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"Nous sommes en train de sortir du cadre démocratique", estime Jean-Luc Mélenchon

Mélenchon

Lien publiée le 5 juin 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Réforme des retraites : « Nous sommes en train de sortir du cadre démocratique », estime Jean-Luc Mélenchon (20minutes.fr)

INTERVIEW EXCLUSIVE Alors que se profile une nouvelle mobilisation sociale, l’ancien candidat insoumis à la présidentielle a répondu aux questions de « 20 Minutes »

Jean-Luc Mélenchon dans son bureau au siège du parti La France insoumise (LFI), à Paris, le 1er juin 2023.

  • A l'orée d’une nouvelle mobilisation nationale contre la réforme des retraites, ce mardi, Jean-Luc Mélenchon répond aux questions de 20 Minutes.
  • Le chef de file de La France insoumise dénonce « les abus de pouvoir » du gouvernement et les « délires de toute-puissance » d’Emmanuel Macron.
  • Le tribun met également la pression sur les alliés de la Nupes pour faire une liste commune aux élections européennes de 2024.

« Je suis en retrait, mais pas en retraite ». Avec sa formule favorite, Jean-Luc Mélenchon nous accueille au siège de La France insoumise, ce jeudi matin, à Paris. A quelques jours d’une nouvelle mobilisation nationale contre la réforme des retraites, mardi, l’ancien candidat à la présidentielle dénonce « les abus de pouvoir » du gouvernement et les « délires de toute-puissance » d’Emmanuel Macron. Pendant plus d’une heure, le tribun insoumis et coprésident de l’institut La Boétie a évoqué ce climat politique explosif, la Nupes et les européennes, et les ambitions présidentielles de François Ruffin… Entretien.

Les députés ont voté en commission contre l’abrogation de la réforme des retraites. Il pourrait ne pas y avoir de vote jeudi prochain. Qu’en pensez-vous ?

Les macronistes ont voulu par tous les moyens empêcher un vote sur la retraite à 64 ans. Autrement dit, le macronisme est aujourd’hui à l’Assemblée nationale une machine à bloquer, dans l’attente désespérée d’une alliance avec Les Républicains ou le RN. Le parti macroniste est devenu quasi antiparlementaire : il passe son temps à dénoncer les uns, les autres, les comportements, les tenues. Maintenant, il empêche les députés de voter sur leur propre texte !

Ils s’appuient sur l’article 40 de la Constitution, qui précise que les parlementaires ne peuvent aggraver les dépenses publiques…

Dans ce domaine, il y avait un usage constant. Nous pouvons citer des dizaines de textes gagés par des taxes sur le tabac ou l’alcool, dont ceux du groupe macroniste. Pourquoi ? Parce que l’article 40 a toujours été contourné dans les initiatives parlementaires. Sinon comment faire des propositions qui ne coûtent absolument rien ? Si on applique ça strictement, on ne discute plus de rien. 

Éric Coquerel [président de la Commission des finances] s’est donc appuyé sur la jurisprudence, son argumentation est bien plus assise que celle de la présidente de l’Assemblée nationale, qui a une interprétation purement politicienne de l’article 40.

Suite aux débats en commission, vous avez tweeté : « la macronie, est-ce encore la démocratie ? » Pourquoi ?

J’ai toujours été prudent dans mes jugements sur la démocratie en France. Mon opposition à la Vème République a toujours été une critique sur le caractère autoritaire des institutions. Cependant, j’estime qu’il y a un franchissement de seuil avec la présidence Macron. Dans le premier quinquennat, son idéologie libérale a mis un terme à une certaine forme de démocratie sociale. Là, nous sommes dans autre chose.

La forme républicaine de l’État est gravement endommagée. Les droits fondamentaux, consubstantiels à l’idée de République, sont tous mis en cause. À commencer par le droit d’amendement ou de manifester, avec des interdictions dans des départements entiers, la condamnation des casserolades. Et des brutalités devenues quasi ordinaires, qui dissuadent les gens d’aller dans la rue par peur d’être éborgnés, nassés, frappés, ou mis en garde à vue. Avec Monsieur Macron, nous ne sommes plus vraiment en République, c’est certain. Mais nous sommes aussi en train de sortir du cadre de la démocratie.

Vraiment ?

Oui, car la liberté du gouvernement a des limites. Leur premier devoir est de respecter le peuple et ses représentants, ils ne le font plus. Députés frappés dans la rue, amendements interdits... Le modèle de démocratie parlementaire est en danger. C’est pourquoi nous allons saisir les instances internationales qui sont déjà en alerte : La Commission européenne des droits de l’homme et le Comité des droits de l’homme de l’ONU. On le fait pour tous les autres pays, pour Orban (en Hongrie), pour le gouvernement polonais, pour le gouvernement local de Hong Kong…

Jean-Luc Mélenchon dans son bureau au siège du parti La France insoumise (LFI), à Paris, le 1er juin 2023.

Jean-Luc Mélenchon dans son bureau au siège du parti La France insoumise (LFI), à Paris, le 1er juin 2023. - Olivier Juszczak

Que reprochez-vous à Emmanuel Macron ?

Le monarque présidentiel est dans un délire de toute-puissance. Il multiplie les réceptions à Versailles et assume une omniprésidence. C’est important de montrer la dérive du personnage, son évolution idéologique. Il a d’abord souligné les talents de Pétain et de Maurras, deux traîtres et antisémites notoires. Il fait maintenant la leçon à Madame Borne parce qu’elle rappelle la filiation historique entre pétainistes et Front National.

Mais ce n’est pas un cas isolé en Europe. Nous nous dirigeons, et c’est nouveau en France, vers la formation d’un « bloc bourgeois », qui unifie de l’extrême droite à toute la droite traditionnelle, jusqu’au centre. Vous avez cette formule en Italie, en Suède, et dans d’autres pays d’Europe. Monsieur Macron est aujourd’hui plus proche de Monsieur Orban en Hongrie que de Sanchez en Espagne.

Il y a pourtant des différences de fond entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron…

Nous, insoumis, ne partageons plus trop cette appréciation, parce que le nombre de votes communs entre le RN et la majorité Renaissance est considérable. Par ailleurs, le gouvernement m’insulte régulièrement mais continue d’avoir une tendresse à l’égard des violences d’extrême droite. Pas un seul membre du camp présidentiel n’était présent à la manifestation de défense du maire de Saint-Brévin, dont le domicile a été incendié par des extrémistes de droite. Pourquoi ? Ils envoient un signal clair.

La majorité pourrait vous reprocher d’avoir aussi des votes communs avec le RN à l’Assemblée…

Sur le référendum d’initiative citoyenne ? C’est normal. Par contre, l’extrême droite vote avec Renaissance sur le refus de l’impôt sur la fortune (ISF) ou de l’augmentation du SMIC, le blocage des prix, le gel des loyers et toutes les mesures sociales et progressistes. Et il y a une différence importante : Monsieur Macron a été élu pour faire obstacle à Madame Le Pen, mais il fait le contraire au pouvoir. Il a trahi le mandat qu’il s’était lui-même attribué.

A quoi va servir la manifestation de mardi ? S’il n’y a pas de vote, ne faut-il pas tourner la page des retraites ?

Cette bataille ne cessera jamais. Le droit à la retraite est en débat depuis 1905. Nous sommes un peuple tumultueux, et les perspectives politiques se présenteront d’une manière ou d’une autre. Il faut voir la vertu pédagogique de ces mobilisations. Nous avons remporté une victoire idéologique : une majorité de Français est convaincue que la retraite à 60 ans est une bonne idée. Il y a une bascule. Son heure viendra.

Vous revendiquez depuis plusieurs années la stratégie de « conflictualisation » pour éveiller les esprits. N’y a-t-il aucune limite ?

Vous évoquez la conflictualité verbale, n’est-ce pas ? Il n’y a pas le début du commencement d’une trace de violence physique de la part d’un quelconque insoumis. Par contre, nous pouvons citer des centaines de violences d’extrême droite ainsi que des tentatives de meurtre, en particulier contre moi. 

On nous parle de violence verbale, mais tout est relatif. Évidemment, pour les bourgeois et la bonne société, le travailleur est toujours grossier, vulgaire et excessif. On nous dit : « vous ne devez pas vous comporter comme ça, il faut mettre une cravate ». Oui, et mes chaussures, sont-elles assez cirées ? Quelle est cette prétention de la classe dominante à donner des leçons de maintien a tout le monde, tout le temps ? Il faut arrêter ce petit numéro d’indignation surjouée.

Elisabeth Borne vous a attribué « une part de responsabilité » dans la montée des violences…

C’est une accusation gratuite, puisque les seules violences dans le pays sont des violences d’extrême droite ou des violences policières. La première responsable, c’est elle, lorsqu’elle méprise le peuple et fait interdire des manifestations contre elle comme dans une dictature. On nous demande à tout bout de champ de dénoncer les violences, mais Madame Borne n’a pas un mot quand un délégué syndical de Vertbaudet est violenté comme dans une dictature militaire d’Amérique latine. Leur empathie est à géométrie variable. Madame Borne et ses ministres expriment une forme de haine de classes et ne s’en rendent même pas compte.

Dans cette séquence des retraites, le RN s’est tenu à l’écart des manifestations. Pourtant, les sondages estiment qu’il est le parti qui en sort vainqueur…

C’est faux. Dans les sondages, la Nupes arrive en tête des élections européennes ! La Macronie, qui est en train de « s’extrême-droitiser », est entièrement responsable de la montée en puissance du RN, qui ne nous a pas pris une voix dans la bataille. Le Pen gagne des voix chez Macron. Nous avons approfondi notre enracinement dans la lutte sociale. Nous sommes plus nombreux que nous ne l’avons jamais été. Nous avons distribué sur les piquets de grève plus d’un million d’euros par notre caisse de grève insoumise ! Je dis ça pour évoquer ceux qui ne le font pas… Voilà notre enracinement ! Mais on a cette sorte de récit préfabriqué qui roule comme un piano mécanique : « Le RN progresse. Comment se fait-il que ce ne soit pas vous ? » Pourtant, unis, nous sommes en tête.

Certains partenaires de la Nupes ne sont pas favorables à une liste unique aux européennes en 2024. L’absence d’accord, c’est la fin de la Nupes ?

C’est possible. La Nupes est en péril si elle n’est même plus un accord électoral. S’il n’y a pas d’union aux européennes, il n’y en aura pas non plus aux municipales. Pourquoi y en aurait-il une à la présidentielle ? Les petits intérêts de partis ont des limites ! Nous avons la possibilité d’être en tête, que tout le peuple voit qu’il y a une direction possible pour son futur. Nous avons même proposé de donner la tête de liste (pour les européennes aux écologiste), la réponse a été brutale et violente. Madame Tondelier nous traite de « forceurs » ! Imaginez qu’on réplique sur ce ton ! 

Oui, nous sommes différents sur l’Europe. Mais nous avons un programme partagé sur le sujet signé aux législatives de 2022. Et pourquoi ne pas avoir un programme d’action ensemble pour le mandat à venir ? On vote déjà de même dans 90 % des cas. Pourquoi créer artificiellement une division insurmontable ? Qui peut vouloir rater l’occasion d’arriver en tête et d’envoyer un signal enthousiasmant à toute l’Europe ? Les diviseurs seront sanctionnés dans les urnes.

Il y a des logiques partisanes…

Ce n’est pas nouveau. Dans Le manifeste du Parti communiste, il est écrit : « Les communistes n’ont pas d’intérêts différents de ceux des travailleurs. » Donc, s’ils n’ont pas d’intérêts différents, allons-y ensemble. Cela ne ferait pas de mal de rappeler à Fabien Roussel, s’il n’a pas lu Marx depuis longtemps, qu’il y a dedans d’autres leçons que la défense des barbecues.

Jean-Luc Mélenchon dans son bureau au siège du parti La France insoumise (LFI), à Paris, le 1er juin 2023.

Jean-Luc Mélenchon dans son bureau au siège du parti La France insoumise (LFI), à Paris, le 1er juin 2023. - Olivier Juszczak

Vous ne regrettez pas votre absence à l’Assemblée ?

Non. J’ai dit que je souhaitais être remplacé. Je le maintiens. Cela nécessitait une certaine mise en retrait, en particulier à l’Assemblée. Je ne désignerai pas le suivant [pour la prochaine présidentielle], s’il doit y en avoir un. C’est à la nouvelle génération de le faire.

Vous excluez totalement votre candidature en 2027 ?

Personne ne peut dire ça. En toutes circonstances, je jouerai un rôle. Qui me demande de m’enterrer moi-même ? Je porte une expérience, j’écris, je parle, j’organise, je dynamise, je donne des idées. Je vis avec la jeune génération dans une ambiance d’amitié. Parmi les anciens, certains, pour l’instant, font des caprices et sont un peu fâchés, mais ça leur passera. Ça leur passe toujours.

Allez-vous donner à l’appel aux dons fait par François Ruffin pour qu’il se prépare à 2027 ?

Pourquoi pas ? François est une figure montante de notre famille.

« François est prêt », avez-vous dit…

Oui, les sondages le disent. Il est aussi parfois un peu à distance du programme pourtant signé ensemble. Le moment venu, il faudra rappeler la stratégie : qui veut-on rassembler ? La situation me convient parce que vous ne pouvez plus dire « C’est Mélenchon ou rien. » Maintenant, il y en a au moins deux ! Et on peut allonger la liste… Un jour ou l’autre, Quatennens reviendra dans la course. Il y a déjà Manuel Bompard, Mathilde Panot, Clémence Guetté… Le mouvement insoumis est riche de personnalités de haut niveau. Je suis certain que ma mise en retrait de l’Assemblée favorise cette émergence. Je continue à écrire l’Histoire de la gauche à ma façon.