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Ne désespérez pas : Trump n’est pas invincible
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Ne désespérez pas : Trump n'est pas invincible - CONTRETEMPS
La réélection de Donald Trump est une terrible nouvelle pour les classes populaires aux États-Unis, en particulier pour les minorités et les immigré-es. Mais, comme l’indique Eric Blanc dans cet article, succomber au désespoir profite nécessairement à l’extrême droite et risque de gâcher les occasions pour la gauche de stopper Trump.
***
Après avoir passé quelques jours en état de choc, j’ai commencé à réfléchir sérieusement à ce qui n’a pas fonctionné mardi et à la manière dont nous pouvons vaincre le trumpisme. J’écris ce texte pour insister sur le fait que les nouvelles ne sont pas toutes mauvaises.
1.
Blâmer les élites du Parti Démocrate. La défaite de mardi dernier est ce qui arrive lorsque vous laissez les travailleurs de côté pendant des décennies, de l’ALENA de Bill Clinton à l’austérité de Barack Obama, en passant par le tournant de Chuck Schumer vers les professionnels des banlieues aisées et l’offensive contre le mouvement de Bernie Sanders en 2016 et 2020.
Incapables d’examiner sérieusement les défauts du Parti Démocrate, de nombreux libéraux élitistes accusent déjà les gens ordinaires, affirmant que la plupart des Américains sont irrémédiablement victimes d’un lavage de cerveau ou de préjugés. Mais si c’était vrai, il est difficile d’expliquer pourquoi les Américains ont élu Barack Hussein Obama en 2008.
Les Démocrates prétendent également qu’ils doivent revenir au « centre » parce que les politiques intérieures et les nominations relativement progressistes de Joe Biden n’ont pas porté leurs fruits sur le plan électoral. Mais après des décennies d’abandon des travailleurs par les démocrates, ces mesures étaient trop peu et trop tard.
Si les sénateurs Joe Manchin et Kyrsten Sinema n’avaient pas bloqué un ambitieux programme « Build Back Better » capable d’apporter des améliorations visibles dans la vie de la plupart des gens, et si Biden avait été capable d’enchaîner des phrases cohérentes, il n’est pas inconcevable que la trajectoire politique récente de notre pays aurait pu être différente.
Il était suicidaire de lancer la candidature de Biden malgré sa démence sénile et son impopularité. Les experts ont félicité Nancy Pelosi et ses collègues de l’avoir finalement écarté, mais il est inexcusable qu’ils ne l’aient pas fait un an plus tôt et qu’ils n’aient pas permis l’organisation d’une véritable primaire.
La seule chance que les Démocrates avaient de gagner en 2024 était de présenter une personne extérieure à l’administration Biden, probablement quelqu’un comme Gretchen Whitmer. Et même si Bernie Sanders était trop vieux cette fois-ci, il convient de se rappeler qu’il a conquis exactement les personnes dont Harris a eu le plus grand mal à obtenir le vote : les travailleurs à travers le pays, les Latinos et les adeptes de Joe Rogan.
2.
L’inflation a gravement nui aux gouvernements en place dans le monde entier. Mais leur défaite électorale n’est pas une loi d’airain. Malgré l’inflation généralisée, le Mexique a par exemple réélu son gouvernement de gauche parce que celui-ci a fait beaucoup en faveur des travailleurs (et bien communiqué en ce sens).
3.
La triste vérité est que les dirigeants syndicaux – à quelques exceptions notables près – n’ont pas su saisir l’occasion exceptionnellement favorable à la syndicalisation de masse créée par un marché du travail tendu, un Conseil national des relations professionnelles (National Labor Relations Board) favorable aux travailleurs et une revitalisation de la base menée par de jeunes travailleurs radicalisés.
Les dirigeants syndicaux, peu enclins à prendre des risques, ont pour la plupart continué à faire comme si de rien n’était, s’asseyant sur des milliards de dollars qui auraient pu être utilisés pour lancer et soutenir des initiatives de syndicalisation interprofessionnelle à grande échelle.
Si la plupart des syndicats avaient massivement investi dans la syndicalisation après 2020, la carte politique aurait pu s’en trouver considérablement modifiée. Non seulement les syndiqués continuent de voter davantage pour les Démocrates, mais les campagnes et les grèves syndicales très médiatisées polarisent l’ensemble du pays autour du conflit de classe (au lieu des guerres culturelles prisées par la droite), permettant de dévoiler le populisme fallacieux des Républicains.
Faire l’expérience directe de la solidarité et du pouvoir collectif est le meilleur antidote à la recherche de boucs émissaires. Il n’est pas possible de vaincre l’extrême droite sans travailler à élargir et transformer le mouvement ouvrier.
4.
Il sera plus difficile pour les travailleurs de s’organiser dans leurs entreprises sous Trump, mais ce sera loin d’être impossible. Nous devrions nous rappeler que l’essor actuel du mouvement ouvrier a commencé avec les grèves des enseignants des États républicains en 2018, qui ont permis d’obtenir des gains importants contre les gouvernements républicains de ces États.
5.
Le financement du génocide par l’administration Biden-Harris n’a pas fait perdre cette élection à l’échelle nationale, mais c’est une raison essentielle pour laquelle elle a perdu une course extrêmement serrée dans le Michigan. Pour amener un grand nombre d’hommes politiques à soutenir un embargo sur les armes à destination d’Israël, nous devons organiser beaucoup plus de manifestations sur cette question, et ne pas nous contenter de mobiliser les personnes déjà convaincues.
6.
L’élection de Trump est un coup dur pour la démocratie et les travailleurs aux États-Unis et dans le monde, en particulier pour les plus marginalisés. Mais nous ne devons pas désespérer. Il y a de bonnes raisons de penser que cela pourrait ressembler à l’élection de George W. Bush en 2004 – qui a rapidement suscité des réactions négatives menant à la victoire d’Obama – plutôt qu’à l’élection de Ronald Reagan en 1980, qui a inauguré une longue ère de politiques conservatrices.
D’un point de vue historique, Trump n’a pas gagné cette élection avec beaucoup d’avance. Il a obtenu à peu près le même nombre de voix que la dernière fois, tandis que Mme Harris a perdu parce qu’elle a obtenu environ 14 millions de voix de moins que M. Biden en 2020. En outre, les électeurs qui ont voté pour Trump espéraient pour la plupart qu’il leur apporterait la prospérité, un scénario peu probable compte tenu des politiques soutenues par les milliardaires soutenant Trump et de la volatilité d’un ordre néolibéral mondial en train de s’effondrer.
7.
En temps de crise, les gens recherchent des récits convaincants qui expliquent pourquoi ils sont en difficulté. La droite fait un excellent travail pour rassembler des personnes autour de sa vision réactionnaire du monde tout au long de l’année (et pas seulement pendant la saison électorale), en particulier grâce à une propagande concertée dans les médias et les réseaux sociaux. Parce que les élites démocrates n’ont aucun intérêt à promouvoir le seul contre-récit convaincant – blâmer les milliardaires – la gauche doit trouver des moyens de mieux (et plus largement) développer notre vision du monde en direction de millions de personnes, en ligne et au-delà.
8.
Même si les deux candidats étaient assez impopulaires, et malgré les horreurs soutenues par Biden à Gaza et au Liban, la marginalité totale des candidats du troisième parti en 2024 confirme qu’il y a peu d’espace pour construire un troisième parti de gauche dans notre régime électoral actuel. Mais la campagne sénatoriale de Dan Osborn dans le Nebraska suggère que des campagnes indépendantes, sur la ligne d’un populisme économique1, devraient être tentées à nouveau dans les régions républicaines profondes et dans d’autres arènes, sans être accusées de prendre des voix favorisant l’élection d’un candidat réactionnaire.
9.
La plus grande erreur commise par la gauche au cours de ce cycle a été, et de loin, de ne pas présenter de candidat viable lors des primaires présidentielles. Nous avons oublié la principale leçon de Bernie 2016 et 2020. En l’absence d’une tribune de gauche dans la compétition politique la plus importante de notre pays, nous avons été condamnés à être soit des critiques marginaux extérieurs, soit des partenaires subalternes et acritiques de Biden-Harris.
Cette abstention a laissé plus d’espace aux élites démocrates pour marginaliser le populisme économique (et pour ignorer le sentiment anti-guerre largement répandu). Nous ne pouvons pas refaire cette erreur en 2028.
10.
Il est inquiétant que de nombreux libéraux hostiles à Trump semblent se résigner cette fois-ci – mais il est bon que la gauche socialiste soit toujours prête à se battre et que nous soyons mieux organisés aujourd’hui qu’en 2016. Le plus urgent, c’est que nous avons un rôle clé à jouer en aidant à lancer de grandes manifestations de masse dans le cadre d’un front uni, capables de rassembler tous ceux et toutes celles qui s’opposent aux horreurs de Trump.
L’échec du Parti Démocrate est une opportunité majeure pour recruter des centaines de milliers de personnes au sein du mouvement socialiste démocratique. Mais pour ce faire, nous devons rapidement nous détourner des débats internes et de la tendance à trop s’inquiéter de savoir si nous sommes suffisamment radicaux. En lieu et place, nous devrions davantage chercher à nous faire entendre de nos collègues, voisins et amis, de nous connecter à elles et eux, et de recruter. La campagne de Zohran Mamdani pour la mairie de New York est une occasion importante et, espérons-le, inspirera d’autres campagnes électorales socialistes dans tout le pays.
Nous surmonterons tout cela collectivement, et non en tant qu’individus isolés. J’avais mal au ventre et j’étais désespérée jusqu’à ce que je me rende à une réunion du Comité d’organisation d’urgence sur le lieu de travail (EWOC) mercredi, qui m’a donné une bouffée d’espoir dont j’avais bien besoin. Rejoindre les Socialistes Démocratiques d’Amérique (DSA) et organiser les gens sur votre lieu de travail avec l’aide de l’EWOC vous donnera ce même sentiment. A luta continua.