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Logement, aides sociales, régularisation : comment la loi immigration va pourrir la vie des étrangers
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La loi immigration va avoir des effets brutaux sur les conditions de vie des étrangers. Trois travailleurs sociaux reviennent sur les principales conséquences pour les précaires.
La loi immigration votée mardi soir au Parlement acte une offensive d’ampleur contre les étrangers. Portée par un accord entre la majorité et la droite la plus extrême, au service d’une idéologie raciste, elle va précariser durablement celles et ceux qui tombent déjà sous le coup de la misère sociale.
Une attaque contre les droits les plus fondamentaux d’asile et de solidarité
La loi adoptée mardi, dont la version finale met le cap à l’extrême droite, acte une grave dégradation de la vie quotidienne des personnes sans-papiers. En les privant des droits sociaux les plus élémentaires, elle relègue celles et ceux qui sont déjà les plus précaires à des conditions de vie encore plus dégradées. Pour Léo, éducateur spécialisé et travailleur au Samu Social de Montpellier, « cette loi, c’est tout le quotidien et les conditions de vie des étrangers, et encore plus des sans-papiers qu’elle précipite vers la misère ».
L’une des attaques majeures vise les droits les plus minimaux à l’hébergement et au logement. Bien qu’elle acte un durcissement des sanctions contre les marchands de sommeil dont les sans-papiers sont les premiers à faire les frais, en prévoyant l’octroi d’un titre de séjour pour ceux qui auraient porté plainte contre eux, cette mesure cosmétique cache mal une offensive brutale contre les étrangers sur le plan de l’hébergement et du logement.
Une des mesures adoptées vise en effet à durcir les conditions de l’hébergement d’urgence, sphère déjà extrêmement précaire de l’hébergement. Un des amendements cible par exemple les personnes sous OQTF qui n’auront désormais plus droit à l’hébergement d’urgence pour situation de détresse (mesure supprimée par le Sénat), sauf dans l’attente de leur éloignement. Pour Léo, « l’adoption de la loi constitue un précédent majeur, qui s’attaque à un principe fondamental, celui de l’inconditionnalité de l’accueil. Cela ouvre la porte à des dérives d’ampleur ». Sans minimiser la violence de l’attaque, Léo insiste « nous les travailleurs sociaux, on est témoins d’une situation déjà catastrophique pour les étrangers, cette loi, elle ne va faire qu’aggraver une situation déjà trop fragile ».
En outre, les déboutés du droit d’asile (étrangers à qui l’on a refusé un droit d’asile après demande) n’auront plus accès à l’hébergement d’urgence et se verront refuser l’accès aux CADA (Centres d’accueil pour demandeurs d’asile). Pour Léo, « c’est une énorme attaque car un des principes fondateurs de l’hébergement d’urgence c’est l’inconditionnalité de l’accueil ». Dans les faits, ce critère d’inconditionnalité, n’existe qu’en partie, car par exemple les sans-papiers sont déjà exclu.e.s de l’hébergement d’urgence. « Dans les dispositifs d’insertion, on refuse les sans-papiers car il faut une situation administrative qui permette de leur ouvrir des droits, “la stab”, pour qu’ils puissent s’insérer dans la société ». Les dispositifs de logement d’urgence, quant à eux, accueillent n’importe qui, sans critère préalable d’autonomie.
Mais « il ne faut pas se leurrer » explique Léo, « cette précarité du logement d’urgence pour les sans-papiers, elle existe déjà, même dans ces structures on a des quotas, en dehors de tout cadre légal, car si on n’accueille que des sans-papiers alors il n’y a plus de taux de sortie, la structure ne fonctionne plus et ne permet pas de nouvelles entrées ». Ce que pose la loi immigration n’est donc pas entièrement une nouveauté, mais inscrit dans la loi des pratiques existantes sur la base de critères racistes pour mieux les systématiser.
Une loi qui élargit le spectre de la misère aux étrangers en situation régulière
En plus de porter atteinte à aux droits les plus élémentaires, l’ensemble des aspects de la loi qui ont été votés constituent des durcissements, y compris pour les personnes déjà en situation de régularité. Ainsi, en diminuant les prestations sociales sur la base d’une discrimination raciste, ce sont notamment les droits d’accès aux aides sociales qui sont touchés alors même que ce sont souvent les seuls moyens avec lesquels les plus précaires survivent. L’éligibilité aux aides sociales (allocations familiales, droit au logement, APL) sera par exemple désormais conditionnée à une résidence régulière de 5 ans, contre 6 mois actuellement, ou à défaut de 30 mois de travail.
Marwan, travailleur dans une structure d’insertion à Saint-Denis (93), voit dans ces mesures la porte ouverte à « la massification des travailleur.se.s pauvres ». Cette loi s’inscrit dans la continuité de l’offensive France Travail « maintenant avec la loi asile immigration on rajoute de la difficulté pour un public déjà touché ». Pour Marwan, « conditionner l’attribution des APL c’est risquer de se retrouver avec des personnes qui viennent travailler mais qui n’auront aucune possibilité de logement », « avec la règle des 5 ans ou des 3 mois, alors qu’il y a déjà une embolie sur l’accès au logement, et dans le 93 qui concentre une large population d’origine étrangère, le nombre de logements sociaux est en baisse, ça va accroître les difficultés et augmenter le nombre de travailleurs pauvres ».
D’autres mesures stigmatisent une population déjà en difficulté sur la base de critères racistes en conditionnant les accès aux soins et à la santé. Par exemple, le regroupement familial requerra une présence de 24 mois au lieu de 18 mois actuellement sous réserve de « conditions financières stables, suffisantes et régulières » et l’obligation de souscription à une assurance maladie pour les personnes que l’on souhaite faire venir. Autant d’attaques sociales contre des droits élémentaires qui condamnent à la pauvreté et à l’exclusion. La prise en charge médicale ne sera plus assurée pour les déboutés définitifs du droit d’asile et la protection contre les OQTF sera levée pour certaines catégories d’étrangers, notamment les jeunes isolés de moins de 13 ans, ou encore les malades nécessitant une prise en charge.
Nathan, travailleur social auprès des mineurs non accompagnés, explique que la conditionnalité des droits à la CAF constitue une mesure qui va cibler les mères isolées. « Pour celles qui viennent d’avoir un enfant, notamment les mères seules qui par la force des choses ne peuvent pas travailler, la loi signifie l’interdiction aux allocations pendant 5 ans, ça va contraindre énormément de femmes à stagner dans les centres d’hébergement. C’est un cercle vicieux du non recours car elles n’auront de fait pas d’accès au droit. »
Si la loi n’a pas encore acté la réforme de l’AME réservée aux personnes en situation irrégulière, Borne a promis son examen début 2024. Au menu notamment, la révision des conditions d’accès avec une réduction aux soins d’urgence (AMU, Aide Médicale d’Urgence) avec en plus l’éventualité de devoir payer un forfait annuel. Mais pour Léo, « il ne faut pas se leurrer, l’AME c’est déjà pas grand chose, restreindre le droit d’accès à l’AME c’est empirer encore plus les conditions d’accès aux soins ». Par exemple, les bénéficiaires de l’AME ont droit à 50% de réduction sur les transports. « Ça peut sembler anodin », affirmé Léo, « mais ce que ça veut dire c’est que quand une personne va devoir aller chez le médecin ou bénéficier d’un soin, un nouvel enjeu financier devra être pris en compte celui des transports ». Autant d’exemples qui montrent que la loi va durablement impacter les conditions de vie au quotidien. Le constat est clair. Pour Léo, « du côté des travailleurs sociaux, on voit bien l’ampleur de l’attaque et la manière dont elle va décrédibiliser un métier déjà en tension, on assiste aux conditions de vie, on peut déjà pas grand chose pour les gens, on va avoir encore plus de difficultés à trouver des solutions pour les aider ».
Le premier acte d’une paupérisation à coup de mesures sécuritaires
La tonalité de la loi est donnée : restreindre progressivement les droits minimaux aux seuls droits de situation d’urgence, désormais eux-mêmes conditionnés. Pour Léo, « ce qu’il faut voir, c’est que la loi ne va pas s’arrêter là, elle engage des mesures progressives ». On ne peut qu’escompter que la loi donnera lieu à mesures politiques toujours plus régressives vis-à-vis des étrangers et de l’ensemble des travailleur.se.s précaires. Marwan s’inquiète par exemple que « l’amendement qui s’en prend aux déboutés du droit d’asile conduise à voir se multiplier les bidonvilles et augmente la grande précarité si les hébergements d’urgence sont refusés en cas de non octroi du droit d’asile ».
Dans loi votée mardi, les mesures concernant les conditions de régularisation inquiètent particulièrement les travailleurs sociaux Marwan, la réforme de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile), avec le passage d’une cour collégiale à un juge unique, constitue ainsi « une énorme attaque ». « Même si c’était déjà pas le luxe, le passage d’une cour collégiale de trois juges à un juge unique va ouvrir la porte à des procédures beaucoup plus rapides avec beaucoup plus de refus pour celles et ceux qui ont fait recours suite à un refus d’octroi du droit d’asile » explique-t-il. Dans la lignée de toutes les lois immigration, l’esprit de la loi est de diminuer toujours plus les régularisations.
Pour Nathan, la réforme de la CNDA « cible les délais de procédure trop longs et vise à les réduire » mais « réduire le temps de procédure c’est évidemment réduire la qualité d’orientation des personnes et les condamner à la loterie et à l’arbitraire ». D’autres mesures radicalisent ces procédures comme l’obligation des OQTF dans un délai fixe pour les déboutés du droit d’asile, qui vise à accélérer les sorties du territoire. En ce qui concerne l’impossibilité de régulariser les auteurs de certains délits, Nathan souligne que les critères sont tellement larges que des jeunes risquent de tomber sous le coup de la loi pour des raisons bien loin de celles que le gouvernement cherche à véhiculer dans l’opinion sur la prétendue dangerosité des jeunes étrangers. « On peut imaginer », explique Nathan, « qu’un gamin qui finit au tribunal pour s’être battu, qui n’a pas tenu le bon discours et qui a pris six mois de sursis pour une bagarre se verra refuser le droit d’asile ».
Face à cette situation qui témoigne de la montée des attaques anti-sociales et xénophobes directement importées de l’extrême-droite, il faut imposer au gouvernement un rapport de force à la hauteur et unir la classe autour du combat contre les idées racistes qui divisent notre camp social et qui ne font que promettre le même avenir à tous les travailleur.se.s.