Agenda militant

    [RSS] Compte
	Blue Sky Compte
	Mastodon Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

    Ailleurs sur le Web [RSS]

    Lire plus...

    5% du PIB pour la guerre ? Macron prépare un saut militariste, les oppositions valident le principe

    Lien publiée le 22 février 2025

    Blue Sky Facebook

    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    5% du PIB pour la guerre ? Macron prépare un saut militariste, les oppositions valident le principe

    Alors que Trump vassalise l’Ukraine et livre à elles-mêmes les puissances européennes, Macron prépare les esprits à un saut militariste brutal. Tandis que l’opposition semble s’aligner sur l’agenda anti-ouvrier de Macron, il y a urgence à combattre sans compromis l'offensive militariste qui vient.

    5% du PIB pour la guerre ? Macron prépare un saut militariste, les oppositions valident le principe

    Alors que l’impérialisme étasunien négocie très agressivement la fin de la guerre en Ukraine et amorce le désengagement des États-Unis hors du continent européen, rejetant ainsi le poids de la guerre en Ukraine sur l’Europe, Emmanuel Macron a convié, à huis clos, ce jeudi 20 février, à l’Elysée, une douzaine de représentants des partis politiques et de groupes parlementaires, de LFI à l’extrême droite. Pendant près de quatre heures, Macron et Bayrou ont échangé autour des bouleversements géopolitiques, notamment autour du changement de positionnement des États-Unis, depuis la réélection de Trump, sur ses rapports avec la Russie et la guerre en Ukraine. L’occasion pour Macron de préparer les esprits à un tournant militariste sans précédent. Prétendant « sonner le tocsin », un signal d’alarme qui indique un danger imminent, le président a indiqué qu’il fallait « revisiter nos choix dans ce monde qui commence » : « nous sommes en guerre quelque part ».

    Préparer résolument les esprits à un saut militariste

    Si Macron agite la « menace que représente la Russie pour l’Europe et pour la France », le « réveil stratégique » prôné par le président témoigne tout autant de l’inquiétude des classes dominantes françaises face au désengagement des États-Unis et au déclin de leur propre impérialisme. Cherchant à se positionner comme « chef de guerre », Macron défend ainsi « un plan de défense massif et des investissements massifs en Europe et prendre ces décisions stratégiques-là ». Alors que la Loi de Programmation Militaire (LPM), votée au lendemain de la réforme des retraites, allouait 413,3 milliards d’euros sur sept ans à la défense, soit 50,5 milliards dans le budget 2025, Macron envisage de dépasser les objectifs de l’OTAN et d’aller bien au-delà des 2% du PIB.

    Comme il l’indiquait hier, « tous les pays qui sont aux avant-postes dépensent 4 ou 5% de leur produit intérieur brut, quand nous, nous sommes à 2%. Nous étions à de tels chiffres dans les années 1960-1970 et dans les années 1980. Puis il y a eu la chute du Mur et on a beaucoup moins investi sur notre défense. C’est fini, nous allons devoir réinvestir ». Si Macron n’a pas indiqué quel pourcentage lui semblait opportun, il a avancé à titre d’indicateur le chiffre record de « 5% », soit près de 150 milliards d’euros, trois fois plus que les dépenses militaires dans le budget 2025 : « Je ne sais pas si 5% c’est le bon chiffre pour la France, mais en tout cas, il va falloir monter ».

    Pour financer un tel plan de réarmement, dont l’ampleur reste à déterminer, il faudra des sommes colossales. Sans surprise, les premières hypothèses du président préparent le pire pour les travailleurs. Annonçant son intention de « revisiter nos choix budgétaires et nos priorités nationales », le chef de l’État laisse craindre une vague de coupes budgétaires dans l’école, la santé, la culture et les services publics, sans commune mesure avec le budget Barnier-Bayrou. Le président a également émis l’hypothèse de mettre les travailleurs et les classes populaires à contribution.

    Mais en dépit de son ton martial, les modalités du plan de Macron sont particulièrement floues : le président a ainsi développé l’idée de « lancer des produits d’épargne » et de « faire appel à la nation pour financer certains programmes de défense », jugeant que « chacun d’entre nous doit se demander ce qu’il peut faire pour la nation française et la République ». Alors que l’idée d’utiliser l’épargne populaire au service de l’industrie de guerre avait été enterrée à plusieurs reprises, son retour au premier plan vise à préparer les esprits : « on rentre dans une époque où chacun d’entre nous doit se demander ce qu’il peut faire pour la nation française et la République », a pointé en ce sens Macron.

    Un saut potentiel qui s’inscrit dans la continuité des projets de militarisations européens, qu’a également évoqués Macron. Prévoyant d’investir plus de 800 milliards d’euros dans les industries stratégiques européennes, la Commission Européenne tente d’ores et déjà de mettre en œuvre un plan d’investissement de 500 milliards, levant les conditions restrictives pour l’endettement en créant une « clause de sauvegarde nationale » qui permet aux États de s’affranchir de la règle des 3%. Une clause qui permettrait de financer par la dette le budget militaire total de la France, renforcé en outre par les subventions européennes. Une manne pour l’industrie militaire, très étroitement liée au régime.

    Vers la militarisation sociale et l’enrôlement de la jeunesse

    Au-delà de l’augmentation des budgets militaires, Macron aurait également indiqué son intention de déployer, avec la Grande-Bretagne, des forces terrestres en Ukraine. S’il s’est défendu de vouloir « envoyer des combattants en Ukraine » sur la ligne de front, il n’exclut pas d’envoyer « des forces » « dans un cadre planifié avec nos alliés » qui, une fois la paix négociée, pourraient contribuer à garantir la sécurité de l’Ukraine ».

    Alors que les Européens tentent de peser dans les négociations au sujet de l’Ukraine, pour mettre la main sur les métaux stratégiques et les ressources minières que Trump veut accaparer, Macron et Starmer ont en effet proposé à Zelensky de mettre en place une « force d’apaisement » : « Ce qu’on envisage plutôt, c’est d’envoyer des forces pour garantir la paix, une fois qu’elle sera négociée ». Comme le confirme The Guardian et le Monde, il s’agit de déployer 30 000 hommes sur le sol ukrainien, à proximité de la frontière, appuyés par un important dispositif aérien, sous l’égide des Britanniques.

    Si cette force serait tout à fait insuffisante pour remplir un tel objectif, comme l’analysait Emma Ashford pour Foreign Affairs, qui juge que la sécurisation des 500 km de lignes de front exigerait plutôt entre 40 000 et 400 000 hommes. Un effort pour les armées européennes, sous-financées depuis la fin de la Guerre froide. Si pour l’heure, Macron écarte pour le moment le retour du service militaire pour augmenter les effectifs de l’armée, Macron a indiqué, dans un message lourd de menaces pour la jeunesse, « qu’il allait falloir inventer quelque chose collectivement qui fasse consensus dans la nation, mais qui permette à notre jeunesse, à toute la nation d’être plus résistante face à ces menaces ».

    Macron prépare ainsi les esprits à l’enrégimentement de la jeunesse et des travailleurs. Une « militarisation à destination intérieure », pour reprendre la formule de Karl Liebknecht, qui présage d’un durcissement des conditions de travail, pour obtenir des marchés financiers la possibilité de s’endetter encore davantage et financer la hausse des dépenses. Une offensive qui ne manquera pas d’attiser les attaques islamophobes, contre les travailleurs internationaux et illégalisés et les attaques patriarcales et transphobes, terreau de l’élévation brutale du niveau d’agressivité sociale, que les capitalistes français entendent ensuite diriger contre leurs bourgeoisies rivales.

    Les oppositions politiques, LFI compris, d’accord sur le principe d’un saut militariste

    Jeudi 20 février, avant de développer en direct sur les réseaux sociaux son agenda militariste, Macron avait tenu à réunir l’ensemble des partis politiques qui n’ont exprimé presqu’aucune objection au sujet des déclarations du président.

    Du côté de LFI, la direction s’est enthousiasmée au sujet du « non-alignement » de la France sur l’OTAN, prôné par Macron, une pierre angulaire du projet de Mélenchon, qui rêve de doter la France d’une autonomie plus forte à l’égard de l’impérialisme étasunien. Manuel Bompard s’est ainsi dit « satisfait », tout en jugeant que le président avait « mis le pays dans une situation d’impuissance : la France apparaît comme une puissance périphérique, qui ne joue pas de rôle dans les négociations qui sont en cours ». Pour redonner à la France sa « place dans le concert des nations », les députés LFI avaient déjà soutenu une augmentation massive des dépenses militaires, jugeant la LPM des macronistes insuffisante.

    Du côté des autres composantes de feu le NFP, les Écologistes se sont empressés de soutenir le plan de militarisation européen et loué la « solution européenne » du président. Le PS, par la voix d’Olivier Faure, s’est également aligné sur le président : « Nous prenons nos responsabilités en ne venant pas jouer sur le théâtre de la politique intérieure et chercher à affaiblir un chef de l’État qui n’a pas besoin de cela. Au contraire, je pense que dans un moment comme celui-là, il faut que sa parole puisse porter ». Un gage au régime, affaibli par la crise budgétaire, et une validation a priori des mesures militaristes de Macron.

    Une union sacrée également mimée par les Républicains. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, a ainsi noté que « l’heure n’est pas au populisme et à la surenchère, l’heure est au discours de vérité. Nous avons besoin d’un consensus national sur ces enjeux internationaux ». Quant à l’extrême droite, elle s’est tenue relativement en retrait de la réunion, moins par hostilité pour la hausse des dépenses militaires que par indécision au sujet de la position qu’elle devait adopter à l’égard de Trump. Malgré des nuances tactiques, un « consensus » entoure donc le principe d’un tournant militariste de Macron.

    Face à l’offensive du gouvernement, Il y a urgence à faire front contre le saut militariste qui vient. La gravité de la situation et les effets dévastateurs que la militarisation accélérée de la France aurait sur nos salaires, nos droits, nos emplois et notre vie. Déferlante austéritaire, compression des salaires, protectionnisme et dévaluation compétitive, offensive tous azimuts contre les travailleurs migrants, les femmes, attaques transphobes en cascade, enrôlement de la jeunesse et mobilisation militaire.

    Macron nous promet effectivement un « monde nouveau » : un monde de guerres et de crises au sein duquel nous devrions prendre parti pour nos élites nationales au nom de la grandeur de notre nation. Une illusion réactionnaire qu’il faudra combattre inlassablement. Nous n’avons pas à payer le prix du réarmement de nos classes dominantes, ni à nous battre pour ceux qui, à coup de 49-3, détruisent nos retraites, dégradent nos hôpitaux, vandalisent nos écoles, répriment toute opposition, et nous font payer le prix des crises qu’ils causent eux-mêmes.

    À rebours des illusions nationalistes que sèment la France Insoumise et toutes les autres composantes du champ politique français, il convient de rappeler inlassablement que notre principal ennemi ne se trouve pas au seuil de notre frontière, mais bien chez nous : dans les palais de la Vème République, cette constitution ultra-réactionnaire, créée pour servir les intérêts des grands capitalistes français et assurer lier l’appareil militaire aux intérêts du capital, dans les sièges des grands entreprises et des banques et dans les bureaux de direction des usines.