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Yazid Arifi : Assumer la grande confrontation qui vient

Lien publiée le 18 juin 2024

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Assumer la grande confrontation qui vient

Il aura donc fallu 7 ans pour que l’acte final de la Macronie survienne, à l’initiative de son instigateur-même. Il y a 7 ans, Macron émergeait pourtant comme la figure providentielle capable de dépasser les clivages partisans pour redonner du souffle à un bloc bourgeois dont les options politiques s’étaient épuisées, du fait de l’effondrement de ses deux partis historiques de gouvernement. 

Avec sa campagne aux accents faussement progressistes (mais réellement néolibéraux), il avait su séduire à la fois la bourgeoisie cool et une partie de l’électorat populaire et indigène, en dénonçant les “archaïsmes” français et le “laïcisme” et en promettant aux Français une entrée de plain pied dans le monde merveilleux de la modernité woke.

C’est dans un piteux état que s’achève la parenthèse macronienne, avec une déroute totale à l’élection européenne et une dissolution de l’Assemblée Nationale dans la foulée qui sonne comme un aveu d’échec cinglant, ouvrant la porte à l’arrivée du Rassemblement National au gouvernement, lui qui n’avait jamais eu le moindre député avant 2017. Bien loin des promesses de faire reculer l’extrême-droite, la trajectoire d’Emmanuel Macron a été celle d’un défenseur résolu du capital et de ses intérêts qui, confronté à la contestation grandissante d’une population éreintée par une décennie de maltraitance sociale, a très vite pris le parti de singer les fascistes avec un zèle inouï.

Répression brutale des mouvements sociaux, restriction des libertés individuelles au nom de l’impératif sécuritaire, rabotage incessant des droits économiques (chômage, retraites, maladie…), destruction méthodique des services publics sont allés de pair avec la prolifération des mesures et discours ouvertement racistes et islamophobes,  à tel point que Marine Le Pen elle-même n’a pas manqué de célébrer la “victoire idéologique” qu’a constitué, par exemple, le vote parlementaire de l’infâme loi immigration fin 2023, celui qui introduit la préférence nationale dans la loi française.

La séquence post-7 octobre a achevé d’installer le bipartisme Macron-RN comme nouveau mode d’exercice du pouvoir en France. Alors que le bloc fasciste (comptant pourtant des militants antisémites résolus dans ses rangs) s’est racheté une fréquentabilité antiraciste en apportant son soutien à Israël et au projet colonial sioniste, le bloc populaire de rupture incarné par la France Insoumise a fait l’objet des pires attaques, jusqu’à être exclu de “l’arc républicain” en raison de son soutien résolu à la cause palestinienne, travesti de manière fort peu originale en antisémitisme.

Après lui avoir fait la courte échelle, le bloc bourgeois s’apprête ainsi à céder la place aux héritiers de Pétain et Hitler, ceux dont le parti a été fondé par d’authentiques fascistes issus des rangs du collaborationnisme, de l’OAS et d’Ordre Nouveau. L’enseignement principal à retirer de cette séquence, c’est que le bloc bourgeois confronté à l’épuisement des masses, fruit d’une véritable maltraitance sociale généralisée, n’a aucune solution modérée à mettre sur la table : son destin est de finir noyée dans le marécage fasciste. Qu’il soit donc bien entendu qu’en cette époque de crises multiples, de prolifération de la misère et de la précarité, de dérèglement climatique et de multiplication des foyers de conflit à l’échelle de la planète, la bourgeoisie n’a pas d’autre destin viable que celui de devenir le supplétif de l’extrême-droite, après l’avoir utilisée ad nauseam comme repoussoir, devenu à présent seul outil présentable de promotion des intérêts économiques et raciaux de la classe au pouvoir. 

Par ailleurs, le sort de Macron doit servir d’enseignement général à toutes celles et tous ceux qui, dans la veine du PS et d’EELV et en dépit du bon sens historique minimal, pourraient encore croire qu’une option centriste, tempérée, « ni droite ni gauche » aurait quelque chance d’aboutir à un résultat probant dans un contexte d’effondrement général des institutions politiques et économiques qui assuraient jusque-là tant bien que mal la paix sociale. Cet espoir est un rêve de singe et le camp Gluckmann/Toussaint est promis au même sort que Macron.

Que chacun soit donc mis face à ses responsabilités : les coupables de la progression du fascisme, ce sont les fascistes eux-mêmes et leurs complices bourgeois, socio-démocrates compris, et personne d’autre. S’il est légitime de ressentir dégoût et indignité face à l’abominable spectacle d’un Bardella à 30%, il ne faut cette fois-ci rien céder à l’antiracisme des bonnes consciences, promptes à manifester au lendemain de l’énième raz-de-marée électoral fasciste mais qui retourneront promptement dormir en attendant le prochain scrutin. 

Seule une analyse sans concession de la séquence politique néolibérale et autoritaire ouverte depuis le début des années 80, quand l’extrême-droite commence justement à se positionner comme force majeure dans l’échiquier français, a quelque chance de faire triompher le camp de la révolte, en évitant de transformer une nouvelle fois le feu ardent de la contestation du capitalisme en filet d’eau tiède tout juste bon à passer la serpillière après le capital.                 

Dans ce contexte, l’émergence du Nouveau Front Populaire, coalition électorale structurée autour de la France Insoumise, est à la fois un coin enfoncé dans le projet de Macron et une excellente nouvelle pour notre camp.

Elle vient acter un état du rapport de forces à gauche qui semble désormais acquis, même après un scrutin ayant donné l’avantage aux organisations plus modérées : Mélenchon est le pivot du camp de la gauche de rupture, dont le salut reposera en dernier ressort sur la victoire de son homme fort. Mais au-delà de la figure de Mélenchon, ce sont des options politiques précises qui sont ainsi posées comme un étant au coeur de la proposition politique de la gauche : dénonciation de l’islamophobie et des violences policières, défense des droits du peuple palestinien (et plus récemment du peuple kanak) au nom de l’anticolonialisme, refus de l’alignement sur les positions atlantistes et volonté revendiquée d’en découdre avec les milieux d’affaires. Autant d’orientations totalement étrangères au logiciel socio-démocrate à la sauce PS-EELV.

Si l’on peut regretter que les négociations aient abouti, pour des raisons tactiques, à la disparition de thématiques importantes du « contrat de législature » (sortie des traités européens, sortie de l’OTAN …), la direction imprimée est indéniablement encourageante et vient notamment récompenser l’intense travail de terrain des organisations militantes indigènes.

Pour cette raison, le soutien au Nouveau Front Populaire ne doit souffrir aucune ambiguïté. Il faut se plonger dans le combat avec toute l’énergie que la gravité de la situation impose et faire en sorte qu’un maximum de députés FI entrent à l’Assemblée Nationale, d’autant que des figures importantes de la lutte antiraciste ont été investies, comme Amel Bentounsi qui sera candidate en Seine-et-Marne.

Apporter son soutien à ce Nouveau Front Populaire, c’est valider la ligne stratégique  impulsée par la FI depuis 5 ans. Pour autant, il serait irresponsable de s’engager sans être conscient que les autres organisations composant ce cartel électoral, PS, EELV et PCF, ont une responsabilité centrale et directe dans la situation politique que nous vivons, en ayant exercé le pouvoir sur de larges pans du dernier demi-siècle. Macronistes en devenir, centristes irrémédiables, éternels opportunistes, ils ne sont assurément pas des alliés et il y a fort à parier qu’une fois passée la séquence électorale actuelle, ils reprendront leur feu nourri à l’endroit des Insoumis, pour le plus grand bonheur de la caste politico-médiatique et des soutiens au génocide du peuple palestinien.

Dès lors, soutenir le Nouveau Front Populaire est la meilleure manière de se préparer aux combats à venir pour l’hégémonie au sein du camp de la gauche et en vue de l’élection présidentielle de 2027, qui sera sans doute celle de la clarification finale, celle du choix entre le fascisme et la rupture définitive d’avec l’ordre des choses néolibéral. Soyons à la hauteur de l’enjeu.

Yazid Arifi