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    Le géant chinois, prisonnier du chaos capitaliste

    Chine

    Lien publiée le 1 février 2025

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://lanticapitaliste.org/arguments/le-geant-chinois-prisonnier-du-chaos-capitaliste

    Le régime chinois n’a jamais été aussi opaque qu’aujourd’hui. Nous vivons un moment d’incertitude, ne sachant pas encore comment Donald Trump va abattre ses cartes concernant la Chine. Entre crise climatique et démondialisation chaotique, nous vivons des temps sans précédent. Tentons néanmoins un décryptage, sans chercher à lever les points d’interrogation, avec Pierre Rousset.

    Crise et particularité du capitalisme chinois

    Selon les chiffres officiels publiés le 17 janvier, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine aurait crû de 5 % en 2024 et l’objectif assigné par Xi Jinping aurait été atteint, comme (presque ?) toujours.

    En décembre pourtant, des économistes chinois « de poids » avaient émis de sérieux doutes à ce sujet, dont Gao Shanwen qui estimait la croissance à environ 2 % seulement — avant de se voir sévèrement sanctionné. En fait, depuis la crise du Covid-19, les mesures de relance n’ont pas permis le rétablissement de la consommation. Le pays traverse une crise de surproduction. Le décalage entre une faible demande intérieure et une hausse marquée des exportations s’accroit encore.

    Mutation capitaliste grippée

    Deuxième puissance économique mondiale, la Chine est devenue une composante majeure de l’ordre capitaliste international, mais sa formation sociale reste très complexe, marquée par une histoire spécifique. Comme le soulignent mon ami Au Loong-yu ou Romaric Godin dans Mediapart du 24 septembre, il faut prendre en compte les caractéristiques propres du capitalisme chinois pour comprendre comment le pays est aujourd’hui confronté à des impasses qui sont celles des pays occidentaux avancés (surcapacité industrielle, épuisement de la financiarisation, limites de la croissance technologique pour reprendre les termes de Godin), alors qu’elle n’a pas achevé sa mutation, engagée par Deng Xiaoping après l’écrasement du mouvement ouvrier, étudiant et populaire en 1986.

    L’achèvement de cette mutation capitaliste est grippé par le poids à tous les échelons de l’appareil bureaucratique, par la corruption systémique et par les modifications du pouvoir introduites par Xi Jinping quand il a décidé de devenir président à vie : marginalisation accrue des structures gouvernementales et fin de la collégialité dans les directions du PCC au profit de sa seule fraction. La collégialité constituait un gage de continuité et un garde-fou. La grande différence entre le processus de la pleine réintégration de la Russie et de la Chine dans le marché mondial, c’est qu’à Pékin, il y avait un pilote efficace dans l’avion. Ce succès est avant tout celui des trois prédécesseurs de Xi, plutôt que celui de ce dernier.

    Dettes, corruption et marasme

    L’éclatement de la « bulle immobilière », avec la faillite du géant Evergrande en 2021, illustre la place des liens, souvent familiaux, entre le public et le privé dans le système capitaliste chinois. Si cette crise a pris une telle ampleur, c’est qu’à chaque échelon il y a eu collusion entre bureaucrates au pouvoir et leurs proches dans le secteur privé pour multiplier les investissements, sources de profits légaux et illégaux. Ses conséquences sont profondes en raison du poids des dettes accumulées, mais aussi des conséquences sociales. Xi Jinping se refuse à déployer une politique de protection sociale. Pour préparer leur retraite et prévoir leurs dépenses de santé (payante), de nombreux Chinois modestes ont acheté sur plan des appartements qui n’ont jamais été construits ou se sont logéEs dans des villes restées largement fantômes. 

    Les parents craignent aujourd’hui que leurs enfants vivent plus mal qu’eux. Le chômage des jeunes est très élevé et les diplômes n’assurent plus l’accès à un emploi décent. La population s’appauvrit et doit épargner face à un avenir très incertain. Harold Thibault, dans un reportage du Monde publié le 9 janvier, décrit les commerces et restaurants désertés par les « déclassés de la consommation ». Xi Jinping exhorte la population à faire preuve de résilience avant que l’économie ne se redresse, mais les entreprises sont soumises à une concurrence féroce qui les amène à rogner sur tout.

    La volonté de pouvoir absolue rend paranoïaque. Xi Jinping incarcère des hommes d’affaires, « discipline » la finance, purge de façon répétée l’appareil du parti, l’état-major de l’armée, les services secrets… La Chine reste un marché qui ne peut être ignoré, mais y investir est devenu un jeu risqué, plongeant dans la perplexité le capital international. On peut parler d’une véritable crise de régime aux soubresauts imprévisibles.

    Démondialisation de crise

    La mondialisation heureuse (pour le Capital) appartient à un passé déjà lointain. La crise de la démondialisation lui a succédé, ouvrant un espace aux conflits géopolitiques entre États et à des replis protectionnistes partiels.

    Cependant, on ne se libère pas facilement des interdépendances tissées par la formation d’un marché mondial unique et l’internationalisation des chaînes de production. Elles sont toujours vivaces, alors que d’autres enjeux s’invitent à l’attention des gouvernants, comme les guerres et le réchauffement climatique.

    Rapport de forces avec les USA

    Les premiers signaux envoyés par Donald Trump sont ambivalents. Il a nommé à des postes clés de farouches opposants à Pékin, mais a suspendu l’interdiction de TikTok. Et que penser de la place de « président bis » que semble occuper Elon Musk, ce grand investisseur et soutien de Xi qui a proposé un plan de règlement de la question taïwanaise au profit de Pékin (l’homme le plus riche du monde s’accorde tous les droits d’ingérence) ? Xi Jinping doit avoir bien du mal à prévoir si un deal sera souhaitable et possible avec Trump – pour une fois on le comprend. Est-ce un signe si sa politique reste très prudente sur le front des monnaies ? Les temps étaient mûrs pour renforcer le rôle international du yuan, il n’en profite pas pour l’heure. Le bras de fer technologique et commercial entre les deux puissances est engagé, il pourrait aboutir à l’imposition au monde d’un duopole sino-étatsunien ou, inversement, à des affrontements armés.

    Les États-Unis restent dominants sur le plan militaire, ainsi que pour les semi-conducteurs de pointe. Ils exigent que le champion néerlandais des puces d’intelligence artificielle, Nvidia, renonce à livrer ses produits haut de gamme à la Chine. En dépit de subventions massives à la recherche, les entreprises chinoises semblent incapables de combler leur retard en ce domaine crucial. Du coup, Pékin menace de bloquer l’exportation vers les États-Unis de plusieurs métaux essentiels à la production des semi-conducteurs (gallium, germanium…). Vous avez dit interdépendance ?

    Entre l’Europe de l’Ouest et Poutine

    L’influence chinoise s’étend notablement de l’Afrique à l’Amérique latine, mais cela ne saurait remplacer les liens avec les pays capitalistes développés. Or, l’accès aux États-Unis devrait se restreindre. En conséquence, Xi Jinping pourrait se tourner vers l’Europe de l’Ouest, l’Australie, la Corée du Sud — mais il y a la guerre en Ukraine de son copain Poutine, allié à la Corée du Nord ! Est-ce le moment de sacrifier cette amitié indéfectible ? Difficile alors qu’avec le réchauffement climatique, les régions polaires s’ouvrent à l’exploitation et aux communications maritimes. Pékin n’est pas un pays riverain de l’Antarctique et a besoin de Moscou pour participer au grand jeu stratégique engagé dans cette région, à l’heure où Donald Trump veut prendre possession du Groenland !

    Le sort du monde dépend pour une part de dirigeants comme Donald Trump et Xi Jinping, ce qui n’a rien de rassurant. Au chaos par en haut, opposons donc l’internationalisme par en bas.