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    Madeleine Riffaud: "Ne laissez pas les personnes âgées, héroïques ou pas, finir seules face à des escrocs"

    Lien publiée le 23 novembre 2023

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Madeleine Riffaud :  « Ne laissez pas les personnes âgées, héroïques ou pas, finir seules face à des escrocs » – Commune (revuecommune.fr)

    La grande résistante de 99 ans, Madeleine Riffaud, lance dans Commune un cri d’alarme sur sa situation personnelle et alerte sur les escroqueries organisées par les entreprises de maintien à domicile sur les personnes vulnérables.

    Loin de moi l’idée de me qualifier d’héroïne. Dans la résistance, comme en tant que reporter de guerre, je considère n’avoir fait que ce que je devais faire. Pour moi, ce sont mes camarades, les vrai héros. Mais on me qualifie souvent ainsi, ces derniers temps. Nombre de « gens de pouvoir » me font des honneurs sur les réseaux sociaux ou dans la presse… Et le jour où je fermerai les yeux, on me parera sans doute de toutes les vertus.

    Oui, mais aujourd’hui, qu’en est-il des actes ?

    Si j’écris cette lettre, c’est que la justice a médiatisé l’affaire d’abus de confiance qui me concerne. Beaucoup de gens me posent des questions, je vais donc y répondre collectivement.

    Ceux qui me connaissent savent que mon leitmotiv est « Je ne suis pas une victime, je suis un résistant ». Alors certes, je vais résister, mais je dois bien m’avouer que pour la première fois, je suis une victime.

    La raison est hélas simple : je suis devenue aveugle à la suite d’un attentat que j’ai subi à Oran en 1962 (je vois parfois des formes, pas plus). Ne pouvant plus lire mes relevés, j’avais confié la gestion de mes comptes à la directrice de l’entreprise de maintien à domicile qui s’occupait de moi depuis 2011. Je n’entre pas dans les détails de ce que la banque postale a laissé faire – sans jamais me prévenir et sans procuration valable – mais le préjudice retenu par la police après une longue enquête est de plus de 140 000 euros. Je ne vous dis pas non plus la teneur de certains objets qui ont été achetés avec mon argent, vous rougiriez…

    Le procès va avoir lieu le 19 décembre, c’est rapide et c’est bien sauf que… Je n’ai plus d’argent !

    Il ne me reste que quelques mois de réserves pour payer les personnes qui s’occupent de moi quotidiennement, car suite à mon passage aux urgences de septembre 2022 [lire la lettre ouverte de Madeleine Riffaud au directeur de l’APHP publiée dans Commune où elle relate avoir été abandonnée durant 24 h sans manger sur un brancard à l’Hopital Lariboisière à Paris], je suis devenue plus dépendante. Je dois notamment faire appel à une personne qui reste auprès de moi chaque nuit. Ça coûte fort cher et figurez-vous que l’URSSAF a un fonctionnement pour le moins surprenant : une personne dépendante n’est exonérée de charges pour les auxiliaires qu’elle emploie que jusqu’à un certain nombre d’heures de travail. Une personne TRÈS dépendante n’y a plus droit et doit donc payer cher. Très cher. Sachez-le : plus vous perdez votre autonomie, plus on vous taxe.

    Moi qui croyais que la « double peine » était proscrite en France…

    Bref, j’en suis arrivée à me demander si je ne devrais pas vendre mon appartement, dans lequel j’avais envisagé de faire une fondation. Cette triste affaire pourrait donc aussi voler une partie de la mémoire de la Résistance.

    Tout ça pour dire que je n’ai plus non plus d’argent pour payer un avocat !

    Drôle de monde dans lequel la présumée coupable a de quoi se payer un ténor du barreau, et la victime n’a même pas droit à un commis d’office car, paradoxe de l’administration, mes allocations de Résistante, de victime de guerre, de journaliste et d’invalidité mises bout à bout dépassent le plafond requis.

    Tout ça est tellement absurde que mon penchant pour l’auto-dérision pourrait me faire en rire…

    Sauf que ce qui n’est pas amusant — et c’est la raison pour laquelle j’ai porté plainte — c’est que si cela m’arrive à moi, c’est que ça arrive aussi à beaucoup d’autres personnes ! Et toutes n’ont pas ma voix !

    J’ai la chance d’avoir des amis fidèles, qui sont toujours prêts à monter au créneau pour moi. Non pas pour me faire plaindre, mais pour continuer à mener le combat en faveur d’une société plus juste !

    Ainsi, suite au scandale des EHPAD, les autorités demandent de privilégier le maintien à domicile. C’était déjà mon choix, mais il faut aussi poser des garde-fous dans ce domaine, renforcer les contrôles, punir ceux qui abusent pour dissuader ceux qui seraient tentés de le faire.

    Demandez autour de vous, vous serez surpris du nombre de personnes qui disent « Ah oui, c’est arrivé à ma grand-mère », « à mon oncle », « à mon père », etc.

    Heureusement, l’ONACVG (Office national des combattants et des victimes de guerre) est à mes côtés, mais les aides exceptionnelles qu’ils parviennent à me faire verser aux prix de grands efforts sont avalées immédiatement par l’URSSAF.

    J’ai écrit à l’État Français via le site internet de l’Élysée, comme chaque citoyen peut le faire, mais aucune réponse encore après trois semaines. Je suis toujours l’actualité de près et je sais qu’ils ont beaucoup à faire… J’ai moi-même risqué ma vie pour tenter de rendre ce monde plus vivable, en premier lieu de 1942 à 1944, dans l’espoir de rétablir ce même État Français.

    Par cette tribune, j’ai encore l’espoir de faire passer ce message de société qui me semble vital : ne laissez pas les personnes âgées, héroïques ou pas, finir seules face à des escrocs.

    Merci à tous ceux qui m’ont aidée, m’aident et voudront bien m’aider.

    Madeleine Riffaud