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L’urgence d’une prospérité sans croissance face à la stagnation du PIB
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Souvent décrié – et pour de très bonnes raisons – le PIB offre cependant une bonne vision de la production économique de la France, et donc de l’évolution de nos revenus et de notre pouvoir d’achat. Sa croissance, boostée dans les Trente Glorieuses, a connu deux grandes cassures, en 1973 et 2008, qui l’ont amené à un niveau assez bas, et encore plus si l'on raisonne par habitant. Si ces chutes de croissance sont à l'évidence bonnes pour nos écosystèmes, il est néanmoins indispensable de modifier en profondeur notre système économique et notre répartition des revenus, de façon à ce que la future stagnation du PIB – voire sa décroissance – soit aussi bénéfique pour la majorité des citoyens.
1- Une augmentation ininterrompue depuis 1950
2- Un rôle accru des dépenses publiques
3- De moins en moins de croissance
4- L'intérêt du PIB par habitant
5- La fin de la croissance ?
Ce qu'il faut retenir
Le fameux PIB (Produit Intérieur Brut) est un indicateur économique qui mesure la production économique, c’est-à-dire la valeur de tous les biens et services produits. Le PIB de la France s’est ainsi élevé en 2023 à près de 2 820 Md€.
Une augmentation ininterrompue depuis 1950
En France, la Comptabilité Nationale calcule le PIB depuis 1949. Il n’a cessé d’augmenter depuis cette date, sauf lors de quelques brèves crises économiques majeures. Afin de mieux apprécier son évolution réelle, on corrige ce « PIB courant » en retirant l’effet de l’inflation, pour aboutir à ce qu'on nomme un « PIB Réel ».
C’est l’évolution de ce « PIB réel » qui constitue alors la sacro-sainte croissance, dont on parle tant. Elle a atteint le maigre chiffre de +0,9 % en 2023.
La croissance apparaît élevée depuis 2021, mais il s’agit principalement du rattrapage de la crise économique de 2020. En valeur réelle, le PIB 2023 est à peine supérieur à celui de 2019. On peut noter que cette maigrichonne croissance a nécessité un déficit public de plus de 5 % du PIB, c’est-à-dire que cette somme a été dépensée sans avoir été financée.
De plus, si le calcul du PIB courant est trivial (il suffit d’additionner les comptes de toutes les entreprises du pays), celui du PIB réel fait appel à l’inflation et peut donc être contesté, ne serait-ce que par la méthode de calcul de l’inflation de l’Insee, qui fait souvent l’objet de critiques. Les résultats issus de la méthodologie française s’éloignent d’ailleurs de plus en plus de ceux d’Eurostat, qui utilise une méthode homogène validée par les instituts statistiques des 27 pays de l’UE. En 2022, il y avait pratiquement 1 point d’écart, ce qui gonfle fictivement d’autant la croissance affichée.
L’approche du PIB par la demande nous montre que la croissance française repose principalement sur la consommation des ménages. Le poids des investissements des entreprises s’étiole de plus en plus, celles-ci ayant plutôt choisi d’augmenter les dividendes versés aux actionnaires. Nous analysons régulièrement le détail de la croissance du PIB en France au cours des derniers trimestres.
Un rôle accru des dépenses publiques
Le poids de la sphère publique dans le PIB a considérablement augmenté durant les Trente Glorieuses, ce qui a soutenu la croissance économique. Il n’a guère varié depuis les années 1980, et représente aujourd'hui environ 30 % du PIB.
Le commerce extérieur impacte de plus en plus négativement la croissance, du fait des déficits commerciaux qui ne cessent de se creuser – un grave problème que nous avons récemment analysé dans notre article dédié au déficit commercial abyssal de la France.
L’approche du PIB par les revenus nous montre que la croissance française repose principalement sur l'augmentation de la rémunération des employés. Cependant, l'année dernière, en raison des profiteurs d’inflation, il n’y a pas eu de croissance de ces rémunérations mais, au contraire, une croissance irraisonnée des profits à un niveau inconnu depuis 2007.
Sur longue période, la répartition de la valeur ajoutée entre salariés et entreprise est relativement stable depuis les années 1990. Cependant, elle n’augmente plus au bénéfice des salariés, comme c'était le cas durant les Trente Glorieuses.
De moins en moins de croissance
Le dynamisme de l’économie au fil du temps s'analyse en regardant l’évolution annuelle de la croissance sur longue période. Un calcul par décennie nous montre que la croissance annuelle, d’environ +1,5 % depuis 20 ans, n’est plus qu’au quart de son niveau des Trente Glorieuses.
La décennie 2020 s’annonce encore plus faible, avec +0,7 % en moyenne durant ses quatre premières années. Une bonne nouvelle pour l'environnement certes, mais une mauvaise nouvelle pour le pouvoir d'achat, tant que nous restons figés dans le système économique actuel.
L’intérêt du PIB par habitant
Si le PIB mesure la quantité produite dans le pays, il renseigne assez mal sur l’état réel de l’économie, car il ne tient pas compte (entre autres) de l’évolution démographique. Si un pays produit 2 % de plus, mais qu’il y a 3 % de travailleurs en plus, l’économie aura été moins efficace. C’est pour cela qu’il est plus intéressant d'analyser le PIB réel par habitant, qui permet d’appréhender plus finement la production. En 2023, il a atteint 42 900 € par Français, et il est à peine supérieur à son niveau de 2019.
Comme la France conserve une démographie assez forte, la croissance du PIB par habitant est inférieure à celle du PIB total, d’environ un tiers de point.
Comme la croissance du PIB par habitant est très proche du PIB par actif employé, elle peut être utilisée – en raison de sa simplicité – comme une très bonne approximation de la croissance intrinsèque de l’économie.
La fin de la croissance ?
Depuis un demi-siècle, crise après crise, la croissance du PIB par habitant diminue. Les crises de 1973 et 2008 ont marqué deux très importantes cassures dans la tendance de cette croissance économique.
Au final, le taux de croissance du PIB par habitant par décennie a été divisé par cinq, et ne représente plus que 1 % par an depuis deux décennies.
Le PIB par habitant continue donc de croître, mais de manière de plus en plus lente. Ce niveau se situe même probablement dans la marge d’erreur causée par les choix méthodologiques retenus pour le calcul de l’inflation. Dit autrement, il est tout à fait possible que notre croissance intrinsèque actuelle soit très proche de zéro.
Cette baisse historique est souvent mal appréhendée, car on oublie les raisons de la croissance des Trente Glorieuses. Ces années exceptionnelles ont été induites par la forte mécanisation du pays et l’introduction de techniques qui ont fait exploser la productivité. De nos jours, il est désormais de plus en plus difficile de poursuivre cette augmentation de productivité. Une fois que l’on remplace un cheval par un tracteur, il est difficile de trouver par quoi remplacer le tracteur pour avoir le même gain (le tout sans faire exploser la consommation d'énergies fossiles).
Il faut donc prendre beaucoup plus de recul pour bien apprécier la situation. En réalité, la diminution continue de la croissance est un phénomène à la fois logique et normal, qui permet à cette dernière de retrouver son niveau faible historique, loin de « l’anomalie » des Trente Glorieuses.
À l’échelle d’une vie humaine, on a l’impression qu'on vit une « panne » de croissance, une situation « anormale » qui nécessiterait d'être corrigée. Les responsables politiques nous expliquent sans cesse que si la population vote pour eux, alors « la croissance sera plus forte ». Or, la réalité est tout autre : qu'on le veuille ou non, la croissance est en train de retrouver son niveau très bas historique. « L’anomalie », c’était les Trente Glorieuses et non pas la situation actuelle.
Il faut d’ailleurs cesser de vouer un tel culte à cet indicateur qu’est le PIB. S'il n'est pas sans intérêt, il a cependant de nombreuses limites, comme le fait qu'il ne comptabilise ni la diminution des ressources non renouvelables (stock de pétrole, stock de cuivre, etc.) ni la pollution créée (CO2, etc.), comme l’avait justement rappelé la Commission Stiglitz en 2009.
Par ailleurs, le PIB sous-estime très largement les contributions du secteur non marchand (principalement la fonction publique), dont seuls ses coûts de production sont comptabilisés et non pas sa valeur ajoutée (car elle est très difficile à déterminer). De ce fait, au lieu d’être considéré comme une source de richesses, ce secteur apparaît souvent comme un coût qui pèse sur le secteur privé.
Enfin, le PIB ne peut pas être utilisé comme un indicateur du bien-être d’un pays, car il ne prend pas en compte la manière dont sont répartis la production et les revenus, c’est-à-dire les inégalités. Dans leur ouvrage Le Triomphe de l’injustice, les économistes Emmanuel Saez et Gabriel Zucman rappellent qu’en 2019, le revenu national américain (qui est une composante du PIB) s’élevait à 75 000 dollars par adulte, mais que les 50 % des Américains les plus modestes percevaient seulement 18 000 dollars. En France, sur la même période, un adulte produisait en moyenne 53 000 dollars, mais les 50 % des Français les plus modestes gagnaient 20 000 dollars, soit nettement plus que les 50 % des Américains les plus modestes. Le diable réside souvent dans les moyennes…
Les problèmes de soutenabilité environnementale et de finitude des stocks de matières premières font donc qu’une croissance permanente est irréaliste. Il suffit d’ailleurs d’analyser la productivité, c’est-à-dire la production (ou plus précisément la valeur ajoutée) créée en moyenne durant une heure travaillée. C’est cette augmentation de productivité qui alimente la croissance économique. Et, comme nous l’avons vu dans notre analyse des réformes antisociales d'Emmanuel Macron, la productivité française a été négative en 2021-2022 – c’était la première fois hors crise économique. Elle est redevenue légèrement positive en 2023.
Ainsi, la stagnation et la décroissance sont très probablement inscrites dans notre avenir économique à long terme. Cela sera très bon pour la survie de notre espèce, mais il est indispensable de réformer drastiquement notre système économique et notre répartition des revenus, pour que cela soit aussi bénéfique socialement. En effet, la décroissance du PIB signifie mathématiquement la décroissance des revenus totaux. Une prospérité sans croissance est possible, mais elle doit se construire très en amont, c’est-à-dire dès maintenant.
Ce qu'il faut retenir
Le PIB, indicateur fétiche des économistes qui leur permet de calculer la sacro-sainte croissance, n’a augmenté que de 0,9 % en 2023, au prix d’un déficit public gigantesque de plus de 5 % du PIB, sans lequel le PIB aurait sans doute diminué.
Par ailleurs, alors qu’en 2021 et 2022, la croissance était tirée par les hausses de salaire, en 2023 elle ne l’a été que par la gigantesque hausse des profits des entreprises, à un niveau inconnu depuis 2007 et au moment où le pouvoir d’achat des Français diminuait.
Ce mouvement s’inscrit cependant dans une baisse continue de la croissance, qui n’est plus qu’au quart de son niveau des Trente Glorieuses, et encore moins si on la rapporte par habitant. Cependant, sur très longue période, on voit bien que l’anomalie économique, c’était les Trente Glorieuses et non pas la situation actuelle. Comme rien ne laisse penser qu’une croissance forte reviendra dans les prochaines années, bien au contraire, il faut travailler dès maintenant à rebâtir un système économique qui favorise une prospérité sans croissance.