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    Cher Philippe Val

    Lien publiée le 15 décembre 2024

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Cher Philippe Val - Boxing Day #11

    Cher Philippe Val - Boxing Day #11

    Cher Philippe Val,

    Quelle semaine !

    Lundi 9 décembre, lors de votre chronique hebdomadaire sur Europe 1, où vous sévissez depuis trois ans, loyal employé du milliardaire d’extrême droite Vincent Bolloré, bravo, vous avez trouvé judicieux, évoquant la panthéonisation annoncée de l’historien Marc Bloch, fusillé par la Gestapo en 1944, d’affirmer que lorsque l’on se « replonge » dans son ultime ouvrage, l’Étrange Défaite, « qui analyse les causes de la défaite de 1940 et de la débâcle, […] on a la sensation d’y lire l’analyse des causes profondes de la crise actuelle et de la chute du gouvernement Barnier », carrément, « au point d’en ressentir un profond malaise », c’est bien le mot. Et de vous en prendre « [aux] mélenchonistes qui rêvent d’un chaos à la faveur duquel ils pourraient s’installer enfin au chaud dans les ministères », tout est chaos, « [à] Marine Le Pen qui se venge du procureur en votant avec la France insoumise au mépris d’une France dont elle prétend être la patriote », pauvre France, « et [aux] socialistes toujours à l’affût d’une bonne traîtrise », sus aux traîtres.

    En d’autres termes, vous avez estimé pertinent de comparer, d’une part, une motion de censure contre un gouvernement dont on savait depuis sa nomination qu’il était illégitime, minoritaire et qu’il ne finirait pas l’année et, d’autre part, la défaite militaire de la France face aux Nazis, le basculement du pays dans la collaboration et la mise en place du régime de Vichy, tout simplement. Le tout en vous abritant courageusement derrière la figure d’un historien à qui vous faites dire ce que vous voulez, c’est toujours délicat de faire parler le morts, et dont vous citez longuement les propos, notamment ceux concernant les partis politiques « [qui] ne réussissent pas le plus souvent à décider de qui serait au pouvoir [et qui] servent de tremplin aux habiles qui se chassent l’un l’autre du pinacle », tout en réussissant l’exploit de ne pas évoquer les droites macroniste et LR et de ne formuler aucune critique vis-à-vis du pouvoir en place, chapeau.

    Il faut dire, cher Philippe Val, que critiquer l’exécutif n’est pas vraiment votre truc, ou alors très ponctuellement et toujours avec légèreté, attaquant la forme et rarement le fond, comme lorsque vous expliquiez, en pleine mobilisation contre la « réforme » des retraites, à propos d’Emmanuel Macron, que « certes on peut contester sa réforme, on peut aussi lui reprocher son manque de pédagogie, on peut regretter que dans cette période, où le tragique fait son retour, il n’adopte pas une posture plus churchillienne en faisant le pari de s’adresser à la part intelligente et courageuse du pays », tant pis pour les stupides et lâches opposants. Et vous n’oubliez évidemment pas de sortir la boîte à cirage de temps en temps, ça ne fait jamais de mal, comme lorsque vous proclamiez, toujours sur Europe 1, quelques semaines plus tard, attention c’est violent : « J’avoue que je ne déteste pas notre plombier en chef Emmanuel Macron. Je pense qu’il est très intelligent, et qu’à sa manière il veut sincèrement la réussite de la France et des Français ». Bien envoyé.

    Par souci de rigueur et d’honnêteté, nous devons toutefois signaler que vous avez récemment rompu avec cette bienveillance vis-à-vis du chef de l’État, sortant littéralement de vos gonds suite à l’une de ses déclarations, et n’hésitant pas à aller jusqu’à affirmer que vous aviez « honte d’être français », c’est dire. Il faut reconnaître qu’Emmanuel Macron était allé loin, très loin, en ce funeste jour d’octobre 2024, puisqu’il s’était permis de critiquer l’État d’Israël, quelle hérésie, et d’affirmer que ce dernier ne devait pas « s’affranchir des décisions de l’ONU », ce qui semble être la moindre des choses, soulignant que ledit État avait lui-même été créé suite à une résolution des Nations unies adoptée en novembre 1947, ce qui n’est pas complètement faux. Mais il n’en fallait pas plus pour que vous poussiez ce cri du cœur à l’antenne d’Europe 1 : « J’ai envie de dire aux Israéliens je suis désolé n’allez pas croire que tous les Français partagent l’opinion du Président qui nous représente, faites-nous confiance ». C’est beau.

    Il faut dire que vous vous êtes fait une spécialité de défendre, inconditionnellement, l’État d’Israël, alors même qu’il mène une guerre génocidaire à Gaza, au point que cela en devienne une véritable obsession dans vos chroniques, ce qui vous a conduit depuis le mois d’octobre 2023 à multiplier les absurdités et les abjections, tellement nombreuses que l’on ne pourra en proposer ici qu’un florilège, en nous abstenant, par charité, de tout commentaire :

    - « Le Hamas entasse ses propres populations civiles entre lui et l’armée israélienne. » (1)

    - « Que l’on aime ou que l’on déteste le Premier ministre israélien [Netanyahou], son inculpation, en mettant dos-à-dos Israël et le Hamas, sonne le glas de toutes les institutions multilatérales, désormais noyautées par des ONG favorables aux assassins. » (2)

    - « En-dehors des dictateurs arabes il n’y a que les gauches pro-palestiniennes occidentales pour croire encore que l’antisémitisme est l’avenir des peuples opprimés. » (3)

    - « Il [un intervenant lors d’une manifestation en défense de Gaza] a appelé à l’Intifada dans Paris, c’est-à-dire qu’il a appelé à faire la chasse aux Juifs dans Paris, en banlieue et à Marseille, afin de les massacrer à coups de pierre. » (4)

    - « Le projet le plus fort du Nouveau Front populaire est la reconnaissance d’un État palestinien cool régi par une charia sympa. » (5)

    - « Qu’est-ce qu’Israël en a à foutre de la bataille de la communication ? La mort n’a pas besoin d’attaché de presse. On en demande trop à Israël. On lui demande de vivre sous la menace d’un antisémitisme déchaîné et d’une barbarie sans limite mais d’avoir une bonne image, de prendre la bonne pause sous la bonne lumière et de faire le bon sourire. Ne serait-ce pas justement parce qu’il s’agit de Juifs qu’on juge que leur image est mauvaise ? » (6)

    Etc.

    Absurdités et abjections qui ne se limitent pas, comme on pouvait s’en douter au vu de votre trajectoire depuis les années 1970, nous y reviendrons, à ce qui concerne la situation en Israël/Palestine. Curieux de savoir ce que vous éditorialisiez sur les autres sujets, nous nous sommes infligé deux ans de vos chroniques sur Europe 1, où vous avez le noble et enviable statut de « signature » de la station, ça claque, partagé, entre autres, attention les yeux, avec Gaspard Proust (celui qui anime des meetings pour Valeurs actuelles), Yann Moix (celui qui anime des meetings pour Valeurs actuelles), Yann Moix (celui vous exposez toute l’étendue de votre pensée, et finissant par atterrir sur Europe 1 au moment même de sa reprise en main brutale par Vincent Bolloré et de la vague de départ des journalistes de la station, bien vu, passant ainsi, en trois décennies, du café-théâtre aux studios bolloréens comme d’autres passèrent avant vous du col Mao au Rotary, en vous convertissant, visiblement sans avoir à vous forcer, à un néoconservatisme aux tendances réactionnaires les plus viles, un bien beau parcours (24).

    Cher Philippe Val, nous ne pouvons résister à l’envie, pour conclure cette missive, de citer l’une de vos chansons (25), dans laquelle vous dépeigniez, en 1978, votre monde idéal, affirmant « [qu’]il n’y a que l'utopie qui allume l’horizon » et que « rien n'est plus poétique que l’autogestion », c’est vrai, et vous adressant également, au passage, sans le savoir, un message :

    « Il n’y aura plus de conneries à la radio

    Rien que des idées rien que du nouveau

    Connaissance et plaisir seront mêlés

    Y’a des speakers qui devront changer de métier. »

    On ne saurait mieux dire, et il est en effet grand temps de changer de métier, cher Philippe Val, si l’on peut toutefois considérer comme un métier le fait d’être payé à vomir sa rancœur, son aigreur et sa haine sur les antennes d’une radio d’extrême droite ayant mené campagne pour le RN, à visage découvert, lors des dernières élections législatives. Au vu de votre trajectoire, nous ne doutons pas que vous avez de grandes capacités de reconversion et d’adaptation, et que vous êtes dès lors largement en mesure de cesser de salir le métier de journaliste, de passer à une nouvelle étape de votre vie et, par la même occasion, de disparaître, une bonne fois pour toutes, des nôtres.

    Cordialement

    Jules Blaster

    (1) À 4’15 environ.

    (2) À 3’ environ.

    (3) À 4’50 environ.

    (4) À 1’45 environ.

    (5) À 2’55 environ.

    (6) À 1’10 environ.

    (7) À 2’15 environ.

    (8) À 3’25 environ.

    (9) À 3’55 environ.

    (10) À 2’ environ.

    (11) À 3’30 environ.

    (12) À 3’15 environ.

    (13) À 0’40 environ.

    (14) À 4’45 environ.

    (15) À 3’05 environ.

    (16) À 3’20 environ.

    (17) « On s'en branle » (1992).

    (18) « Émigré » (1984).

    (19) « Il sont partis » (1982).

    (20) « Voilà » (1984).

    (21) « Il sont partis » (1982).

    (22) Cité par Mona Chollet dans les Éditocrates (la Découverte, 2009).

    (23) Idem.

    (24) On pourra se référer, pour plus de détails sur les 20 premières années de cette trajectoire hors du commun, au chapitre de Mona Chollet déjà cité, au livre de Sébastien Fontenelle Même pas drôle (Libertalia, 2010), ainsi qu’à la rubrique qui vous est consacrée sur le site d’Acrimed.

    (25) « L’autogestion » (1978).