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Recours forcé au 49-3 sur les retraites : le retour en force de l’État.
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le recours de Macron au 49-3 pour faire adopter sa loi retraite est une victoire de la mobilisation massive, unie et persévérante, des travailleurs contre ce projet de loi. Il a l’avantage de rendre le Roi nu, dans une situation où de toute façon la composition de l’Assemblée Nationale, issue d’élections marquées par une forte abstention, était peu propice au rejet par celle-ci de ce projet. Alors que par des négociations, promesses, manœuvres et menaces peu glorieuses menées à bien par sa première ministre il avait presque réussi à vendre au pays l’idée absurde que le vote de cette loi aurait été adoptée de manière « démocratique », avec des guillemets doubles, l’incertitude au dernier moment lui a conseillé la prudence. Ce n’est pas tant que cette réforme soit réellement indispensable au capital, étant fort critiquée par les propres « économistes » de la bourgeoisie, que parce que cette épreuve de force avait pour fonction principale de montrer qui est le tôlier en France, et que le mal élu Macron est légitime pour mener à bien les (contre-)réformes exigées par les « marchés ».
Patatras, avec ce recours forcé au 49-3, qui s’apparente en effet, dans ces conditions particulières, à un véritable coup d’État, c’est cette fiction qui s’effondre : Macron reste illégitime et fragile, sinon incapable de nuire, du moins tant que les « forces de gauche », directions syndicales et politiques, parviendront à contenir le puissant mouvement des masses qui, jusqu’à présent, est parvenu à leur imposer l’unité et le mot d’ordre clair et sans concession de « retrait », qui n’était nullement envisagé au départ par elles.
Ce qui se passe dans cette affaire est un affrontement entre les travailleurs et l’État, et a l’intérêt de rendre cela clair pour tous : la source et le siège du pouvoir dans nos sociétés capitalistes en décomposition est aux yeux de tous l’État, pas le MEDEF, les multi-nationales, les actionnaires, etc. Tous ces acteurs, résumés par la formule « les marchés », existent en effet et influencent, ou même plus directement dirigent, les États, mais ils ont besoin de ceux-ci pour agir. Cette constatation, rendue particulièrement visible par cette affaire de la loi retraite, balaye les conceptions erronées de la nature de l’État et du pouvoir en société capitaliste. Celles-ci incluent les niaiseries et stupidités brûlantes comme « l’État, c’est nous » (parce que nous payons des impôts) ou les affirmations que l’État n’est qu’une forme de pouvoir parmi d’autres dans nos sociétés (comme l’entreprise ou l’école), ou même que tous les États sont mauvais et équivalents et que la lutte pour l’émancipation des travailleurs ne doit pas avoir pour cible l’État mais doit se faire progressivement de bas en haut par des combats locaux, l’autogestion, des zads, des Larzac et des Chiapas ‒ mouvements réels mais que les États peuvent tolérer, tant qu’ils sont localisés et périphériques, en attendant leur dépérissement progressif, dans la mesure où ils ne se répandent et ne se regroupent pas pour menacer le pouvoir central.
Ce ne sont pas les actionnaires ou les dirigeants de PSA, d’EDF, de Total, d’Orange, de Carrefour ou de la Société Générale qui portent directement la loi retraite et tentent de l’imposer au pays. Certes, il travaille pour eux (et pour d’autres), mais c’est bien l’État qui est à la manœuvre, et c’est contre lui qu’il faut concentrer la lutte. La question cruciale de notre époque, et qui vaut autant pour les revendications démocratiques et sociales que pour celles liées à la crise bio-géo-climatique dont le capitalisme est responsable, ou celles liées aux droits des femmes et des minorités, notamment raciales ou de migrants, est la question du pouvoir central, de l’État, et c’est la lutte pour arracher celui-ci à la bourgeoisie et ses séides qui mérite de concentrer tous les efforts.
Bien qu’aujourd’hui sur la planète tous se situent dans le cadre du capitalisme, tous les États ne sont pas identiques et équivalents. S’il est bien connu que certaines formes d’États, comme les fascismes et les stalinismes (il existe plusieurs formes de chaque), en interdisant partis et syndicats, en limitant ou supprimant les libertés démocratiques, sont bien moins propices à l’organisation collective des travailleurs, précieuse pour mener le combat contre eux, que les démocraties réellement parlementaires. Ceci est également vrai des régimes bonapartistes, pseudo-parlementaires comme celui de la Ve République de de Gaulle, dont l’essence se concentre dans l’article 49-3 et quelques autres de sa Constitution.
En définitive, le combat contre la loi Retraites, le combat contre Macron, exprime de manière concentrée un combat contre cette Constitution, pour son abrogation, et pour une Constituante élue (non nommée ou tirée au sort). C’est cette perspective qui tôt ou tard s’imposera à toutes les forces populaires actuellement engagées dans la lutte contre cette loi, si elles parviennent à résister aux forces déterminées à les faire céder. Le mot d’ordre « retrait » comporte déjà en germe ceux de « Macron démission » et d’« abrogation de la Constitution de la Ve République ».
Alain Dubois, le 17 mars 2023