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Projet de loi de finances : la comédie de « l’effort partagé »

Lien publiée le 22 octobre 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://marxiste.org/actualite-francaise/politique-francaise/3530-projet-de-loi-de-finances-la-comedie-de-l-effort-partage

Cette année, les débats parlementaires sur le budget de l’Etat français seront suivis de près – ou, disons, de plus près qu’habituellement – par des millions de jeunes et de travailleurs. Du point de vue de la bourgeoisie, ce n’est pas une bonne nouvelle. L’un des piliers fondamentaux de son pouvoir, c’est l’ignorance dans laquelle sont maintenues les masses exploitées et opprimées. Lorsque la crise de régime les pousse à s’intéresser à ce qui se trame dans les hautes sphères de la société, ce qu’elles découvrent et les conclusions qu’elles en tirent ne sont jamais favorables à la classe dirigeante.

La première question qui se pose est simple : d’où vient l’augmentation du déficit public ? Réponse unanime des politiciens et journalistes bourgeois : « du dérapage incontrôlé de la dépense publique ». Dans sa présentation du Projet de loi de finances 2025, le gouvernement écrit : « c’est par la hausse de la dépense que nos finances publiques se sont dégradées ». Et donc, poursuit-il, c’est « d’abord et prioritairement par une baisse de la dépense répartie sur l’ensemble des administrations publiques que devra passer l’effort ». Concrètement, le gouvernement veut imposer 40 milliards d’euros de coupes dans la Fonction publique et les dépenses sociales. Dans le viseur : l’Education nationale, les retraites, les collectivités territoriales et l’Assurance maladie – entre autres.

Pour tenter de faire passer la pilule, le gouvernement annonce que de grandes multinationales et les foyers plus riches seront mis à contribution, eux aussi, à hauteur de 20 milliards d’euros. C’est ce que Michel Barnier appelle un « effort partagé » – entre les exploiteurs et les exploités, les riches et les pauvres.

Cependant, à y regarder de plus près, certains « détails » risquent de miner la crédibilité de cette présentation – et notamment celui-ci : les exemptions d’impôts, les exonérations de cotisations et les diverses subventions dont bénéficient les entreprises (surtout les grandes) n’ont pas cessé d’augmenter, depuis les années 90, pour s’élever désormais à quelque 150 milliards d’euros par an [1], soit près de quatre fois « l’effort » de 40 milliards d’euros que le gouvernement veut faire peser sur la masse de la population en 2025. Ainsi, contrairement au diagnostic unanime des politiciens bourgeois, le dérapage des comptes publics ne doit pas être imputé à la dépense publique en général, mais d’abord à la dépense publique dont bénéficie la bourgeoisie, ainsi qu’aux dizaines de milliards d’euros de recettes manquantes, chaque année, au profit de la même bourgeoisie.

Dès lors, ne serait-il pas judicieux de piocher largement dans ces 150 milliards d’euros, au lieu de s’en prendre encore aux plus pauvres ? « Ce serait pure folie ! », clament les « experts » bourgeois. Frémissant d’horreur, ils prophétisent un effondrement de l’économie française si l’Etat cessait de jeter des quantités colossales d’argent public, sous différentes formes, dans les caisses du patronat – et d’abord celles du grand patronat. Autrement dit, le capitalisme français est drogué aux subventions publiques et ristournes fiscales en tous genres. Et c’est pour satisfaire cette addiction, au fond, que le gouvernement veut détrousser les retraités, les chômeurs, les malades, les travailleurs et les services publics.

Quant aux 20 milliards d’euros de « contributions fiscales exceptionnelles, temporaires et ciblées sur les entreprises et les ménages » les plus riches, il est permis de douter qu’ils se matérialisent dans les caisses de l’Etat, en fin de course. Même à supposer que ces 20 milliards figurent dans le budget qui sera adopté par l’Assemblée nationale, les plus grosses entreprises et les ménages les plus riches disposent de mille astuces légales, illégales et semi-légales pour échapper au fisc, avec la bienveillante complicité de ce dernier. Rappelons à ce propos que le cumul de l’évasion et de l’optimisation fiscales – qui, par définition, ne sont pas le fait des travailleurs au Smic – se situe entre 60 et 80 milliards d’euros par an, d’après les estimations les moins contestées.

Tout en s’inquiétant vivement de la « taxation des plus riches », un récent article du Figaro lève un petit coin de voile sur la réalité de cette taxation. On y apprend qu’à coup de « niches fiscales » et d’« abattements forfaitaires » divers et variés, « des gens très riches arrivent à un taux d’imposition inférieur à 20 % ». Quelle proportion « des » gens très riches cela concerne-t-il ? Pudiquement, Le Figaro ne le précise pas. Par contre, il nous apprend l’existence d’une pratique d’optimisation fiscale étonnamment appelée « CumCum », qui « permet à des actionnaires de contourner l’impôt sur les dividendes en confiant leurs actions dans les mains de banques françaises exonérées de taxe le temps du versement de ces dividendes, puis à récupérer ensuite les titres et les dividendes, évitant ainsi les prélèvements du fisc. » Remarquons qu’une telle pratique n’est pas à la portée des citoyens ordinaires !

Enfin, relevons que même dans sa présentation hypocrite et mensongère de « l’effort partagé », le gouvernement introduit une différence de traitement flagrante entre les coupes dans les dépenses publiques, dont « le chemin sera pluriannuel », et les contributions des plus riches, qui seront « exceptionnelles » et « temporaires ». Pour les masses exploitées et opprimées, les coupes sombres seront incontournables, réitérées et même aggravées pendant un nombre d’années indéterminé ; pour les très riches, les « contributions » passeront par le filtre d’une armée d’avocats fiscalistes et, de toute façon, ne seront pas reconduites en 2026. Beau et noble « partage » de « l’effort », en vérité !

L’ampleur du plan d’austérité annoncé ne marque pas un tournant, mais plutôt l’accélération d’une politique à l’œuvre de longue date. Cela fait bien des années que, de contre-réformes en coupes budgétaires, le poids de la crise du capitalisme français est transféré sur les épaules de la grande majorité de la population, cependant que les capitalistes se gavent de profits et de subventions publiques, dont une partie finit directement dans les poches des actionnaires.

A l’Assemblée nationale, les députés du NFP – et en particulier ceux de la France insoumise – feront sans doute ce qu’ils peuvent pour fustiger ce budget et proposer des mesures qui piochent dans les profits de la classe dirigeante. Cela ne manquera pas d’intérêt, mais ne changera rien à la détermination du gouvernement et de la bourgeoisie. Pour défendre leurs conditions de vie, d’étude et de travail, la jeunesse et la classe ouvrière ne pourront pas compter sur l’Assemblée nationale, mais uniquement sur leurs propres forces. Seule une puissante mobilisation extra-parlementaire, sous la forme d’un vaste mouvement de grèves reconductibles, est susceptible de faire obstacle à l’offensive réactionnaire du gouvernement Barnier. La balle est donc dans le camp des organisations de masse de la classe ouvrière, à commencer par la CGT. Ses dirigeants doivent tourner le dos aux illusions du « dialogue social » et proposer un plan de bataille solide, sérieux et offensif, sur la base d’un programme de rupture avec toutes les politiques d’austérité.


[1] Estimation minimale. La CGT avance le chiffre de 175 milliards d’euros.