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Morts libyennes, silence médiatique

Lien publiée le 21 août 2011

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.acrimed.org/article3655.html

Nous publions, sous forme de tribune [1], un article paru le 18 août sur le site de « Fairness & Accuracy in Reporting » (FAIR) (Acrimed).

Les médias dominants ont souvent profité des allégations libyennes de victimes civiles des bombardements de l’OTAN pour tourner en dérision la vaine propagande du régime de Kadhafi [2].

Mais les nouvelles allégations dramatiques selon lesquelles de dizaines de civils ont été tués à Majer par des frappes de l’OTAN le 8 août ont été suivies d’un silence quasi total des médias.

Selon des officiels libyens 85 civils ont été tués à Majer qui est une ville au sud de Zliten, un endroit où il y a fréquemment des heurts et des frappes de l’OTAN. Il n’y a aucune raison pour laquelle les journalistes devraient croire cette affirmation. Mais les rapports convergent pour dire que quelque chose de grave s’est passé là. Selon l’agence France Presse (09/08/2011), « des reporters sont allés aux funérailles des victimes et ont vu 28 corps enterrés dans le cimetière local... Et 30 corps leur ont été montrés à la morgue de l’hôpital - dont deux enfants et une femme - ainsi que d’autres corps complètement déchiquetés ».

Le rapport de l’AFP incluait les dénégations de l’OTAN dont un porte-parole affirmait que la cible « était une cible militaire facilement identifiable ».

Un correspondant de Reuters (09/08/2011) « a compté 20 corps dans leur linceuls dans une pièce, certains étant posés les uns sur les autres... Au total, les reporters ont vu environ 30 corps à l’hôpital de Zlitan. » Le New York Times (10/08/2011) a publié un article de 170 mots à partir de la dépêche de Reuters qui disait : « On n’a pas trouvé d’armes dans les fermes, mais il n’y avait pas de corps non plus. Ni de sang ».

Amnesty International a réclamé une investigation dont le présentateur de CNN John King a parlé en ces termes (11/08/2011) : « Amnesty International a demandé à l’OTAN de faire une enquête pour déterminer si la frappe du lundi sur les forces de Mouammar Kadhafi avaient tué 85 civils libyens dont 33 enfants. L’OTAN a répondu qu’ils n’avaient aucune preuve à ce stade qu’il y ait eu des morts. »

Une recherche dans la base de données de Nexis fournit peu d’information en dehors de ce bref commentaire. Mais ce n’est pas parce que aucun reporter n’était présent. Le correspondant de CNN, Ivan Watson, a couvert des funérailles collectives après les frappes. Mais on ne trouve son compte-rendu que sur CNN International (10/08/2011). Watson y explique qu’il est allé voir « 3 ou 4 maisons qui ont été démolies par des sortes de missiles provenant du ciel. »

Il ajoute : « On nous a aussi montré une morgue où se trouvaient les corps d’au moins 25 personnes. La plupart semblaient être des hommes. Il y avait aussi quelques corps de femmes et d’enfants. »

Watson [3] dit aussi qu’il était « impossible de là où nous étions d’être sûrs que 85 personnes avaient été tuées mais il semble qu’au moins quelques femmes et enfants étaient au nombre des personnes tuées pendant la frappe mortelle. »

Le reportage de Watson sur CNN.com (10/08/11) incluait un interview avec un Libyen qui affirmait que 9 membres de sa famille, dont sa fille de deux ans, avait été tués dans l’attaque. Watson a aussi interviewé un homme qui enterrait sa fille.

Il est curieux que le reportage de Watson ait été diffusé aux téléspectateurs internationaux de CNN mais pas à ses téléspectateurs de l’intérieur du pays.

Mais Watson était apparu sur CNN quelques jour plus tôt alors qu’il était sur la scène d’une autre frappe de l’OTAN à Zliten. Le but de ce reportage (05/08/2011) était se suggérer que les affirmations officielles de morts civiles étaient douteuses. Dans ce reportage, Watson disait que lors d’une visite dans une école de droit qui avait été attaquée par l’OTAN, il avait trouvé « ce qui semble être les uniformes d’ici, des pantalons d’uniforme vert olive. Et puis nous avons vu des boîtes qui semblent bien avoir contenu des munitions. »

Les reportages qui visent à discréditer les affirmations libyennes concernant les victimes civiles ont été une constante de la guerre jusqu’ici —comme le prouve des titres comme « Le gouvernement libyen est incapable d’apporter la preuve que l’OTAN ait fait des victimes civiles » (Washington Post, 06/06/2011). Et « La Libye fait tourner sa machine de propagande » (New York Times, 07/06/2011).

Est-ce que les médias ignorent Majer parce qu’il ne s’agit que d’une tentative maladroite de propagande libyenne de plus ? Ou est-ce parce que cet événement pourrait entrer en conflit avec le message officiel selon lequel les civils libyens ne meurent pas dans les frappes de l’OTAN ? Quoi qu’il en soit, les médias dominants qui ont montré tant de zèle à démythifier les affirmations libyennes de victimes civiles devraient enquêter sur ce qui est arrivé à Majer. Sur le site web de la BBC, le reporter Matthew Price a publié un article « Qu’est-il vraiment arrivé à Zliten ? » (11/08/2011), qui témoigne d’un telle préoccupation. Il devrait y en avoir davantage.

Traduction : Dominique Muselet

Original consultable sur le site de Fair.

Notes

[1] Les articles publiés sous forme de « tribune » n’engagent pas collectivement l’Association Acrimed, mais seulement leurs auteurs.

[2] Fair, 09/06/11.

[3] Reportage de Watson sur CNN international.