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    Après le 7 mars et l’appel de l’intersyndicale à Macron : tournant politique

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    Lien publiée le 12 mars 2023

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Après le 7 mars et l’appel de l’intersyndicale à Macron : tournant politique. Vincent Présumey. – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

    Photo illustrant cet article : la population de Cérilly (Allier) dans la rue pour l’école publique.

    Nous sommes dans un de ces moments où tout semble continuer alors que tout pivote. La fin de non-recevoir de Macron à l’intersyndicale, le fait que même au Sénat, la constitution est mise en branle pour faire taire toute critique, alors même qu’Assemblée et Sénat offrent le spectacle des pires pitreries, et cela de la part des hommes du gouvernement et du seul parti un tant soi peu fiable sur lequel il tente de s’appuyer – LR !- ces faits font entrer le pays dans l’apesanteur d’une crise politique inédite.

    Macron est sur une ligne de coup d’Etat, de coup de force, et proclame à qui veut l’entendre que sitôt après la loi contre les retraites il passera à une révision constitutionnelle de choc, diminuant le nombre de députés, passant du quinquennat au sextennat, etc. Apesanteur, fuite en avant, et au bout, la culbute : toutes les forces attachées au maintien de l’ordre établi ont peur de cet emballement, qui correspond pourtant à leurs besoins fondamentaux !

    La cause de la crise politique, c’est la force du prolétariat, de la majorité. Les énormes manifestations des 19 janvier, 31 janvier, 7 mars, en particulier, renouant avec les plus grands mouvement de masse de notre histoire, ont constitué par eux-mêmes, en même temps qu’ils ont verrouillé l’intersyndicale sur le mot-d ’ordre de « retrait » qui n’était pas initialement le sien, une défaite politique centrale pour Macron et pour le régime présidentiel. C’est pour cela que la fuite en avant de Macron, programmée de longue date, qui n’est rien d’autre que son programme de restauration pleine et entière du bonapartisme en France, programme hérité de Sarkozy, n’est pas une manifestation de force mais une manifestation de crise, voire de panique.

    Verrouillée sur le retrait depuis le 19 janvier, l’intersyndicale joue avec le temps et fait tout pour esquiver une question, celle de la victoire : l’affrontement central avec Macron. Elle lui tend la main, qu’il refuse. Ayant réalisé cette unité, dont le contenu vient d’elles et non des sommets, les larges masses y sont attachées et se saisissent de chaque « journée ». Mais depuis celle du 7 mars – la plus puissante – l’atmosphère change. Les manifestations toujours puissantes fluctuent, sont de plus en plus des lieux de discussion et de recherche. Cela était net dès les manifestations féministes le 8 mars et ne cesse de s’accentuer depuis. Les larges masses cherchent à gagner.

    Il ne fait absolument aucun doute que si l’intersyndicale les appelait à deux ou trois jours de grève générale pour monter à l’Elysée, elles marcheraient avec une force invincible. Bien sûr, cela ouvrirait la voie à une situation révolutionnaire. Bien sûr. C’est pourquoi l’intersyndicale fait tout pour effleurer la question de Macron sans appeler à ce qui permettrait la victoire. Elle envisagerait maintenant d’appeler à une « consultation citoyenne » après avoir demandé au gouvernement de l’organiser …

    Il est nécessaire d’identifier ce qui permet encore à cette politique de passer et donc d’empêcher le mouvement naturel de millions et de millions de se centraliser sur Macron, de gagner et d’ouvrir une nouvelle période historique. C’est là formuler une divergence, mettre le doigt où ça fait mal, dire ce qui est : le devoir des militants qui veulent être utiles à leur classe.

    Les appels à « généraliser », à « reconduire », voire à « déborder » adressés à la base ou à telle ou telle base sectorielle ne sont plus aujourd’hui des points d’appuis, mais sont des freins, des obstacles, au développement du mouvement réel des grèves et de leur centralisation. Ils isolent les travailleurs et les secteurs en les renvoyant à une responsabilité qui soi-disant leur incomberait à eux. Voici un dirigeant CGT comme Laurent Brun (Cheminots), qui explique sur le site Contretemps que la masse des travailleurs ne comprend plus ce qu’est « un rapport de force » et que les grèves « reconductibles » visent à mettre les travailleurs de tous les secteurs le nez devant leurs taches. Que les travailleurs ont un mouvement propre, qui a déjà fait beaucoup, qui l’a d’ailleurs bien bousculé avec les contrôleurs SNCF il n’y a pas longtemps (une question que Contretemps se garde bien de lui poser !), qu’ils ont besoin de perspective claire visant à gagner et que sans aucun doute, ils viendront aux AG si c’est pour décider réellement et pas pour mettre en œuvre ce que ceux qui, comme lui, disent « Nous,  on sait … » ont décidé pour eux (ce qu’il affirme très franchement comme étant la seule fonction d’une AG !), est totalement exclu dans cette vision des choses. Mais soyons clairs : si les travailleurs ne comprennent pas qu’il faut un rapport de force par la grève, alors nous ne pouvons pas gagner. Il n’y a qu’à éduquer ces damnés travailleurs à la tête si dure.

    C’est ce que préconise, grosso modo, toute l’extrême gauche. Révolution permanente explique qu’il faut « politiser » : « politiser », ce n’est pas pour eux centrer sur Macron, sur le régime, sur les lieux de pouvoir, non, c’est expliquer aux travailleurs que leurs luttes pour les salaires et leurs luttes pour la retraite sont liées ! Comme s’ils ne le savaient pas !!! (depuis, RP affirme qu’il faut « construire la grève générale pour faire reculer Macron » et combattre le « manque de détermination » de l’intersyndicale : là encore, complétement à côté du mouvement réel politique de millions de prolétaires, tous bien plus à gauche dans le réel que les rrrrrévolutionnaires tenants du titre !).

    Je pense que, pour l’essentiel, la voie de la grève générale ne passe et ne passera PAS aujourd’hui par les « reconductibles » et les « AG interpro » entre militants. Quand un camarade d’Ardèche nous explique que telle boite a débrayé pendant une semaine pour les salaires, galvanisée par les manifs pour les retraites, sans attendre et sans participer à aucune « AG interpro », on a là le mouvement réel. Quand les éboueurs de Paris tentent une grève totale prolongée pour gagner sur les retraites, ils ne font pas une « reconductible », ils font LA grève contre Macron et pour les retraites. Quand les habitantes et les habitants d’une commune de l’Allier s’organisent pendant des semaines pour sauver leur école et réalisent des manifestations ayant plus de participants qu’il y a d’habitants dans leur commune, pendant qu’à la ville une « AG interpro » réunit moins de 5 participants, tous militants-qui-savent, où est l’auto-organisation réelle et pas imaginaire ?

    Au moment présent, la thématique de la « reconductible » tournée vers les larges masses et à leur encontre comme s’il fallait les stimuler, est contre-productive. C’est cela qui constitue le principal soutient à la politique d’évitement de l’affrontement central avec Macron par l’intersyndicale.

    Les larges masses sont capables de surmonter les obstacles et de gagner. Ce qui leur manque, c’est une sorte d’appareil politique de la lutte que les discussions que nous avons ici, les réseaux associant des militants syndicaux, et leur propre mouvement, tendent à tisser. Mais le temps presse. 

    Bien sûr, ne soyons pas bornés : ce que je dis sur la phraséologie gauchiste ou d’appareil « combatif » autour de la « reconductible » ne signifie ni qu’il n’y a pas de vraies grèves reconductibles, ni que le mouvement pour gagner ne peut pas passer par telles ou telles. Mais cela signifie que les militants qui veulent aider leur classe doivent faire des distinctions. Ce qui aide, ce n’est pas ce qui impuissante en donnant l’impression d’un mur que seul des super-cheminots, par exemple – alors que les cheminots, les vrais, ont assez donné -, pourraient escalader, et ce n’est pas ce qui donne l’impression qu’on est coupable de ne pas « y aller » ; ce qui aide, c’est ce qui favorise l’union, la généralisation, l’auto-organisation, et dont la clef de voûte n’est pas une radicalité fantasmée, mais est constituée par la centralisation contre le pouvoir en place, contre Macron.

    Revenons-en, pour terminer ces quelques réflexions, à Macron. Comme le temps presse, il est possible que les larges masses tranchent le nœud, comme les Gilets jaunes lorsqu’ils sont montés sur l’Élysée. Il est possible aussi qu’elles ne le tranchent pas. Elles hésitent, comme nous, et on les comprend : sortir du cadre puissant des journées unitaires ou le préserver en plafonnant alors qu’il a joué son rôle historique ? Faute d’appareil politique de la lutte né du mouvement réel lui-même, ce choix sera spontané, organique, difficile, et sera peut-être fait par défaut.

    Mais si la loi est votée, ce qui peut maintenant arriver vite, Macron n’aura pas gagné. En effet, le sens de cette loi était de casser le prolétariat et la jeunesse, or, sa menace a eu l’effet inverse sur eux. Nous allons avoir une situation de crise politique aigüe, de fuite en avant présidentielle devant un pays qui le rejette. Et cela va continuer. C’est pourquoi ils ont peur dans l’appareil d’Etat et dans les couches de bons conseillers du capital, qui ne manquent pas. L’offensive de Darmanin contre les travailleurs migrants et d’origine étrangère, l’aggravation du texte au Sénat visant directement cette fois-ci la Fonction publique, sont autant d’indications de la radicalisation de certaines couches dirigeantes. Mais le mieux pour nous, et de loin, pour aborder cette période qui vient, serait une victoire !

    Grève générale, Maidan à la française et assemblée constituante seront donc des outils de premier plan à manier bien avant la fin du second quinquennat, l’enjeu étant soit la fin de ce régime, soit sa transformation en dictature ouverte.