeurs, en les considérant seulement comme des travailleurs au chômage. De ce fait, ils ne participèrent pas aux luttes de chômeurs de la fin des années 1990, en particulier celles de 1998. Des luttes qui montraient pourtant que pour certains le chômage n’était pas une période courte entre deux périodes de travail [2], puisque c’était le travail qui était devenu une période courte entre deux périodes de chômage.
Ce contexte politique et social, de plus en plus délétère, s’est accompagné d’une évolution des rapports sociaux vers une individualisation accrue non seulement des esprits, mais aussi des conditions objectives. Les nouvelles façons de travailler, mais aussi les nouvelles conditions de vie, de lier vie et travail, habitat et travail ont produit des quartiers ou cités sans véritable vie urbaine, des cités dortoirs, des zones périphériques, des campagnes en partie désertées sur lesquelles viennent se greffer des grands projets souvent venus de nulle part ou plutôt d’un potentat politique local de mèche avec un affairiste. Cette déliaison d’un tissu social et géographique certes capitaliste, mais possédant une certaine cohérence (par exemple la construction de grands ensembles de logements sociaux pour gérer et loger les personnes issues de l’accroissement démographique), semble partir à vau-l’eau avec sa succession de « politiques de la ville » et autres mesures. En tout cas, elle produit de nouvelles formes de conflictualité comme la révolte des banlieues de 2005 qui est d’un autre registre et d’une autre intensité que ce qui s’était produit dans la banlieue lyonnaise au début des années 1980 ; le mouvement des Gilets jaunes, la ZAD de NDDL. Nous pourrions nous y raccrocher en nous disant que quand même, il y a là des brins d’espoir si par ailleurs nous ne nous trouvions pas confrontés à des formes de raidissement. Certaines étaient logiques de la part des pouvoirs en place, comme si la difficulté à ouvrir de nouvelles voies réformistes conduisait à des mesures régressives et répressives. Ainsi, dans le nouveau projet sur le recul de la retraite, alors pourtant qu’il n’y a pas de travail pour les « seniors » aux conditions fixées par les directions d’entreprises du secteur privé, la réforme de l’assurance chômage pour lutter contre les formes de désertion du travail (la démission supprimerait l’indemnisation ; le refus de la transformation d’un CDD en CDI aussi) ; d’autres le sont moins et entraînent des réactions défensives qui se prennent sans doute ou parfois pour des formes de résistance quand plus guère ne voient de porte de sortie et de cohérence d’ensemble à quoi que ce soit, par exemple aux mesures gouvernementales, mais aussi bien aux stratégies syndicales. En effet, toute réforme est refusée sans que personne ne pense à une alternative au énième projet présenté par chaque nouveau gouvernement pour simple signature de son existence. Sans parler de révolution, on se contenterait de refus débouchant sur des initiatives ici et maintenant y compris contre les institutions. Les enseignants sont à l’avant-garde, si l’on peut dire, de ce type de mécontentement par récrimination qui se fait passer pour résistance. Rien ne va disent-ils (en privé) dans les salles de professeurs, mais dans les réunions d’heures syndicales, ils disent (en public) que la réforme, avant même qu’elle ne soit appliquée, est pire que ce qui existe… et « fonctionne » (le fonctionnaire fonctionne). Mais c’est quoi pire que « ça ne peut plus continuer comme ça » ? À ce niveau de double langage, on ne peut parler seulement de faiblesse ou de trahison syndicale. Le ver est dans le fruit et démissions en nombre des nouveaux enseignants, burn-out des anciens sont des réponses immédiates en l’absence de réponse collective offensive et faisant bouger les lignes comme on dit dans la novlangue.
On ne peut donc que se poser des questions sur la cohérence des stratégies syndicales et gauchistes qui ont du mal à dégager un rapport de forces favorable à leurs appels parachutés à manifestation, et demandent pourtant à ceux qui ont réussi à dégager ce rapport de force dans un événement particulier, de les rejoindre dans la tarte à la crème qu’est devenu le mot d’ordre de la « convergence » comme l’était il y a peu la grève interprofessionnelle (« reconductible » s’il vous plait !). C’est un peu comme si un gréviste d’une usine d’Ispahan, ville très traditionaliste où il y a actuellement quelques grèves ouvrières, demandait aux femmes de la ville d’abandonner ce qui ne serait qu’une fixation sur le « foulard » pour venir les rejoindre aux portes de l’usine dans la lutte contre les conditions de travail et pour les salaires parce que ce serait cela l’anticapitalisme véritable ; alors que l’ordre logique et politique est inverse puisque c’est cette lutte des femmes qui sert de mèche à la contestation plus généralisée du pouvoir en place [3]Plus dangereux, ce raidissement peut prendre la forme du ressentiment quand il s’exprime du bas vers un encore plus bas, selon l’échelle de valorisation établie par une idéologie dominante bien partagée par des fractions du capital comme du travail quand valeur-travail et travail comme valeur fonctionnent de conserve. Alors bien sûr il y a des Macron qui disent qu’« il y a juste à traverser la rue pour trouver un travail » ou qu’« on dépense un pognon de dingue » pour tous ceux qui n’arrivent pas à rester sur les rails. Mais il y a aussi des ouvriers qui ressentent l’indexation du SMIC sur la hausse des prix comme une injustice parce qu’elle débouche sur un tassement des bas salaires. Enfin, il y a des ouvriers, des employés, des retraités, des artisans et commerçants, des paysans qui comprennent l’assistance de l’État social à des individus en difficulté conjoncturelle ou structurelle (les handicaps par exemple, les mères célibataires, etc.) comme assistanat à toute une misère qui serait auto-entretenue par l’« État-providence » ou importée (« toute la misère du monde » comme le formulait déjà Rocard au début des années 1980 et du gouvernement de gauche. Peu importe, en dernier ressort, les chiffres et l’objectivité de telle ou telle argumentation sur la question. Il s’agit ici d’un « ressenti » renforcé par le fait que la redistribution en France joue dans le même sens d’un tassement des revenus disponibles vers le bas au profit, certes tout relatif, des plus démunis, alors que les revenus primaires sont plutôt inférieurs à ceux de l’Europe du Nord (Allemagne et Pays-Bas par exemple, les exemples récents donnés sur les salaires des professeurs sont à cet égard éloquents). C’est d’ailleurs pour cela qu’un discours sur l’accroissement des inégalités peut parfaitement coexister avec la tendance qui fait que perdure la séculaire baisse des inégalités dans un pays comme la France. Les revenus secondaires (sociaux) compensent en partie les inégalités, qui ont tendance aujourd’hui à fonctionner comme une caisse noire, peu lisible qui a conduit à un raidissement d’une partie de la population active contre les principes de la redistribution par la critique du régime de sécurité sociale et, plus prosaïquement, par le fait de ne plus voir l’impôt comme une contribution aux communs et à la solidarité. Une brèche qui n’a pas été crée de toute pièce par un quelconque État devenu « néolibéral », la tarte à la crème du discours « critique » d’aujourd’hui, mais par l’évolution d’ensemble du rapport social. Pour ne prendre que deux exemples parmi les plus récents : qui se battrait pour continuer à payer la redevance télé ? Et qui demanderait le rétablissement des impôts locaux, alors pourtant que les collectivités locales croulent sous les contraintes budgétaires et financières ?
Malgré la disparition actée des « politiques de revenus » pratiquées dans les années 1950-1970, une politique implicite se perpétue à travers la déconnexion entre salaire et « valeur » d’abord, entre travail et revenu à un niveau plus général. Toutefois, il n’est pas question, au moins pour le moment, de pousser vers un décrochage encore plus important que consacrerait un revenu minimum garanti. Non que sa mise en place soit irréalisable économiquement, mais elle saperait l’idéologie du travail comme discipline et lien de subordination (côté capital) et le travail comme valeur (côté syndicats et salariés). RSA et SMIC continuent donc d’être des points de repère plancher de l’activité-travail et comme le gouvernement et le Medef n’ont cessé eux-mêmes de le reconnaître depuis un an, il faut que les salaires, bas à moyen en particulier, augmentent.
On peut maintenant relever, ici et immédiatement, l’erreur historique et politique du rattachement de cette référence au travail à une position de droite comme le fait Sandrine Rousseau à propos des dernières déclarations de Fabien Roussel (« La gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minima sociaux »). En effet, la droite ne se réfère pas à la « valeur-travail » au sens de l’économie dite classique (Ricardo et le travail concret nécessaire à la production comme source de la valeur) repris par Marx dans une perspective certes critique (le travail social abstrait comme source de la valeur), puisqu’elle adhère en général aux thèses dites néo-classiques liant la valeur à l’utilité subjective (la désirabilité du produit chez Walras, Pareto et Charles Gide) et/ou à l’utilité marginale, c’est-à-dire à la rareté (Walras) et non pas au travail qui n’est qu’un des facteurs de production du capital global. Peu importe pour notre objet de savoir qui a raison sur ce que Keynes appelait la métaphysique de la valeur (« le sexe des anges »). Ce qu’il faut retenir c’est que dans l’acception de droite, c’est le travail lui-même qui est une valeur sans aucun lien avec son contenu concret, alors qu’à gauche et à l’extrême gauche, beaucoup essaient de sauver la valeur du travail à partir de ce qui serait son « utilité sociale » en recherchant derrière l’aliénation du travail la libération de l’activité. Or après la défaite des mouvements de refus du travail des années 1960-70, cette « libération », c’est la révolution du capital qui l’a faite, mais pour son propre compte en transformant premièrement toute activité en travail, deuxièmement en faisant que tout travail soit « utile »… de son point de vue (marchandisation/salarisation généralisée) et troisièmement en faisant de l’activité gratuite un complément ou un ersatz de travail potentiel (développement des associations, du bénévolat, etc.)
Si Hannah Arendt dénonçait déjà « une société de travailleurs sans travail », aujourd’hui avec la révolution du capital, on est passé à une société dans laquelle la notion même de « travailleur » tend à devenir obsolète (« agents », « préposés », « opérateurs », « professionnels du care ») ou alors est assimilée à une sorte de « gros mot » devenu indigne. Maintenant qu’Arlette Laguiller s’est mise en retraite, elle n’est plus guère revendiquée que dans des formes marginales surjouées (les « travailleurs du sexe »), qui seules seraient revendiquées et dignes de « fierté ». Le travail ayant perdu de sa substance se perpétue néanmoins en tant que fonction et la force de travail — terme de plus en plus impropre si on a abandonné la théorie de la valeur-travail — en tant qu’opérateur du processus de capitalisation des activités humaines.
L’État d’aujourd’hui peut parfois apparaître comme « néolibéral » parce qu’il donne l’impression de revenir à une conception de l’intervention qui remonte à avant le développement de l’État social. Dans cette mesure, il pourrait être tenté par une logique d’assistanat qui reviendrait à scinder à nouveau ce qu’il a unifié. Cette logique est d’ailleurs contradictoire avec son redéploiement en réseaux, qui tend à contractualiser tous les rapports aux individus et entre individus sous la forme d’un donnant-donnant individualisé qui soumet à conditions particulières ce qui relevait auparavant des objectifs collectifs d’une solidarité nationale par le haut organisée (les différents systèmes de sécurité sociale). C’est comme si les pouvoirs publics restaient au milieu du gué, tiraillés par leurs propres injonctions simultanées et contradictoires. C’est par exemple le cas pour le passage du RMI au RSA en 2009, qui pérennise la situation de cumul travail/solidarité, la prime d’activité de 2016 conçue comme une aide aux moins pauvres des pauvres, à condition qu’ils travaillent et, en 2018, pour le projet macronien de fusion RSA-Prime d’activité-APL-Allocations familiales finalement abandonné pour cause de crise sanitaire. Il y aurait en tout, une trentaine de dispositifs particuliers de solidarité qui coexistent d’abord avec le régime général, ensuite entre eux, mais sans forcément beaucoup de cohérence. Une segmentation bureaucratique que Macron voulait remplacer par une coordination en réseaux. Le nouveau projet de « solidarité à la source » s’inscrirait dans cette perspective, mais sans l’idée première de fusion des dispositifs. Sans doute que les niches de pouvoir internes à chaque dispositif sont bien défendues. L’idée serait de résoudre la question du non-recours à l’assistance de la part de nombreux ayant droit. En effet, les statistiques montrent que, à l’inverse de l’idée reçue, les individus qui ne sont pas encore « désaffiliés » (Robert Castel) ne se précipitent pas vers les mesures particulières de solidarité, soit parce qu’ils ne connaissent pas bien leurs droits, soit parce qu’ils trouvent la situation humiliante, dégradante ou stigmatisante. Ils pratiquent alors une critique passive des mesures d’assistance. Il s’agirait donc, pour les pouvoirs publics, de favoriser l’interaction État-individus dans laquelle chacun doit sortir de sa passivité, le premier par son rôle d’animation des dispositifs, les seconds par l’intégration de ce que le sociologue François Dubet appelle « la norme d’internalité », qui les renvoie à leur propre situation difficile et à sa prise en charge partielle par eux-mêmes. Cela apparaît à première vue comme un effacement de la puissance publique et de ses médiations traditionnelles qu’étaient les institutions au profit d’une puissance sociale où l’État entre en milieu symbiotique avec des agents : acteurs privés, locaux, associations, « cabinets » divers et individus de terrain, dans le cadre de son redéploiement en forme réseau (la fameuse transversalité comme pouvoir diffus).
Objectivement, on est loin ici d’une tendance à l’assistanat, que ce soit de la part de l’État ou des personnes ciblées et concernées. Il s’agit plutôt de la mise en réseau de dispositifs de remédiation à une porosité des situations entraînant une grande volatilité des allocataires ; une porosité dont ne tiennent compte ni Roussel ni Rousseau qui procèdent par effet d’annonce, comme s’ils étaient au pouvoir, ce qui montre bien le « déclassement » des partis politiques et la mise en spectacle de leurs dirigeants qui « se la jouent » à la grenouille qui veut faire le bœuf.
Désormais, il ne s’agit plus, pour les pouvoirs en place, d’intégrer à ce que Michel Aglietta et Anton Brender appelaient la « société salariale », mais d’inclure corps et âme les individus à une société qui tend à capitaliser toutes les activités humaines, travail et non-travail compris.
Dans un article de Libération, le 12 octobre 2022, J. Bouchet Petersen reprend implicitement la position de Rousseau, mais en critiquant celle de Roussel sur l’assistanat en la renvoyant à une position de droite en faveur du travail, il oublie que cette position a été initiée sous un gouvernement de gauche, en l’occurrence celui de Lionel Jospin, alors premier ministre (1998), en réponse aux questions posées par et dans les luttes des comités de chômeurs. Des luttes qui marquaient une force collective nouvelle d’abord parce que les chômeurs n’étaient plus renvoyés à leur isolement et leur atomisation, ensuite parce que le peu de cas fait de leur sort par et dans les organisations traditionnelles de la classe ouvrière, les obligeaient à développer leurs propres formes d’organisation. La CGT fut la seule centrale d’importance à tenir compte, sur ce point, à la fois des transformations du capital et du salariat et de la pression d’une base qui, au moins, sur Marseille, avait pris l’initiative par des interventions en amont qui débouchèrent sur la formation de comités de chômeurs CGT (Hoarau), alors que partout ailleurs ce fut difficile de se coordonner sur cette base autonome, malgré l’existence de structures en réseau comme Agir contre le chômage. Néanmoins, nous étions encore dans la dimension unitaire du « Tous ensemble » de 1995 même si les ouvriers des grandes usines ne répondaient déjà plus aux appels et que ceux des petites et moyennes entreprises se retrouvaient hors-jeu face au double processus de globalisation/mondialisation. La CGT continua bien l’action à la marge en essayant de lier luttes sociales des sans-papiers et lutte juridique… mais pour les sans-papiers qui travaillent déjà. Une position qui n’est pas reprise par un PCF qui s’oppose à toute mesure susceptible de provoquer un appel d’air pour les réfugiés (cf. la question des conditions d’acceptation des mineurs et la définition de la notion de « mineur isolé »).
Si Sandrine Rousseau n’a sans doute jamais été à un piquet de grève partager des merguez en barbecue et Fabien Roussel entretient une vision du travail qui remonte à l’époque de l’ouvrier professionnel des décennies 1920-1960, cela peut apparaître secondaire par rapport au fait qu’aucun des deux ne pose la question de l’aliénation du travail en général et de son sens en particulier, alors pourtant que les médias parlent de « grande démission », qu’il existe un hashtag #quietquitting (appel à une sorte de grève du zèle), des individus « à la recherche du sens perdu » par le choix de recherche d’emploi dans une « entreprise à mission », des sociologues (Méda) et économistes (Coutrot) qui veulent « redonner un sens au travail ». Ils n’ont pas plus de référence à la subordination au quotidien aux ordres des chefs, au harcèlement au travail (sauf si c’est un harcèlement sexuel en provenance d’un homme) et plus généralement aux nouvelles formes de disciplinarisation de la force de travail qui tendent à substituer à la traditionnelle discipline du travail, le travail comme discipline, forme hard du travail comme valeur.
Les exemples actuels de montée de l’absentéisme dans la fonction publique et par exemple à la RATP au niveau des chauffeurs de bus, où des grèves perlées s’organisent en dehors des syndicats, mais aussi en dehors du collectif de travail ou d’un collectif d’action, rappellent à la fois la difficulté à lutter et la résistance quasi naturelle à des situations concrètes d’exploitation (cf. l’article « Ouverture à la concurrence des bus parisiens : tensions à la RATP », Le Monde le 1-2 octobre 2022). Aujourd’hui que les ouvriers et employés ont perdu la partie en tant que classe antagoniste, ces actions se mènent à front renversé à partir de positions individuelles, qui en rencontrent d’autres et se coordonnent à travers des réseaux. Comme nous l’avons déjà dit en novembre 2021 dans l’article « Sur la valeur-travail et le travail comme valeur » [4], il ne s’agit pas ici d’un mouvement de refus du travail au sens collectif du terme, comme nous l’avons connu dans les années 1960-1970, mais d’attitudes individuelles agrégées profitant d’une conjoncture particulière [5] pour retourner la flexibilité accrue subie par la force de travail dans le procès de production, à son propre profit et non plus au profit de l’entreprise et de ses dirigeants. Elles sont aussi bien le fait de jeunes prolétaires que des « seniors » et des cadres. D’après le ministère du Travail et la DARES, le taux de démission au 25 août 2022 atteignait son plus haut niveau y compris pour les postes en CDI. Les intermittents du spectacle s’inscrivaient déjà dans ce cadre dont l’organisation progressive sous le parapluie de l’État social rendait déjà abusive si ce n’est impropre la thèse de la tendance au précariat qui aurait constitué une nouvelle forme de ce que les marxistes considéraient comme une tendance plus générale à la prolétarisation. Le fait que cette même DARES fasse état d’un sondage où 78 % des jeunes de 16 à 24 ans disent ne pas vouloir accepter un travail qui n’aurait pas de sens s’inscrit dans la même direction. Dans l’univers mental comme dans les conditions de vie des jeunes et même d’une partie des femmes de l’aire occidentale, il y a une impression de pouvoir choisir quand et comment. Le travail salarié est de moins en moins lié à l’idée d’émancipation (de la famille, du couple) et pour beaucoup il s’agirait plutôt de s’en émanciper… dans une certaine mesure. La crise sanitaire, avec l’arrêt partiel et momentané des flux de toutes sortes, puis le discours sur l’urgence climatique, ont aussi infusé et diffusé l’idée que, d’une manière ou d’une autre, plus rien ne pouvait être comme avant. Qu’il en ait été globalement autrement ne fait pas disparaître immédiatement les traces de ce « puisqu’on nous arrête, on réfléchi », même si ce moment n’a pu avoir la force d’un « on arrête, on réfléchi ». Mais il s’agit plus d’une grande rotation que d’une « grande démission » ; en effet, les chiffres, pour la France, indiquent, une légère augmentation de l’emploi privé pour 2022 (3 %) et une augmentation de 2 % par rapport à l’avant crise sanitaire.
Cette position de désengagement par rapport au travail se retrouve dans d’autres domaines du secteur public telle l’Éducation nationale où les tensions sur les affectations sont fortes entre les nouveaux titulaires mal payés et envoyés loin de chez eux dans des académies « difficiles » et des contractuels certes encore plus mal payés mais près de chez eux et qui peuvent se permettre de refuser les postes proposés dans une sorte de précarité choisie ; et aussi dans le secteur privé comme dans l’hôtellerie/restauration où le personnel fait monter les enchères en pratiquant un turn-over élevé. Le fait que les syndicats aient obtenu dans cette branche une amélioration de la convention et des augmentations de salaire non négligeables (17 %) ne semble pas modifier le comportement des salariés en poste et des postulants. Le fait que certains chefs d’entreprise parlent aujourd’hui en termes d’« attractivité du travail », de « semaine de quatre jours », de « suppression de la coupure » dans la restauration est le signe de ce retournement. Les stratégies managériales que les entreprises françaises mettent en œuvre cherchent à enrober le rapport de subordination par un souci accru de gestion des « ressources humaines ».
Ces initiatives ou réactions ne prennent donc plus la forme de coordinations au sens organisationnel qu’elles ont essayé de développer de façon embryonnaire pendant les grèves de 1986. Celles-ci se posaient certes en alternative aux insuffisances des organisations ouvrières traditionnelles, mais finalement en suivant le même schéma tactico-stratégique seulement radicalisé pour les infirmières, gauchisé pour les cheminots. Il s’agissait encore de s’affirmer comme classe du travail mais, dès cette époque, le « Tous ensemble » de la classe unie n’était déjà plus vraisemblable depuis l’échec du « travailleurs français, immigrés tous unis » et le tournant corporatiste pris par les « roulants » (l’aristocratie du rail) et les infirmières par rapport aux catégories hiérarchiquement inférieures (la reconnaissance du bac +3 dans le diplôme creusant encore l’écart avec les aides-soignantes). Mais il demeurait encore un « eux et nous » qui fit, qu’en dehors d’une sphère de la production toujours plus éclatée par les restructurations industrielles, une certaine unité perdurait dans la sphère de la reproduction sociale. C’est pour cette raison que la lutte contre la réforme de la sécurité sociale en 1995, puis celles contre les retraites en 2003 donnaient encore cette impression de « Tous ensemble ». Ce n’est plus le cas aujourd’hui où les « frontières de classes » qui déterminaient dans un cycle de lutte un offensif « nous contre eux » se sont effacées ou ont du mal à se redéfinir si bien qu’on ne sait plus comment définir le « nous » [6]. Les collectifs de travail sont fragmentés ou détruits, d’où une atomisation accrue et une perte de conscience unitaire de classe où malgré les différentes strates hiérarchisées de la classe, les unes avaient tendance à tirer les autres, même si ce n’était pas forcément toujours les mêmes strates qui se trouvaient à l’avant-garde de la lutte (ouvriers qualifiés de la métallurgie, cheminots d’abord, puis OS des années 1960-70, etc.). Ainsi, une augmentation d’une strate inférieure sera aujourd’hui considérée comme un déclassement par la strate supérieure en tant que baisse relative de la valeur de sa force de travail. Il en est ainsi des conséquences de la suppression de l’indexation des salaires à laquelle échappe le SMIC et de la mise en place d’un soutien aux petits salaires conduisant à un tassement des écarts par le bas. Les salariés dont la qualification est reconnue et qui avaient le sentiment d’être la force productive du pays et une force politique d’appoint ont l’impression de rejoindre d’un coup la masse des laissés-pour-compte [7]. Il en ressort qu’on ne sait plus non seulement qui est le « nous », mais pas plus qui est le « eux ». Ceux qui sont en dessous et qui « profitent du système », ou ceux qui nous exploitent et nous dominent ? Les deux mon capitaine, dirait peut-être qui nous « écrit du front de la Somme » : « La gauche doit redevenir le parti de l’égalité et de la fierté au travail. »).
Sur cette base mouvante, le « contre » peut être n’importe qui et dire n’importe quoi (anti-« système », antisémite, racialiste, complotiste, et on en passe). Ces confusions ouvrent aussi la porte à toutes les dérives identitaires dans lesquelles on ne conçoit plus les choses qu’en termes d’amis/ennemis sans critère objectif de définition. C’est une mode que d’attaquer les réseaux sociaux, mais ce ne sont quand même pas ces réseaux qui produisent le niveau d’invectives qu’on y retrouve. Ils ne font que révéler le désert de la critique théorique et la misère politique actuelle.
Temps critiques, le 16 octobre 2022
Notes
[1] – La CGT tente de s’adapter à la perte de centralité du travail dans la valorisation. Nous avons vu son évolution par rapport aux chômeurs, il en est de même par rapport à la hiérarchisation de la « valeur » de la force de travail. Avec cinquante ans de retard elle rejoint la CFDT dans des revendications d’augmentation égale pour tous comme on peut le voir aujourd’hui quand elle demande 300 euros d’augmentation pour tous (le Monde, le 11 octobre 2022 dans l’article : « l’inflation bouleverse la question des bas salaires ».
[2] – C’est ainsi que, jusqu’à la réforme de 1982 (passage des catégories socioprofessionnelles ou CSP aux professions et catégories socioprofessionnelles ou PCS), l’INSEE classait encore les chômeurs selon leur profession d’avant le chômage et non leur situation à l’instant t,
[3] – Les salariés du complexe pétrochimique de la raffinerie d’Asalouyed (Sud-Iran) ont eux aussi répondu à leur façon par la grève et le blocage de la route en soutien aux manifestants des villes. C’est un fait nouveau depuis les grandes grèves de 1979 précédant la chute du régime du Shah, puisque les grèves des dernières années concernaient des objectifs catégoriels et syndicaux (cf. Le Monde, le 12 octobre 2022).
[4] – https://lundi.am/Sur-la-valeur-travail-et-le-travail-comme-valeur
[5] – La crise sanitaire a aussi joué son rôle en participant à une cassure avec le travail pour beaucoup de salariés dans le temps du confinement strict, puis dans l’organisation sous forme de travail à distance en réduisant encore plus ce qui pouvait demeurer du collectif de travail. Enfin, l’écart avec le siège de l’entreprise a pu contribuer à une baisse de l’esprit d’entreprise. Là encore, à la position des dirigeants tentés d’inessentialiser toujours plus la force de travail, des salariés ont pu répondre par l’inessentialisation de l’entreprise. À salarié interchangeable, entreprise interchangeable.
[6] – Ruffin veut par exemple faire émerger « les invisibles du bas » (Bourse du travail à Paris, le 13 octobre), les seuls « invisibles dont on ne parle pas quand priment les revendications de « société ».
Les polémiques au sein de la Nupes entre territoires à conquérir ou à reconquérir sont un autre signe de cette préoccupation. Ils n’échappent toutefois pas à un schématisme d’analyse qui aurait valeur heuristique. Ainsi, Ruffin fait comme si ces territoires étaient homogènes se moulant par là dans le sillage très discutable de Christophe Guilluy et cela même si le mouvement des Gilets jaunes a pu donner quelques crédits à la thèse de ce dernier. En parlant de « reconquête » Ruffin fait aussi comme si ces territoires avaient été jadis de gauche, ce qui est peut-être vrai pour la Somme, mais pas pour la plupart des autres.
[7] – Les sociologues ont beaucoup glosé sur le déclassement ou le sentiment de déclassement des classes moyennes (Maurin), peu sur celui des « couches populaires », sans doute parce que ces dernières ont perdu de leur importance économique et politique au profit des premières, mais peut être aussi parce qu’une réduction des inégalités entre ces deux ensembles, au moins pour ce qui est des salariés, a occulté en partie l’existence d’autres catégories minorisées que forment les chômeurs de longue durée, les immigrés et réfugiés, les jeunes en échec scolaire et existentiel, ceux qui sont restés faire leur vie dans les campagnes en déclin (cf. Benoît Coquard et son livre éponyme) et ceux que la vulgate appelle les « cassos ». Des catégories qui peuvent facilement devenir des boucs émissaires pour les couches situées juste au-dessus d’elles et pour qui le sentiment d’insécurité sociale avec la peur de tomber à leur niveau est sûrement beaucoup plus palpable que le racisme, le taux d’agression, etc.