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Un gouvernement tout près du gouffre

Lien publiée le 6 mars 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.marxiste.org/actualite-francaise/politique-francaise/3374-un-gouvernement-tout-pres-du-gouffre-edito-du-n-78

Dans le précédent numéro de Révolution, nous écrivions : « le nouveau Premier ministre poursuivra la politique de contre-réformes drastiques dont la bourgeoisie française a besoin, dans un contexte de stagnation économique, d’inflation persistante et de hausse du chômage. En conséquence, sa prétendue “popularité” ne passera pas l’hiver. » Depuis, c’est la dégringolade. Selon une enquête Ifop, 52 % des Français se disaient mécontents de Gabriel Attal à la mi-février, soit 6 % de plus qu’au lendemain de sa nomination, mi-janvier. Tous les autres sondages confirment cette tendance, qui se poursuivra.

Les mauvaises nouvelles et les mauvais coups s’accumulent. Le gouvernement table désormais sur 1 % de croissance du PIB français en 2024 – un chiffre qui pourrait encore être révisé à la baisse. En conséquence, l’Insee prévoit que le chômage, en hausse depuis le premier trimestre 2023, continuera d’augmenter en 2024. Et c’est le moment choisi par le Premier ministre pour annoncer que la durée d’indemnisation des chômeurs « peut encore » être réduite et que le gouvernement « peut aussi accentuer la dégressivité des allocations ». [1]

Il s’agit d’« inciter toujours plus à la reprise du travail, sans tabou », expliquait-il lors de sa déclaration de politique générale. « Sans tabou » signifie : quitte à plonger dans la misère des centaines de milliers de personnes supplémentaires. Il faut bien cela pour en obliger d’autres à accepter des emplois archi-précaires et payés au lance-pierre.

Dans le même temps, sous la pression de la conjoncture économique, Bruno Le Maire a décrété 10 milliards d’euros de coupes budgétaires, principalement sous la forme de suppressions de postes dans la Fonction publique, dont 8 à 11 000 dans l’Education nationale – cette « mère des batailles » disait pourtant Gabriel Attal. On le voit : la seule « bataille » que mène ce gouvernement, c’est celle visant à transférer tout le poids de la crise sur le dos des travailleurs et des classes moyennes.

Angoisses européennes

Dans ce contexte, Macron considère les élections européennes de juin prochain avec une profonde et légitime inquiétude. Les sondages donnent son parti très loin derrière le RN, qui profite à la fois de l’impopularité du pouvoir et du fiasco de la NUPES. Si le résultat des élections confirme les projections actuelles, le gouvernement fera un pas de plus vers l’abîme – dans lequel LR et le RN pourraient se décider à le pousser via une motion de censure.

A la recherche d’un axe de campagne percutant et disruptif, le chef de l’Etat semble miser sur l’idée suivante : son parti est l’avant-garde mondiale de la lutte contre Vladimir Poutine, c’est-à-dire l’avant-garde mondiale du soutien au gouvernement réactionnaire et corrompu de Volodymyr Zelensky.

En déclarant « ne plus exclure » l’envoi de soldats français sur la ligne de front, en Ukraine, Macron-Jupiter a réussi à faire l’unanimité contre lui dans les chancelleries occidentales. Celles-ci sont moins préoccupées par les performances électorales des candidats macronistes, en juin prochain, que par les voies et moyens d’abandonner l’Ukraine face à une armée russe dont la supériorité semble irréversible et la victoire garantie, désormais.

Par ailleurs, il est permis de douter que le parti de Macron puisse remonter la pente, ces prochains mois, à coup de déclarations fantasques « n’excluant pas » ce qui, de toute évidence, est absolument exclu. Mais en même temps, il faut bien reconnaître que les macronistes sont à court d’options. Ils ne peuvent pas faire campagne sur leur catastrophique bilan économique et social. Ils ne peuvent même plus jouer leur numéro hypocrite contre le racisme du RN, car ils ont eux-mêmes voté le programme xénophobe de Marine Le Pen à l’Assemblée nationale, en décembre dernier. Il va sans dire qu’ils ne peuvent pas faire semblant de s’opposer au génocide des Gazaouis, puisqu’ils soutiennent « inconditionnellement » le gouvernement criminel de Netanyahou et répriment le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, en France. Il ne leur reste plus qu’une carte à jouer : « A bas Poutine ! Vive Zelensky ! » – et advienne que pourra, c’est-à-dire une cuisante défaite, probablement.

Il faut souligner, au passage, que le RN caracole en tête des sondages malgré son soutien sans faille au massacre des Gazaouis, qui suscite une indignation croissante et brûlante dans la masse de la population. Les premiers responsables de ce paradoxe sont les dirigeants de feu la NUPES, dont une partie soutient, elle aussi, « le droit d’Israël à se défendre », c’est-à-dire à réduire Gaza à l’état de cendres, et dont l’autre partie en appelle à la « communauté internationale », à l’ONU, à la Cour de Justice Internationale, au Pape et à tout ce qu’on voudra – sauf à la lutte révolutionnaire contre le capitalisme et l’impérialisme, qui seule permettra d’en finir avec l’oppression des Palestiniens.

Embourbés dans leur modération programmatique et leur électoralisme à courte vue, les dirigeants de la France insoumise – ceux du « clan Mélenchon » comme ceux du « clan Ruffin » – ont ouvert un boulevard à Marine Le Pen. Bien sûr, les dirigeants du PS, des Verts et du PCF ont leur part de responsabilité, qui n’est pas mince ; mais ce sont les dirigeants de la FI qui, en formant la NUPES, ont repêché ces trois naufragés des élections présidentielles.

La contradiction centrale

Nous l’avons maintes fois souligné dans les pages de ce journal : il y a un énorme décalage entre la profondeur de la crise du capitalisme, d’une part, et d’autre part l’extrême modération des directions officielles du mouvement ouvrier (partis et syndicats). C’est la contradiction centrale de notre époque.

Prenons un exemple parmi tant d’autres qui se présentent chaque jour. En réponse à l’annonce des 10 milliards de coupes budgétaires évoquées plus haut, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, écrivait sur Twitter : « pour faire des économies il suffirait de s’attaquer aux 200 milliards d’aides aux entreprises. Mais pour cela il faut oser affronter les multinationales ».

A qui la dirigeante de la plus puissante confédération syndicale suggère-t-elle d’« oser affronter les multinationales » ? Il semble que ce soit au gouvernement lui-même, faute de précisions supplémentaires. C’est en tout cas ce qu’on comprend et ce que la plupart des travailleurs comprendront. Or le problème, bien sûr, c’est que le gouvernement Macron, le « gouvernement des riches », travaille pour les multinationales. C’est même le gouvernement des multinationales, de sorte que les 10 milliards de coupes budgétaires visent à garantir le transfert d’un maximum d’argent public dans les coffres du grand patronat.

Sophie Binet l’ignore telle ? Bien sûr que non. Mais comme elle ne veut pas mobiliser sérieusement les travailleurs contre la bourgeoisie et son gouvernement, elle suggère que le gouvernement pourrait – ah, s’il « osait » ! – nous épargner une énième coupe franche dans les dépenses publiques. Les dirigeants de toutes les organisations syndicales et de tous les grands partis de gauche se livrent en permanence à ce type de mascarade, sous une forme ou sous une autre.

Heureusement, loin des sommets endormis du mouvement ouvrier, dans les entreprises, les lycées et les universités, un nombre croissant de jeunes et de travailleurs tirent des conclusions révolutionnaires. En France comme partout ailleurs, la crise du capitalisme est en train de forger une nouvelle génération de communistes. Ils commencent à rejoindre les rangs de la Tendance Marxiste Internationale dans les 40 pays où elle est active. Ils ne veulent plus des demi-mesures, de la modération réformiste, du soi-disant « réalisme » de ceux qui se préparent à capituler face à la bourgeoisie. Ils ne veulent pas se contenter de ponctionner 10 milliards d’euros dans les coffres du grand capital. Ils veulent porter les travailleurs au pouvoir, exproprier les multinationales et engager la transformation révolutionnaire de la société. C’est exactement ce que nous voulons, nous aussi – ce que veut la Tendance Marxiste Internationale. Renverser le capitalisme à l’échelle mondiale : voilà ce qu’il faudra « oser » pour sauver l’humanité de la barbarie.


[1] Lemonde.fr du 26 février.