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Le Conseil d’Etat pourrait demander à l’Arcom d’être plus strict avec CNews

Lien publiée le 21 janvier 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Le Conseil d’Etat pourrait demander à l’Arcom d’être plus strict avec CNews – Libération (liberation.fr)

Un recours de Reporters sans frontières devant l’autorité administrative, jugé ces jours-ci, pourrait bien ouvrir la voie à une évolution de la façon dont le régulateur des médias fait respecter l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion à la télévision.

D’une chaîne d’information à une chaîne d’opinion. Le modèle inédit créé par CNews, avec ses débats en continu sur des thématiques d’extrême droite avec des commentateurs d’extrême droite, a perturbé le paysage télévisuel ces dernières années. Au point de remettre en cause l’autorité du régulateur des médias, l’Arcom, régulièrement accusé de mollesse face à l’émergence de ce Fox News à la française. La chaîne du groupe Canal +, propriété de Vincent Bolloré, se voit ainsi souvent reproché de contourner, plus ou moins adroitement, ses obligations légales d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information.

Mais cela pourrait bien changer prochainement, à la suite d’un recours de Reporters sans frontières devant le Conseil d’Etat. L’ONG de défense de la liberté de la presse pourrait en effet obtenir gain de cause dans sa demande à l’Arcom de mettre en demeure la chaîne du groupe Canal + pour non-respect de ses obligations. A l’origine, cette demande, portée en novembre 2021, avait été rejetée par l’autorité de régulation, qui estimait avoir rempli son rôle vis-à-vis de CNews. RSF avait alors choisi d’effectuer un recours auprès du Conseil d’Etat.

«Cela ne justifie pas le renoncement du régulateur»

Et ce vendredi 19 janvier, le rapporteur public Florian Roussel, membre du Conseil d'Etat, dévoilait ses conclusions dans ce dossier, un avis destiné à éclairer le jugement final de la juridiction administrative – celui-ci sera rendu dans deux à trois semaines – et qui estime fondée la requête de RSF auprès de l’Arcom, notamment sur un point en particulier : le manquement supposé du régulateur des médias à faire respecter l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion à la télévision. En substance, le rapporteur estime que l’Arcom s’est, jusque-là, bornée à faire respecter le pluralisme au sein des chaînes qu’elle a sous son contrôle en se limitant à la parole des hommes et femmes politiques. Ce qui contreviendrait alors à l’esprit de la loi de 1986 sur l’audiovisuel (celle qui lui impose de faire respecter le pluralisme), puisque celle-ci ne précise nulle part que le régulateur doit se limiter, dans ce domaine, aux seuls représentants politiques.

En clair, si le Conseil d'Etat suit le rapporteur public, charge à l’Arcom de trouver un moyen de limiter la prolifération d’opinions d’un même bord politique sur une même chaîne de télé (en l’occurrence, pour CNews, l’extrême droite), et faire ainsi respecter le pluralisme. Comment faire ? La tâche pourrait alors s’avérer compliquée pour l’Arcom. Mais, comme l’a déclaré vendredi le rapporteur Florian Roussel durant l’audience : «Un contrôle plus global du pluralisme est délicat à mettre en œuvre, mais cela ne justifie pas le renoncement du régulateur à le traiter».

«Il ne s’agit pas seulement de qui parle, mais aussi de quoi on parle»

«C’est vrai qu’il y a quelque chose d’aberrant à ne pas prendre en compte le point de vue des personnes qui s’expriment, et de ne prendre en compte que leurs identités, a réagi Thibaut Bruttin, adjoint au directeur général de Reporters sans frontières, après l’audience. Visiblement, le rapporteur public ne suggère pas un mode d’action mais renvoie le régulateur à ses responsabilités. C’est à l’Arcom de trouver une solution à cette problématique. A mon sens, l’Arcom a fait jusque-là des choix très restrictifs. En 2024, à une époque où la sémiologie et les études médiatiques sont très développées, on peut trouver des façons différentes de comprendre le pluralisme. Il ne s’agit pas seulement de qui parle, mais aussi de quoi on parle. D’ailleurs, on voit bien l’arbitraire dans ces cas-là, avec des politiques ayant démissionné de leurs mandats pour pouvoir continuer à se rendre sur les plateaux télé. C’est l’absurdité du système qui atteint ses limites.»

Si l’avis du rapporteur public est allé dans le sens de RSF et de son avocat Patrice Spinosi sur la question du respect du pluralisme, il a, par contre, balayé la plupart des autres arguments soulevés par l’ONG. Ceux-ci portaient sur les manquements de l’Arcom à faire respecter les engagements de CNews en matière d’honnêteté et d’indépendance de l’information, voire, même, sur sa qualification de «service consacré à l’information», comme le précise sa convention, alors que la chaîne a troqué le hard news pour des débats sur l’actualité. Là-dessus, le rapporteur estime que le régulateur des médias a rempli son rôle. Reste une inconnue : le Conseil d’Etat suivra-t-il les conclusions de son rapporteur ?