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Les CRS éprouvés après une "journée noire" à Nantes, Rennes, Bordeaux ou Toulouse
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde)
Des documents confidentiels consultés par « Le Monde » révèlent l’intensité des opérations de maintien de l’ordre en province lors de la neuvième journée de mobilisation, jeudi 23 mars, où plusieurs compagnies ont été sérieusement prises à partie.
Quatre cent quarante et un policiers et gendarmes blessés au cours de la seule journée du jeudi 23 mars, à l’occasion de la neuvième journée de mobilisation interprofessionnelle contre la réforme des retraites : vendredi matin, au lendemain d’affrontements sans équivalent depuis les manifestations de « gilets jaunes », le ministre de l’intérieur a admis un bilan « effectivement difficile » sur le plateau de CNews, faisant état de « 1 500 black blocs venus casser du flic » à Paris. Si la capitale, avec 105 fonctionnaires touchés, a concentré près du quart des effectifs blessés, les forces de l’ordre ont été sérieusement bousculées dans plusieurs villes de province, comme en témoignent les « Septimo » consultés par Le Monde.
Dans ces journaux de marche, chaque unité de CRS décrit le déroulement des opérations de maintien de l’ordre, à la minute près, et recense non seulement le nombre de blessés dans ses rangs, mais aussi celui des munitions tirées. Tous ces documents décrivent une situation très dégradée, marquée par des heurts continuels sitôt après la dispersion des cortèges officiels – et, parfois, pendant la progression des manifestants.
Le compte rendu de la CRS 22 de Périgueux, à Nantes, illustre la violence des affrontements entre les forces de l’ordre et, estime le document, huit cents individus appartenant à la mouvance d’« ultragauche » – dont deux cents black blocs. Il explique aussi le lourd bilan essuyé par cette unité : trente contusionnés et blessés, dont huit transportés au CHU de l’Hôtel-Dieu, l’un d’eux devant subir une intervention chirurgicale en urgence pour une plaie ouverte à la main.
Barrages, poubelles, mortiers
Jeudi, peu avant midi, et alors que les policiers sont déployés à Nantes depuis moins de deux heures, un « groupe à risque » commence à les prendre à partie. Mobiles et organisés, les émeutiers multiplient jets de projectiles, barrages et incendies de poubelles ou de palettes, tirs de mortiers d’artifice et jet d’au moins un cocktail Molotov. Une heure plus tard, alors que les incidents se poursuivent, les CRS vont se retrouver en sérieuse difficulté : ils doivent obéir à l’ordre de se replier vers une position très défavorable à proximité du quai Turenne, où des manifestants, disposés en surplomb, les assaillent sous un « déluge de projectiles » .
« Acculée » , l’unité doit procéder à des tirs de grenades à très courte distance pour espérer se dégager puis se retrouve contrainte d’ « opérer repli » sur le parking du CHU, une position de nouveau « très défavorable » où elle est encore prise à partie avant de parvenir à s’extraire du guêpier. Sans discontinuer, les affrontements se poursuivront pendant de longues heures, jusqu’au début de la soirée.
Beaucoup de grenades utilisées
Avec une partie de la CRS 15 de Béthune, elle aussi engagée à Nantes, la CRS 22 a tiré un nombre impressionnant de munitions : plus de 450 grenades de tous types et 72 grenades de désencerclement, des engins généralement réservés aux cas les plus extrêmes du maintien de l’ordre. Preuve de consignes destinées à limiter l’emploi des LBD (lanceur de balles de défense), mis en cause dans la totalité des cas d’éborgnement, seuls cinq tirs de cette arme ont été appliqués.
Moins exposées, les CRS 14 de Cenon (Gironde) et 20 de Limoges (Haute-Vienne), mobilisées à Bordeaux, ont aussi connu une journée intense, entre démantèlement de barricades érigées par les manifestants tout au long du cours Pasteur et « multiples jets de bouteilles en verre » ou de mortiers d’artifice, de pavés descellés de la place de la Victoire, sans compter des mises à feu de poubelles et des incendies qui se propageront à plusieurs véhicules. Des dizaines de « manifestants cagoulés » sont même parvenus à tendre une corde dissimulée « au milieu d’encombrants et de détritus » sur toute la largeur d’une artère dans le but, décrypte le compte rendu, de « déclencher un bond offensif pour ensuite faire trébucher la première ligne des boucliers après les avoir attirés par provocation » . Bilan : deux blessés et dix contusionnés, trois personnes interpellées.
A Toulouse, où les heurts se sont intensifiés à la fin de l’après-midi, la CRS 24 de Bon-Encontre (Lot-et-Garonne), a dû prendre en charge un black bloc pour une gêne respiratoire, avant que le commandant de l’unité ne perde brièvement conscience à la suite d’un jet de pavé sur son casque. Les policiers, qui ont tiré au total 115 grenades lacrymogènes et 9 grenades de désencerclement, comptent 1 blessé et 12 contusionnés.
A Rennes enfin, la CRS 42 a dû faire face à « 1 000 manifestants radicaux dont 200 cagoulés » . Scénario identique. A 14 h 14, moins de deux heures après le début des échauffourées, 30 % du stock de grenades de l’unité est déjà consommé et un « recomplètement » est demandé par radio. Les incidents ne prendront fin qu’aux alentours de 17 heures