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"On me traite d’antisémite et cela me broie": le Havrais Médine répond à la polémique
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Au cœur de plusieurs polémiques ces dernières années, Médine est accusé, avant les journées d’été EELV qui se déroulent au Havre à partir du jeudi 24 août 2023, d’antisémitisme après un tweet à l’encontre de l’essayiste Rachel Khan, petite-fille de déporté. Une polémique qui divise la classe politique. Entretien vérité.
Rappeur, président de la Dont’t panik team, club de boxe havrais, artiste clivant, il a provoqué un tollé après un tweet jugé antisémite cet été et divise au sein de EELV (Europe Écologie Les verts) qui l’ont invité à participer à leurs journées, du jeudi 24 au samedi 26 août 2023. Avant les Insoumis, le 26 près de Valence. Médine se défend mardi 22 août à la halle aux poissons au Havre, un nouveau lieu culturel qui lui a spécialement ouvert les portes.
Pensiez-vous que vous seriez à ce point au cœur d’une polémique en plein été ? Cela vous dépasse ?
Médine : « Je trouve l’emballement médiatique dérisoire, ça me met au centre de la rentrée politique alors que je n’étais qu’une ligne dans les journées d’été des écologistes, qu’un intervenant extérieur comme il y a en des dizaines. Cela me dépasse. La polémique, ce n’est pas le plus important, c’est le dialogue entre des mondes qui ne dialoguent pas d’habitude, celui de la politique et de la culture, entre la société civile et la politique, les jeunes des quartiers populaires et les politiques qui ne discutent pas vraiment. Chacun parle de l’autre avec défiance. »
Pas question donc de décliner cette invitation aux journées des écologistes ?
« J’ai été contacté pour une explication de texte, cela fait vingt ans que je traite les sujets les plus clivants de notre société. C’est tout à leur honneur de vouloir élargir les intervenants. L’objet de cette rencontre, c’est de parler de la société à travers la culture. Je maintiens ma présence. On va parler des préoccupations des Français à travers la musique. C’est pour ça que je fais ce métier : susciter des réactions, porter plus loin le champ de ma musique. »
Pourquoi êtes-vous devenu en quelques mois la coqueluche de la gauche ?
« C’est là d’où je viens. Quand on m’invite là où est ma tradition politique, je réponds. Les actions de terrain liées à la réforme des retraites datent de cette année sur le plan national. Je vais dans des zones où les politiques ne sont plus audibles depuis des années. Les artistes ont l’habitude de ne pas s’engager, d’être taiseux. Je pourrais me cantonner à m’exprimer juste dans le cadre de mes albums. Je sens une urgence de la société avec la montée de l’extrême droite dont je suis l’une des cibles principales. C’est mon combat. »
Alors pourquoi ce tweet qualifié de nauséabond sur Rachel Khan ?
« C’est une réponse à quelqu’un qui m’attaque en me traitant de déchet à trier, en lien avec les universités d’été. Je réponds en parlant de Rachel Khan qui vient du hip-hop, reçoit des compliments sur son livre de Marine Le Pen. Mon tweet parlait de ça, c’est une maladresse avec le mot rescapé qui ne prenait pas en compte la charge historique. Je ne savais pas qu’elle avait une histoire familiale liée à la Shoah. Ma propre famille utilise ce mot « khan » avec la même orthographe, c’est un sobriquet familial depuis cinq ans. J’appelle ma famille la « Khan family » parce que mon dernier fils s’appelle Gengis en référence à Gengis Khan (figure mongole).
On se fédère autour de ce terme qui a une sonorité poétique. Je m’excuse aussitôt de la maladresse auprès de la personne et auprès de ceux qui ont pu être heurtés par ce jeu de mots. Des excuses inaudibles. Je lutte contre l’antisémitisme, poison que l’on doit combattre, depuis vingt ans. On me taxe d’antisémite et cela me broie. Si ce tweet avait été antisémite, il aurait été attaqué depuis longtemps. »
Vous traînez pourtant une réputation sulfureuse et on vous prête un certain nombre de prises de position…
« Il y a ceux qui ne veulent pas comprendre le rap qui utilise la provocation et des phrases chocs. Par extension, c’est aussi le regard porté sur les jeunes de quartiers et milieux populaires. Et il y a les observateurs qui se font un avis sur ce qui est dit et s’en tiennent à ça. J’ai fait des erreurs, ma parole a dépassé ma pensée, des prises de position ont été des impasses idéologiques mais je m’en suis toujours amendé. J’ai toujours fait marche arrière quand je me trompais. C’est salvateur pour le public qui me suit. Et je regrette certaines choses. »
Comme le geste de la quenelle ?
« Oui quand je croyais que la quenelle de Dieudonné était de la liberté d’expression. Alors que c’était un signe de ralliement antisémite qui a fini par être récupéré, on lui a donné un autre sens. Il est trop tard quand on s’en rend compte. Dieudonné a toujours été très ambigu sur ce sujet. Quand je m’excuse, que je regrette, moi on ne m’entend pas. D’autres personnes, comme des politiques, qui font des erreurs, on les entend. Moi qui suis d’un certain univers culturel, l’excuse ne m’est pas autorisée. Je traîne un certain nombre de boulets. »
Comme celle de l’homophobie liée à une vidéo où vous évoquez le mot « tarlouze » ?
« Cela date de 2007. Je parle des standards d’acceptabilité dans la sphère publique, je ne parle pas d’homosexualité. Il y a une erreur de langage de qui n’est pas acceptable. On oublie mes prises de position courageuses de 2012 sur le mariage pour tous au moment où la plupart des politiques se drapent dans une moralité en disant qu’ils ont toujours été pour cette disposition. Je fais une vidéo dès 2012 (« Petit délire ») en disant que le mariage homosexuel ne doit pas être soumis à la discrimination. Que fait-on de mes prises de positions sur les discriminations sur les personnes racisées, les juifs, les musulmans, les féministes, les LGBTQ+. On cherche une maladresse ancienne pour me disqualifier, discréditer la gauche à travers moi. C’est de l’anti-racisme de salon. »
Sa rentrée musicale
Médine reprend sa tournée musicale en débutant par la Fête de l’Huma mi-septembre 2023. « On a beaucoup de valeurs en commun : la justice sociale, les droits de l’Homme, la lutte antiraciste. » Il sera sur la scène de l’Olympia à Paris le 23 septembre 2023 qui affiche bientôt complet et sur celle du Carré des Docks au Havre le 7 octobre. La polémique estivale a-t-elle permis de le faire connaître davantage : « Pas sûr ! »
Pour aller plus loin
Sa participation aux journées d’été de la gauche et son silence. « J’ai une expertise à apporter en matière d’antiracisme. Je suis légitime à participer à ces universités. Je suis né au Havre, ma mère aussi. Je suis depuis longtemps actif sur ce territoire, j’étais engagé avec des associations qui apportaient des paniers-repas. Je me suis mobilisé contre la présence de Marine Le Pen. Je travaille avec les quartiers. Je ne me suis jamais muré dans le silence, je ne veux pas qu’on m’impose un timing lié à une polémique. »
Faire de la politique. « Je suis déjà actif et si je vais plus loin, c’est pour porter un projet commun avec des personnes qui ont une expertise encore plus poussée. Je ne suis pas un politicien, je suis un artiste. Je veux bien m’associer à une démarche commune pour améliorer le quotidien des Havrais et des Français. »