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Aurélie Trouvé: Face à l’inflation et l’effondrement des salaires réels, il faut revenir à l’indexation

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Lien publiée le 29 décembre 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Face à l'inflation et l'effondrement des salaires réels, il faut revenir à l'indexation (latribune.fr)

OPINION. Petits fours, dinde, bûche... Quelles que soient vos préférences, le dîner de Noël vous aura coûté cette année 15% de plus que l'an dernier, selon le « panier RTL ». Un réveillon au goût amer pour des millions de familles qui se préparent déjà aux privations qu'il faudra accepter en janvier. Pour y faire face, il est nécessaire de plafonner certains prix de l'énergie et revenir à l'indexation sur l'inflation pour les salaires les plus bas. Par Aurélie Trouvé, économiste, députée de la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis.

L'inflation a atteint 7,1% en cette fin d'année [1]. Mais pour les prix alimentaires, c'est bien pire : leur hausse atteint plus de 12% en cette fin d'année. Une hausse qui va s'accentuer au début d'année puisque les prix sont en cours de négociation, à la hausse, entre distributeurs et fournisseurs.

Face aux prix alimentaires qui s'envolent, le salaire moyen n'a été rehaussé que de 2,7%. La fin d'année actera donc un effondrement des salaires réels et du pouvoir d'achat moyen des français. Les ménages les plus modestes sont particulièrement frappés, eux dont l'alimentation constitue une part plus importante de leurs dépenses. Sans compter l'envolée des autres dépenses de base.

Envolée de l'aide alimentaire

Le groupe de travail sur l'inflation que j'ai mené avec mon collègue député Xavier Albertini à l'Assemblée nationale aura dévoilé des conséquences d'ores et déjà désastreuses: une augmentation nette des personnes qui recourent à l'aide alimentaire (+9% en un an, selon les Banques alimentaires) ; des répercussions sur la qualité des aliments, avec moins de fruits et légumes frais consommés, moins de produits bios, locaux, labellisés.

La hausse des prix alimentaires a également des répercussions sur la restauration collective (10 millions de repas par jour). Le coût moyen des repas augmenterait de 13%. Là aussi, pour faire des économies, les repas sont de moins en moins fournis, de moins en moins bios. Et la moitié des communes annonce avoir dû augmenter ses tarifs.

D'où vient cette augmentation des prix ? Il est devenu banal (et juste) de mentionner les tensions sur les chaînes d'approvisionnement, comme la hausse des prix de l'énergie, qui jouent sur les coûts de production alimentaires. Mais qu'en est-il des marges réalisées par les entreprises de l'industrie agroalimentaire et de la distribution ? L'Inspection générale des finances s'est empressée de démontrer que leurs profits avaient diminué. Mais un nouveau calcul avec des dates plus adéquates, mené par l'institut la Boétie, montre que ces entreprises ont bel et bien, en moyenne, augmenté leur taux de marge entre 2018 et 2022. Ce sont donc les consommateurs et les salariés dans leur ensemble qui supportent intégralement la montée des prix alimentaires.

Les petites entreprises sont plus pénalisées

Bien entendu, toutes les entreprises n'ont pas profité de la même façon de cette inflation. Celle-ci a tendance à pénaliser les petites entreprises - elles sont encore nombreuses dans le secteur agroalimentaire -, dont les trésoreries fragiles ont déjà été affectées par la crise du Covid-19. A l'inverse, elle favorise les entreprises en oligopole, qui profitent du manque de concurrence pour répercuter plus que de besoin la hausse des coûts de production sur les prix de leurs ventes. C'est ainsi que Michel-Edouard Leclerc pointe du doigt les géants de la fabrication d'aliments pour animaux, qui réclamaient une hausse de prix de 40% - la centrale d'achat Leclerc étant elle aussi en position d'oligopole, avec la poignée d'autres centrales assurant l'essentiel des ventes de la grande distribution -.

Quels enseignements en tirer ? Mon collègue Xavier Albertini et moi-même regrettons que n'ait toujours pas été décidé de verser des chèques alimentaires, destinés aux plus modestes et ciblés sur des produits de qualité. De tels chèques, nécessaires à court terme, ne seraient pas suffisants pour répondre aux causes de l'inflation. Notamment, un contrôle des prix alimentaires et des marges réalisées par chaque échelon de la filière s'avère nécessaire.

Dans le secteur agricole, les situations des entreprises sont là encore très inégales face à l'inflation : quand les céréaliers bénéficient de hausses de prix de 78% (en plus d'aides de la Politique agricole commune (PAC) substantielles), les maraîchers subissent une baisse de 9%. Se fait sentir le besoin de bien davantage réguler les prix payés aux producteurs, en fonction de leurs coûts de production.

Les mesures du gouvernement sont mal ciblées

Pour faire face à toutes ces difficultés, le gouvernement multiplie les chèques et compensations : ils pèsent sur les contribuables (40 milliards d'euros en 2022) et s'avèrent insuffisants et mal ciblés. Deux mesures, certes d'une toute autre ambition, permettraient d'y remédier : d'abord, un plafonnement sans attendre des prix d'achat du gaz et un même tarif réglementé de l'énergie pour toutes les entreprises, collectivités, ménages...

Indispensable complément, la ré-indexation des salaires sur l'inflation, au moins pour les bas salaires, empêcherait les salaires réels de s'effondrer et permettrait aux ménages modestes de subvenir à leurs besoins essentiels. Et cette demande populaire soutenue augmenterait le carnet de commandes des entreprises, évitant la récession que la Banque de France prévoit elle-même pour 2023.

[1] Selon l'Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH)