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Surtaxées les entreprises françaises, vraiment ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
« J’ai vérifié les chiffres de l’OCDE avant l’émission, la France a le taux de prélèvement le plus élevé après le Danemark ». Elie Cohen, Entendez vous l’éco, le 8 mai 2023.
« Oui, enfin les aides compensent les impôts élevés et en net, les entreprises sont toujours prélevées plus qu’ailleurs non ? » Marc Vignaud, L’Opinion, Twitter, 23 avril 2023
Ces critiques m’ont été directement adressées au cours du mois dernier quand je soulignais l’ampleur des aides publiques aux entreprises en France. En effet, dans mon livre L’Etat droit dans le mur, les données du chapitre 3, collectées en collaboration avec le chercheur Aïmane Abdelsalam, montrent une forte croissance des aides publiques aux entreprises depuis 1979 : de l’équivalent de 3 % à 6 % du PIB si on ne s’intéresse qu’aux subventions et aux niches fiscales et 8,5 % du PIB si on inclut les exonérations de cotisations sociales.
Depuis 2010, en moyenne, l’Etat distribue 190 milliards d’euros par an aux entreprises sous forme de subventions (un quart du montant) et d’exonérations (trois quarts restants). Il est à mon avis intéressant de débattre de ces chiffres dans le contexte actuel de chasse aux économies qu’illustre la réforme des retraites, le plan contre la fraude sociale etc.
D’après ces messieurs, cela n’a rien à voir, il ne faudrait pas mélanger torchons et serviettes. D’un côté, notre système de protection sociale est en faillite. De l’autre, les aides publiques aux entreprises ne sont qu’une compensation à la lourdeur du système fiscal français. Autrement dit, les entreprises françaises sont toujours plus prélevées que leurs voisines même après avoir reçu ces milliards d’aides publiques.
Prenons le temps de répondre à ces deux arguments.
Premièrement, j’ai demandé à Marc Vignaud s’il pouvait documenter son affirmation et il m’a répondu avec un graphique de l’IESEG présentant les prélèvements nets au titre de l’impôt sur la production. Ce graphique montre que la France est en quatrième position dans l’Union européenne. Les données ont la vertu de déduire les subventions publiques au montant d’impôts que les entreprises paient vraiment (après toutes les réductions d’impôts qui leur sont accordées). Autrement dit, on a bien un prélèvement effectif et net des aides publiques… ce qui est exactement ce que nous cherchons.
Données tronquées
Il ne prend en compte qu’un impôt (dit de production) et pas l’ensemble des prélèvements ! Autrement dit, le journaliste conclut d’un seul type de prélèvement que les entreprises paient plus que leurs voisines. Cela revient à supposer une homogénéité des impôts français. Or les impôts de production représentent moins d’un quart des prélèvements des entreprises (22,8 % en moyenne depuis 2010).
Quand en plus on sait que chaque impôt est le fruit d’une construction politique longue, l’hypothèse est assez risquée. Un rapport du Conseil d’analyse économique sur les impôts de production avait déjà noté cette particularité française (sans toutefois déduire les aides publiques) et conclu qu’il fallait les baisser.
Certes mais pardon : quand on observe que les Français mangent plus de fromage que les voisins, en déduit-on qu’ils mangent plus tout court ? Ou qu’ils mangent moins de saucisses, par exemple ?
Malheureusement, il n’est pas rare que des données tronquées comme celles-ci soient brandies sur les plateaux télé pour montrer que « les entreprises françaises croulent sous les impôts ! ».
Quant à Elie Cohen, il s’appuyait sur des données de l’OCDE, bien connues, mais qui ne répondent pas du tout à la question pour deux raisons : premièrement, elles incluent tous les prélèvements payés en France, sans donc distinguer ce qui est payé par les entreprises et ce qui est payé par les ménages.
Qu’est-ce qui dit que le prélèvement total est réparti de façon égale entre entreprises et citoyens ? Certainement pas les données de l’INSEE qui indiquent que les ménages paient les deux tiers des prélèvements.
Deuxièmement, ces données ne déduisent pas l’ensemble des aides publiques. Il est donc difficile de juger si elles sont une juste compensation des impôts écrasant le système productif français ou pas. Bien tenté, mais là on n’y est vraiment pas !
Prélèvements nets
Si vous m’avez suivi jusqu’ici, vous aurez compris qu’il existe une seule façon de savoir si les entreprises françaises sont vraiment plus prélevées que leurs voisines, même après toutes les aides publiques : calculer l’ensemble des prélèvements nets qu’elles versent au Trésor Public.
On peut avoir une idée plus documentée grâce au fichier National Tax List fourni par l’institut de statistiques européennes Eurostat. Ce fichier présente une liste détaillée des impôts et contributions sociales de chaque pays, mais aussi des données sur les subventions et transferts distribués dans ces mêmes pays. Pour répondre à la question particulière sur les entreprises, il faut ensuite délimiter ce qui est payé et reçu par les entreprises d’une part et les ménages d’autre part.
Le site Fipeco contient une fiche récente « Aides reçues et prélèvements payés par les entreprises » qui utilise justement les données Eurostat pour dresser une comparaison européenne en 2019 et 2021. On y apprend que la France se situe à la deuxième place des prélèvements nets de l’Union Européenne en 2019 et 2021 derrière la Suède mais que l’écart avec les principaux pays qui se trouvent derrière elle s’est un peu resserré.
C’est déjà une information très intéressante. Cela dit, les taux effectifs nets présentés sur le site de Fipeco peuvent être complétés de deux façons, ce qui permettrait d’avoir une vision plus juste à mon avis.
Premièrement, puisque les données existent depuis 1995, pourquoi se priver ? Cela permettra d’analyser la dynamique des prélèvements nets sur une longue période : ont-ils augmenté ou baissé ?
Deuxièmement, on dispose des données pour l’ensemble des pays de l’Union européenne, donc la comparaison géographique peut se faire sur des critères objectifs et non sur un sous-groupe de pays choisi sans explication. Par exemple, pourquoi inclure la Pologne qui a un PIB par habitant très éloigné de la France mais pas l’Autriche ou le Danemark dont le niveau de développement économique est plus proche ?
Puisque les données existent, nous les avons compilées à partir du site Eurostat qui couvre tous les pays membres de l’UE. Comme indiqué, nous avons collecté les données depuis 1995 afin de pouvoir analyser la dynamique.
Puis, pour dresser une comparaison, nous avons sélectionné les pays sur deux critères : appartenir comme la France, au groupe de pays les plus riches de l’Union Européenne (en termes de PIB par habitant) et ne pas être un paradis fiscal. Concrètement, nous avons retenu l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, le Royaume Uni et la Suède (Chypre, l’Irlande, la Belgique et le Luxembourg qui font partie des pays riches sont exclus de notre échantillon car ils apparaissent sur une liste des paradis fiscaux).
Baisse plus forte en France
Eh bien je vous mets dans le mille : vous avez raison, Messieurs... A condition d’être resté bloqués au début du 21e siècle ! En 2000, la France avait en effet des prélèvements nets significativement supérieurs à la moyenne européenne (plus de 3 points de PIB au-dessus, ce qui, pour les plus geeks, équivaut à plus d’un écart type de l’échantillon).
Mais, depuis, les prélèvements nets sur les entreprises ont baissé plus vite que chez tous nos voisins. A tel point que la France ne se situe en 2021 que 1,3 point de PIB au-dessus de la moyenne européenne (c’est-à-dire, pour les spécialistes, la moitié d’un écart type de l’échantillon). En moyenne, les prélèvements français ont baissé d’environ 0,8 % par an depuis 25 ans tandis qu’en moyenne ils augmentaient de 1 % sur l’échantillon !
Finalement, les prélèvements sur les entreprises, nets des aides publiques, s’élèvent à 9 % du PIB en France en 2021 et 7,7 % du PIB dans les neuf pays européens homologues. Depuis 2017, en moyenne, les prélèvements sur les entreprises s’élèvent à 10 % du PIB en France et 8,3 % sur l’échantillon. Pour le dire simplement, tout Etat social qu’elle fut, la France a fait le plus gros effort de réduction des prélèvements sur les entreprises parmi les pays riches de l’Union européenne.
Cela m’amène à répondre au second argument, celui d’un système social en faillite. En réalité, ces chiffres révèlent peut-être au contraire l’efficacité remarquable du système.
Rappelons que la France se distingue par une forte prise en charge collective des risques et besoins sociaux : parmi les pays de l’OCDE, c’est en France que le financement privé de la santé et des retraites est le plus faible.
Concrètement, les prestations de santé en France sont prises en charge à plus de 80 %, ce qui permet aux Français de mettre moins de leur propre poche que les Allemands par exemple (40 % de moins). Pour les retraites c’est 98 %.
Mais alors si les prélèvements nets sur les entreprises sont légèrement au-dessus de nos voisins mais la prise en charge collective significativement supérieure… Alors nos dépenses sociales doivent être sacrément efficaces ! A moins que la baisse des prélèvements nets des entreprises ait été compensée par une hausse des prélèvements des ménages ou une dégradation des services publics ? Suite à la prochaine chronique !
En attendant, méditons la parole des sages :
« Un des problèmes en France, c’est la perte d’efficacité des dépenses publiques », Maxime Darmet, économiste senior, France et Etats-Unis, Allianz, France 24, 5 mai 2023.
« Je ne dis pas que toutes ces aides [aux entreprises] sont justifiées, mais la réalité de la France, c’est l’Etat social ». Jean Quatremer, 23 avril 2023, Twitter.
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Toutes les données budgétaires et fiscales françaises depuis 1949 ainsi que les codes pour les agrégations par secteur institutionnel (ménages vs entreprises) sont en libre accès ici. Les données sur les comparaisons européennes seront bientôt disponibles sur ce même lien et ajoutées au document de travail déjà existant : ADELSALAM Aïmane, DELATTE Anne-Laure, Répartition des recettes et dépenses publiques entre ménages et entreprises depuis 1949 : Nouvelles données, Sciences Po LIEPP Working Paper n°142, Mars 2023.