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Réflexions sur l’amour
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Réflexions sur l’amour - Chroniques critiques (zones-subversives.com)
L'amour occupe une place centrale dans la vie quotidienne, mais également dans les représentations dans les livres et les films. L'amour reste conditionné par des institutions patriarcales et des normes sociales. Il semble important de se pencher sur ces conformismes qui entravent l'amour vécu au quotidien.
Le bonheur amoureux permet de densifier la vie. L’amour s’apparente également à deux existences qui s'entremêlent. Ce sentiment se nourrit des romans et du cinéma. Vivre une histoire d’amour donne le sentiment d’écrire soi-même le scénario. Pourtant, les relations hétérosexuelles sont également traversées par les inégalités, la domination, la violence. Le mouvement féministe connaît un renouveau avec #MeToo. Les relations entre hommes et femmes sont questionnées sous l’angle du consentement, des tâches domestiques, du fossé orgasmique et de la jouissance féminine.
Le conditionnement social nous façonne, y compris dans la vie intime et personnelle. Des scripts de genre visent à rendre hommes et femmes incompatibles et malheureux. D’un côté, une créature sentimentale et dépendante. De l’autre, un homme mutique qui s’enferme dans une autonomie farouche. Une critique de l’amour patriarcal peut permettre de jeter des pistes pour des relations plus épanouissantes.
Il semble difficile d’articuler idéalisme et lucidité. Parler d’amour suppose d’assumer sa vulnérabilité, ses faiblesses, ses désirs, ses doutes. Les féministes et les militants refusent de parler d’amour. Ce qui risque de les faire passer pour trop faibles, tendres et sentimentales. Mona Chollet lance ses pistes de réflexions sur le sujet dans le livre Réinventer l’amour.
Amour et conditionnements sociaux
Les grandes histoires d’amour sont souvent décrites comme des passions enflammées qui parviennent à surmonter les différents obstacles qui se dressent sur leur route. Au cinéma, l’histoire s’achève quand les deux amants déclarent mutuellement leur flamme. En revanche, les souffrances et difficultés de la vie sentimentale sont occultées. Le quotidien de la vie à deux n’est jamais montré. « Dans d’autres cas, le refus de s’intéresser à la façon dont l’amour est vécu découle d’un mépris pour la vie à deux, jugée prosaïque, bourgeoise, ennuyeuse », observe Mona Chollet. Les histoires d’amour torturées permettent aux hommes, comme les romanciers ou les cinéastes, de parler d’amour de manière virile. Les sentiments de l’amour banal et quotidien sont laissés au sentimentalisme féminin. La culture amoureuse façonnée par ces récits semble conformiste et misogyne.
Une idée communément répandue considère que le désir et la passion amoureuse finissent par s’éroder rapidement. Mais ce sont surtout les conditions sociales, comme le travail, qui atténuent le sentiment amoureux. Le salariat vampirise et épuise l’individu qui peut déboucher vers une atrophie du lien avec la personne aimée. Ce mode de vie ne nous permet pas de vivre pleinement ensemble, mais reste considéré comme normal. Ensuite, vivre dans une chambre commune ne permet pas l’autonomie et la solitude. La non-cohabitation permet également de régler le problème de la répartition des tâches domestiques, en le supprimant.
Le désir masculin s’oriente vers des femmes qui apparaissent minces et fragiles. Au contraire, les femmes grandes et fortes sont considérées comme moins désirables. L’homme doit également avoir un statut social supérieur. La relation de couple reste envisagée comme une relation hiérarchique et un rapport de force. « Aimer un homme qui donne la pleine mesure de lui-même est jugé valorisant pour une femme ; aimer une femme qui donne la pleine mesure d’elle-même est jugé menaçant pour un homme. La séduction masculine se définit par le surplus ; la séduction féminine, par la carence », constate Mona Chollet. L’érotisme autour des femmes asiatiques, africaines ou maghrébines correspond au cliché de la femme colonisée, soumise et discrète.
Intériorisation du patriarcat
Les hommes subissent le conditionnement du patriarcat. Les individus intériorisent leur rôle et leurs attentes. Le sexologue Shere Hite publie un rapport sur la vie amoureuse et sexuelle dans les années 1970 à partir du témoignage de 4500 Américaines. Elles déclarent que leur mari ou leur compagnon adopte une attitude condescendante, arrogante et même insultante. Ils ne cessent de les rabaisser, de les disqualifier, de tourner en dérision leurs opinions ou leurs centres d’intérêt. Inversement, les femmes doutent d’elles-mêmes et se culpabilisent.
Les violences conjugales peuvent être physiques, mais aussi psychologiques. La position sociale inférieure des femmes favorise la domination masculine. « Pratiquant une forme de lavage de cerveau, les hommes violents jouent sur leur manque de confiance en elles – plus ou moins aggravé par leur histoire personnelle – dont souffrent les femmes du fait de leur position dominée dans la société », observe Mona Chollet. Les féministes hispanophones considèrent les « pervers narcissiques » comme les « enfants sains du patriarcat ». Les structures sociales jouent un rôle aussi important que les caractéristiques psychologiques des individus.
Les femmes qui subissent des violences se considèrent comme coupables. Au contraire, les hommes pensent être dans leur bon droit. Peu reconnaissent leur responsabilité dans les violences conjugales. Le meurtre de Nadine Trintignant par Bertrand Cantat montre la complaisance de la presse de gauche pour les violences conjugales. Les Inrockuptibles évoquent la passion amoureuse qui pousse au crime. Ils reviennent sur la personnalité du chanteur présenté uniquement comme un artiste tourmenté. Mais ses actes de violence contre les femmes sont édulcorés.
Représentations de l’amour
L’amour reste noyé dans des représentations à la télévision, dans les magazines ou dans les publicités. Les « modèles culturels du sentiments » influencent la personnalité. Les femmes sont conditionnées par les mythes du Grand Amour et du Prince charmant. Cette attente rythme leur vie et façonne leur identité. Elles attendent un sauveur improbable plutôt que de se construire leur propre personnalité.
Les hommes sont conditionnés pour ne pas s’intéresser à l’amour et ne pas exprimer des sentiments. Inversement, les femmes survalorisent et idéalisent l’amour. Néanmoins, il semble important de ne pas réduire l’amour à une forme de « frivolité féminine », comme la beauté et le souci de l’apparence. « Lui aussi est essentiellement l’affaire des femmes, et lui aussi me semble porter à la fois d’aliénation et de sagesse », souligne Mona Chollet.
Les femmes manifestent également une plus grande tendance à l’introspection, à la réflexion sur elles-mêmes et sur leurs relations. Les livres de développement personnel, souvent méprisés, tentent de répondre à ce questionnement. Même si certains propos enferment les femmes dans la résignation et la soumission. Mais une longue tradition d’éducation répressive empêche l’amour de soi, également moqué par la gauche antilibérale qui fustige l’individualisme. Les femmes sont encore plus rabaissées par l’ordre social et intériorisent une haine de soi.
Les femmes peuvent intérioriser le rôle de la femme démunie dépendante de son mari, notamment au niveau financier. Cinquante nuances de Grey ou Pretty Woman célèbrent la rencontre amoureuse avec un milliardaire. Au contraire, l’indépendance des femmes semble indispensable, y compris dans le cadre d’une relation amoureuse. « Devenir indépendante signifie donc remettre de l’ordre en soi, et non renoncer à toute vie sexuelle ou amoureuse – loin de là », précise Mona Chollet. Sauf si la relation ne repose pas sur le désir mais sur le conformisme et la peur d’être seule.
Moule féminin
Des solidarités féminines peuvent se nouer. Néanmoins, il existe aussi une compétition pour attirer l’attention masculine. Cette rivalité féminine repose sur une mentalité de la pénurie de la part de personnes qui ne savent pas affirmer leur propre identité. Des féministes proposent de s’approprier le stigmate de la salope. La relation sexuelle est déconnectée de la dépendance amoureuse. Mais cette démarche semble se conformer à une vision masculine de la sexualité. « Il est parfois difficile de déterminer si le modèle du détachement affectif est une conquête féministe ou s’il est une manière de se conformer aux attentes masculines », observe Mona Chollet.
Dans le couple, l’homme et la femme subissent des conditionnements de genre. L’une se penche sur les sentiments et l’intimité de la relation. L’autre s’enferme sur une indépendance qui limite l’engagement. « Les filles se réduisent au silence et les garçons s’obligent au détachement », indiquent Carol Gilligan et Naomi Snider. Les hommes doivent agir comme s’ils n’avaient pas besoin d’autrui tandis que les femmes nient leur identité propre.
Le corps des femmes est objectivé. Elles doivent se préoccuper de leur esthétique et du regard des hommes plutôt que de leur propre désir. Des tableaux à la publicité, le corps des femmes semble avant tout correspondre aux désirs des hommes. Mais le bien-être et la personnalité des femmes devient secondaire voire nié. « Nous pourrions tenter d’inventer une esthétique qui repose sur l’identification plutôt que sur l’objectivation ; qui célèbre le bien-être des femmes, plutôt que l’entrave et la standardisation de leurs corps (c’est audacieux, je sais) », propose Mona Chollet. De même, le sexe hétérosexuel repose uniquement sur les fantasmes, le désir et le plaisir des hommes. Inversement, les femmes ne sont pas encouragées à affirmer leurs propres désirs.
Les fantasmes féminins de soumission et de viol semblent conditionnés par un imaginaire patriarcal et pornographique. Néanmoins, le fantasme de viol pour s’exciter exprime un désir alors que le véritable viol n’en est pas un. Ensuite, le désir féminin de soumission sexuelle peut sembler ludique. C’est un moment de lâcher prise dans une vie quotidienne de vigilance face à la domination masculine. Le désir de soumission peut également apparaître comme une manière ludique de conjurer la domination masculine.
Féminisme amoureux
Les livres de Mona Chollet parviennent toujours à se distinguer. La journaliste digère la littérature militante, mais elle adopte le style d’une femme normale. Ni invulnérable, ni fragile. Elle n’adopte pas la posture militante qui consiste à donner des leçons aux masses en se considérant comme appartenant à une avant-garde intellectuelle supérieure et infaillible. Mona Chollet assume ses doutes, ses incertitudes et son questionnement mouvant. Elle parvient également à illustrer et à incarner ses réflexions à travers des témoignages personnels et des exemples puisés dans la pop culture. C’est sans doute ce qui fait de ses livres des succès populaires, bien au-delà du petit milieu militant.
Le livre de Mona Chollet parvient à bien pointer les conditionnements de genre. Elle montre comment la logique patriarcale se diffuse dans tous les domaines de la vie quotidienne. Elle attaque les représentations de genre et les conformismes qui découlent de notre éducation. Elle assume son regard subjectif sur l’amour et insiste sur la nécessité de comprendre pour mieux contourner les schémas sur la bonne manière de vivre. Mona Chollet propose également des pistes alternatives. Elle esquisse même un imaginaire pour un féminisme amoureux.
Dans le sillage de son précédent livre, la journaliste insiste sur l’autonomie des femmes, y compris au sein du couple. Même si cet idéal de la femme libre et indépendante n’est pas toujours facile à atteindre. Surtout que ce modèle se cultive surtout dans les milieux de la petite bourgeoisie intellectuelle et artistique, sans parvenir à se diffuser au-delà. Mona Chollet pointe également les contraintes liées au travail et au capitalisme qui ne permettent pas d’envisager l’amour sereinement comme prioritaire.
Mais cette approche comporte aussi un angle mort. Si cet imaginaire permet d’envisager une vie plus libre, cette approche s’inscrit dans un cadre postmoderne qui comporte de sérieuses limites. Selon la conception foucaldienne, dominante dans les milieux intellectuels et militants, l’amour se réduit à des relations de pouvoir. Ce qui occulte les structures patriarcales comme la famille, l’école, ou la religion. Les conditionnements sociaux ne sont pas des micro-pouvoirs diffus, mais demeurent portés par des institutions au service d’un ordre capitaliste et patriarcal.
Cultiver un autre imaginaire amoureux et des pratiques alternatives reste évidemment indispensable et précieux. Mais cette démarche ne peut pas faire l’impasse sur la perspective d’une révolution amoureuse et sociale. Seuls des soulèvements révolutionnaires peuvent permettre de renverser les structures patriarcales, l’exploitation capitaliste pour bouleverser tous les aspects de la vie et réinventer les relations amoureuses.
Source : Mona Chollet, Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles, La Découverte, 2021
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Pour aller plus loin :
Vidéo : Mona Chollet : (Pourquoi) l’amour fait mâle, émission diffusée sur France Culture le 16 septembre 2021
Vidéo : À l'air libre (137) Après MeToo, repenser le couple hétérosexuel, émission diffusée sur Mediapart le 15 septembre 2021
Vidéo : Comment le patriarcat altère les relations amoureuses ?, diffusée par La Grande Librairie le 23 septembre 2021
Vidéo : Mona Chollet - Réinventer l'amour : Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles, diffusée sur le site de la librairie Mollat le 8 novembre 2021
Vidéo : Rencontre avec Mona Chollet - 44e Prix Européen de l’Essai - Fondation Charles Veillon, diffusée par l'Université de Lausanne le 8 avril 2022
Radio : émissions avec Mona Chollet diffusées sur Radio France
Radio : Paradoxe et idéal avec Mona Chollet ou comment penser le féminisme dans un cadre hétérosexuel, diffusée sur France Inter le 20 septembre 2021
Radio : Mona Chollet réinvente l'amour, diffusée sur France Inter le 30 septembre 2021
Anthony Cortes et Copélia Mainardi, "Réinventer l’amour" : ni misandre, ni radical, on a lu le nouveau livre de Mona Chollet, publié sur le site du magazine Marianne le 28 septembre 2021
Marine Le Breton, "Réinventer l'amour": le nouveau livre de Mona Chollet qui déconstruit le couple hétérosexuel, publié sur le HuffPost le 18 septembre 2021
Victoire Diethelm, Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles : le carton de Mona Chollet, publié sur le site L'Insoumission le 2 octobre 2021
Victorine de Oliveira, “Réinventer l’amour”, de Mona Chollet : comment sauver le couple hétéro ?, publié sur le site de Philosophie Magazine le 14 septembre 2021
Emma Poesy, « Réinventer l’amour » – Le couple hétérosexuel va mâle, publié sur le webzine Maze le 21 octobre 2021