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Pourquoi le RN est l’ennemi des services publics
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.alternatives-economiques.fr/lucie-castets/rn-lennemi-services-publics/00109767
Marine Le Pen a régulièrement promis qu’elle serait « la présidente qui incarne le retour et la restauration de l’autorité de l’Etat », notamment en préservant le statut de la fonction publique et en renforçant ses moyens.
Contrairement aux discours libéraux qui assument de défendre une réduction de l’intervention publique, notamment dans l’économie, et une régulation amoindrie des mécanismes du marché, le Rassemblement national (RN) porte ainsi un discours de façade en faveur d’un Etat fort, à même de répondre aux besoins des citoyens.
Pourtant, ne nous y trompons pas, le RN est tout autant, sinon davantage, un ennemi des services publics que ceux qui assument idéologiquement un discours critique sur eux ou un discours « pro choix » entre public et privé.
La principale contradiction entre le discours du RN et la réalité de ce qu’il prône ? En matière de fiscalité, le RN porte des propositions qui conduiraient à totalement assécher les services publics en les privant de sources de financement.
Assécher les financements publics
Leurs propositions en matière économique comportent notamment un allégement des cotisations sociales payées par les employeurs et une défiscalisation des heures supplémentaires. Le parti est par ailleurs en faveur d’une réduction des impôts sur les successions en exonérant les biens immobiliers à hauteur de 300 000 euros et par une réduction des taxes sur les donations.
La mise en œuvre du programme économique du RN aurait ainsi pour effet direct de réduire les recettes de l’Etat d’environ 40 milliards d’euros de baisses de prélèvements obligatoires, selon l’Institut Montaigne. L’Etat serait d’autant moins en mesure de financer les services publics.
Ainsi, la liste de dépenses nouvelles promises par le RN pour l’hôpital, la police, la justice, les prisons, l’éducation, etc., est totalement incompatible avec la proposition de ramener le poids de la dépense publique de près de 56 % du produit intérieur brut (PIB) à 50 % en 2027, comme Marine Le Pen s’y était engagée dans le cadre de la campagne présidentielle.
Dans ce contexte, la tendance aujourd’hui à l’œuvre et documentée par le collectif Nos services publics dans son rapport sur l’Etat des services publics1 de laisser une place croissante à une offre privée, en grande partie financée ou solvabilisée par la puissance publique mais accessible seulement à ceux qui en ont les moyens, serait encore accentué.
Poujadisme et exclusion
Par ailleurs, le discours du RN sur la fonction publique s’appuie sur des idées poujadistes qui caricaturent l’administration. Celle-ci serait en train de mourir de son « obésité administrative », selon les mots du député RN Christophe Bentz. L’élu appelle ainsi à réaliser des économies sur « les grandes administrations », tandis que son parti propose un renforcement des effectifs quasi exclusivement sur les services répressifs comme la police et gendarmerie.
Or c’est bel et bien cette administration – qui n’est évidemment pas exempte de défauts – qui garantit que les politiques publiques mises en œuvre poursuivent bien des objectifs d’intérêt général. C’est elle qui est par exemple en mesure de réguler l’action des entreprises et l’influence des lobbies dans l’élaboration de la loi, de lutter contre la fraude fiscale, d’enseigner à nos enfants ou encore de recevoir le public dans les préfectures. Ainsi, il existe une contradiction franche entre le fait de défendre un Etat et des services publics forts, d’une part, et de déplorer l’importance des effectifs d’agents publics qui le servent au quotidien, d’autre part.
Enfin, la vision portée par le RN est de nature à mettre profondément à mal les principes au cœur des services publics : un accueil universel et inconditionnel. En effet, à rebours des principes fondateurs de la République, le RN prône un service public qui exclut en faisant reposer son fonctionnement sur la préférence nationale.
Il recommande ainsi l’instauration de règles permettant de traiter différemment les familles en fonction de leur origine. La mise en œuvre de la priorité nationale, censée soulager « nos services publics de dépenses insensées » et les rendre « plus efficaces », instaurerait une classe de sous-citoyens, en contradiction totale avec les valeurs d’égalité et de solidarité consubstantielles au service public. A cet égard, la « victoire idéologique » revendiquée par le RN lors du vote de la loi immigration met à mal l’universalité de l’accès aux prestations délivrées par les services publics de notre pays.
Comment alors, sans argent, sans agents, et en excluant une grande partie de la population, « rendre au service public ses lettres de noblesse » comme l’appelle de ses vœux Marine Le Pen ?