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"L’espoir est devenu un luxe aujourd’hui à Gaza" : le témoignage de Ziad Medhoukh, professeur à Gaza
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ziad Medhoukh est écrivain, professeur de français à l’université à Gaza et à l’université Al-Aqsa (toutes deux détruites) depuis des années. Après des études en France et en Belgique, il est toujours resté sa ville de Gaza, jusqu’au début de l’attaque israélienne, au lendemain du massacre du 7 octobre 2023, commis par le Hamas en Israël. Déplacé avec sa famille plusieurs fois, il nous a raconté un quotidien dans lequel il tente de survivre, dans un contexte de violence extrême et de famine.
Ziad Medhoukh, comment peut-on aujourd’hui vivre à Gaza ?
Depuis le 7 octobre, il y a beaucoup de changements dans la vie quotidienne de tous les Palestiniens. Personnellement, j’habitais à l’ouest de la ville de Gaza, dans un quartier résidentiel. Mais le 2 décembre 2023, l’occupation a détruit mon immeuble, et j’ai perdu mon frère, ma belle-sœur et ses cinq neveux nièces.
Et, depuis la destruction de ma maison, j’ai été en déplacement forcé à cinq reprises. Ce n’est qu’au mois de juillet 2024 que je me suis installé dans un quartier à l’est de la ville de Gaza, avec sept autres familles. Nous habitons en partageant un immeuble encore debout.
C’est le cas de tous les Palestiniens, parce que tout le monde a perdu la maison. Donc on partage le lieu d’habitation dans des conditions humanitaires très difficiles, avec des bombardements intensifs, l’angoisse, l’inquiétude, l’attente, donc l’insécurité.
C’est un quotidien très difficile car, en dehors des bombardements, on se lève toujours tôt le matin pour chercher de l’eau potable, puis de la nourriture, puis du bois pour le feu, et puis un lieu pour charger nos téléphones portables dans des lieux où il y a des panneaux solaires.
Donc le quotidien est très difficile, et s’ajoutent les bombardements intensifs, la pénurie du tout et actuellement la famine, notamment dans le nord de la bande de Gaza.
Est-ce que le début des largages d’aide humanitaire a un peu changé la situation ?
Pour que ce soit clair, le largage est une solution idiote et inutile. Pour la simple raison que depuis une semaine, depuis qu’il y a les Émirats arabes, la Jordanie, l’Égypte, la France, l’Espagne et l’Italie (et ce dimanche la Belgique, ndlr), chaque jour 50 colis alimentaires sont largués.
Le problème, c’est que 30 colis tombent dans la mer et les denrées alimentaires sont abîmées. La farine, le riz qui tombent dans la mer s’abîment.
Après, il y a 10 colis qui tombent sur les toits des maisons ; il y a eu 25 blessés depuis une semaine. Ou alors ils tombent dans une maison occupée par l’occupation, et les gens ne peuvent pas s’en approcher.
Donc, c’est inutile. Aucun Palestinien n’a vraiment bénéficié de cette aide. La seule solution, c’est de faire la pression pour que l’occupation ouvre les passages.

Il y a des stocks, il y a une quantité énorme de produits alimentaires à la frontière. Cette quantité suffit pour toute la population de Gaza pendant trois mois. Or, l’occupation a refusé l’entrée. Si vous voulez aider une population, il faut passer par la porte, pas par la fenêtre. Et donc, c’est pour cela, à mon avis, le largage, ce n’est pas une solution correcte. C’est une solution provisoire, elle est inefficace, malheureusement.
La seule solution, c’est mettre la pression sur l’occupation pour qu’on ouvre le passage et acheminer l’aide humanitaire dans les dépôts des Nations Unies et des organisations internationales qui vont distribuer en toute dignité, comme on a fait pendant la trêve à tous les Palestiniens de Gaza.
Et pratiquement, comment trouve-t-on de la nourriture ?
Le problème, c’est que dans le nord de la Bande de Gaza, il n’y a rien qui passe. Il y a des camions, 15 à 20 camions qui passent dans le sud et le centre de la Bande de Gaza.
L’occupation a créé deux centres de distribution gratuite de nourriture au centre et au sud, mais pas dans la ville de Gaza. Il y a des commerçants de guerre, qui vont récupérer la nourriture gratuite et qui la revendent très très cher. Par exemple, ils récupèrent un sac de farine de 25 kg à 100 $ et ils le vendent à 500$ ici à Gaza. C’est un prix impensable.
Donc, pour nourrir nos enfants, on essaie un peu de s’adapter. Ça veut dire qu’au lieu de manger trois repas, on mange un repas très modeste composé de riz, de pâtes ou de boîtes de conserve. Et quelquefois, on reste trois, quatre jours sans pain.

Le matin, il y a des citernes d’eau potable, des citernes qui passent dans les quartiers. Donc, chaque foyer a le droit de 18 litres tous les deux jours, qu’on achète en jerrican très cher. Et dans chaque foyer, 18 à 20 litres qu’on achète à 4 euros. Auparavant, 1000 litres, c’était 3 euros. C’est cher car les puits d’eau sont détruits par l’occupation. Et sans oublier qu’il n’y a pas de fioul, il n’y a pas de carburant pour faire fonctionner les désalinisateurs.
L’eau potable le matin, c’est un enfer pour nous. Après, c’est chercher la nourriture. Quelquefois, on revient sans rien. Donc voilà, on essaie de s’adapter, mais c’est difficile.

Et les enfants et les étudiants, comment se passe leur éducation ?
Malheureusement, les deux universités sont détruites.
On peut dire que 85% des écoles ont été détruites totalement ou partiellement.
Donc, entre octobre 2023 et octobre 2024, une année universitaire et scolaire a été perdue à cause des bombardements, des déplacements forcés, les coupures d’Internet et d’électricité.
Par contre, en octobre 2024, des intellectuels, des professeurs, des gens de la société civile ont décidé de reprendre les cours. Pour les élèves, les cours sont organisés dans ce qu’on appelle maintenant les centres éducatifs : des professeurs qui louent des appartements ou des lieux pour les cours.
Pour les universités, les cours se font virtuellement depuis octobre 2024. Je donne personnellement des cours virtuellement pour les étudiants, dans des situations très difficiles parce qu’il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’internet pour beaucoup d’étudiants. Mais on essaie de s’adapter.
Donc, on peut dire que 85% des étudiants aujourd’hui suivent des cours virtuellement et 80% fréquentent les centres éducatifs pour suivre leur scolarité. Et donc, voilà, on a pu sauver une deuxième année scolaire.
C’est simple, il n’y a ni gouvernement, ni autorité. Il y a des bénévoles, les services municipaux, les médecins… Il n’y a pas d’hôpitaux, il y a des centres médicaux et des cliniques gérées par des bénévoles, des médecins, des infirmiers, de l’équipe médicale. Les gens se débrouillent. Mais surtout, personne ne contrôle les marchés et les prix.

Votre famille en particulier, comment va-t-elle ?
Comme pour toutes les familles palestiniennes de Gaza. C’est la souffrance au quotidien. Mais nous ne sommes pas dans une tente, et ça, c’est bien parce que les conditions y sont très inhumaines.
Mais habiter avec d’autres familles, c’est très difficile parce que vous êtes obligés à partager l’eau, les repas... Mais au moins, vous avez un abri, c’est le principal.
Ce qui m’inquiète personnellement, c’est la famine. J’ai vécu beaucoup de guerres, des agressions, des offensives. Je n’ai jamais vu une agression horrible comme celle-ci, surtout au niveau de la famine. Parce que les bombes, la destruction, la mort, ça, on a l’habitude. Les offensives précédentes, ça durait une semaine, deux semaines, deux mois, trois mois maximum. Mais cette fois-ci, ça dure depuis 22 mois.
Auparavant, il y avait une solidarité familiale et sociale très forte, mais maintenant, elle est minimale parce qu’on n’a rien pour donner. Auparavant, on peut ouvrir nos portes aux gens, on peut leur offrir des repas, des couvertures, de l’eau. Aujourd’hui, on n’a rien nous-mêmes.
Qu’espérez-vous pour les jours et les semaines qui viennent ?
Je suis personnellement toujours optimiste. J’essaie de garder l’espoir, même si c’est difficile, même si l’espoir est devenu un luxe aujourd’hui à Gaza. Je pense qu’il y a trois éléments très importants.
C’est la mobilisation internationale à travers les manifestations, les rassemblements. Au niveau des politiques, il y a beaucoup d’évolutions ... mais seulement dans les discours, pas dans les actes. Dénoncer l’occupation, dénoncer la famine, reconnaître l’État de Palestine… Mais dans les actes, il n’y a rien. Les Palestiniens de Gaza attendent du concret : l’ouverture des passages, la fin de l’agression, une trêve ou un accord de cessez-le-feu.
Les espérances des Palestiniens aujourd’hui, ce sont l’entrée de l’aide humanitaire. C’est ce que les Palestiniens cherchent aujourd’hui, et une vie normale ; parce qu’après 22 mois de souffrance totale, les Palestiniens ont le droit de vivre au moins une vie digne, une vie normale.




