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A Paris, les dirigeants communistes mettent de côté le Front de gauche

Lien publiée le 10 octobre 2013

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) En attendant le vote des militants du 17 au 19 octobre prochain, la direction du PCF a exprimé jeudi son choix clair en faveur d’une liste PCF/PS dès le premier tour. Le scrutin interne reste toutefois encore (un peu) incertain.

Jean-Luc Mélenchon dit de Paris qu’il est « le cratère du Front de gauche ». Il risque bien d’être aussi celui de son implosion. Ce mercredi, au siège du PCF, Place du Colonel-Fabien, la direction parisienne du PCF a dévoilé l’issue de son conseil départemental de la veille. A 67%, elle s’est prononcée en faveur d’une liste d’union avec le PS, dès le premier tour de la prochaine municipale. Une décision accompagnée d’une résolution, diffusée aux militants qui voteront in fine du 17 au 19 octobre prochain.

Retrouvez sous l'onglet “Prolonger” le matériel de vote du scrutin communiste (bulletin et argumentaires)

Il y est indiqué une volonté de franchir « une nouvelle étape de la politique municipale de gauche » à Paris, qui « suppose d’augmenter le nombre d’élus-es communistes et de Front de gauche au sein de la majorité municipale ». Or, poursuit la résolution adoptée,« l’accord stratégique et programmatique avec le PS (…) est un point d’appui devant les défis qui seront immanquablement posés à toute nouvelle majorité municipale de gauche ». Est ainsi garanti au PCF 13 conseillers de Paris et 32 conseillers d’arrondissements. Sur le fond, Anne Hidalgo s’est engagée à intégrer dans son programme l’objectif de 30% de logements sociaux à horizon 2030, la gratuité des premiers mètres cubes d’eau sous condition de ressources ou la programmation d’embauches d’employés municipaux. « Un accord de haut-niveau », dit Igor Zamichiei, secrétaire de la fédération parisienne du PCF, place du Colonel-Fabien.

En revanche, s’il est rappelé « une convergence forte » avec le reste du Front de gauche, il est reproché aux autres forces du rassemblement de l’autre gauche à Paris de « ne pas s’inscrire dans une majorité municipale » et « l’absence d’accord de répartition des places éligibles », distinguée comme « un problème majeur ». Au point d’apparaître donc comme rédhibitoire aux yeux des dirigeants communistes. « Sur le fond, nous ne sommes pas pour faire des municipales des sanctions de la politique gouvernementale, même si nous la jugeons très mauvaise. Sur les places, nous voulions une garantie minimale, notamment que nos sortants soient réélus, explique Zamichei. La discussion n’a jamais été sérieusement engagée sur ce point ». 

A ses côtés, le président du groupe Front de gauche au Conseil de Paris, Ian Brossat, évoque lui « des avancées concrètes » dans les discussions avec le PS, mais a du mal à cacher sa réserve. Très économe en parole, affichant à plusieurs reprises un sourire crispé, le chef de file des communistes parisiens a choisi de se ranger derrière le choix des militants, mais donne le sentiment de ronger son frein, lui qui a été l’un des porte-parole de la campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2012. Il se contente juste de rappeler qu’« il n’y a aucune divergence avec le reste du Front de gauche sur le programme, mais deux sujets qui font débat : la clarification du positionnement au second tour, et la composition des listes ». Et d’ajouter, façon main tendue : « Le Parti de gauche ne veut pas en parler avant le vote. Mais peut-être changera-t-il d’avis… »

Peine perdue, car le PG entend « rester attaché à ce que ce soit un vote politique et non un comparatif de marchandage de places », dit la chef de file mélenchoniste Danielle Simonnet, synthétisant une lettre ouverte déjà envoyée aux militants communistes (lire ici), avec son camarade conseiller de Paris, Alexis Corbière. Ce dernier reste lui aussi inébranlable : « Le vote des militants, c’est pour ou contre le Front de gauche à Paris. Point. La direction communiste demande toutes les places pour eux, afin que peut-être elle examine la situation d’une éventualité de faire Front de gauche. Ça n’est pas sérieux… » Simonnet enchaîne : « C’est une remise en cause de tout ce qu’on a fait et écrit ensemble auparavant. Si le PCF part à Paris avec le PS, et contre à Marseille, il sera le seul parti incohérent au niveau national… » Pour Corbière, l’accord des communistes avec le PS est en outre de « très bas niveau » : « Seulement 13 élus face à 75 socialistes, c’est une étrange idée du rapport de force, on ne rééquilibre rien du tout, on entérine une victoire totale des socialistes, alors qu’on est devant les écolos et qu’on est déjà à 10% dans les sondages et qu’on ne peut que monter. Quant au fond de l’accord, 30% de logement social dans trois mandatures, sans que l’on soit sûr que ce ne soit pas du logement intermédiaire, c’est énorme… »

A une semaine du vote des militants PCF, la partie n’est pas pour autant définitivement perdue, pour l’unité du Front de gauche. « 33% de la direction fédérale, c’est plus divisé que d’habitude, note un cadre fédéral favorable à une liste indépendante. Mais le fait que la résolution soit aussi franchement en faveur d’un accord avec le PS risque de faire pencher la balance. D’ailleurs, ça a été fait pour cela : atteindre les 60%, et pas 50/50 ». Comme le fait que le bulletin de vote indique clairement la proposition du conseil départemental, ce qui fut déjà le cas lors du vote départageant Jean-Luc Mélenchon et André Chassaigne pour la candidature présidentielle en 2011.

« On a du mal à mesurer l’impact de la consigne dirigeante, et des gentilles pressions qui vont avec, dit un militant du XVIIIe. Est-ce qu’elle sera suivie ? Ou est-ce que le ras-le-bol de se faire imposer des consignes d’en haut va s’exprimer ? »

Un vote sous influences

Comme le craignait les “pro-Front de gauche”, le secrétaire national Pierre Laurent s’est lui aussi exprimé. Plutôt que d’attendre la veille ou l’avant-veille du scrutin, il a décidé de battre le fer rouge tant qu’il était chaud. Ce jeudi dans le Parisien, il sort de sa réserve de secrétaire national, et de sa réserve habituelle. Après avoir expliqué « partager » la position de la direction parisienne, il motive son choix : « Autant au niveau du gouvernement, nous ne trouvons aucune écoute, autant à Paris nous sommes entendus et respectés depuis deux mandats dans la majorité municipale ». Réfutant toute « crise ouverte », il balaie l’opposition interne : « Nous avons besoin du Front de gauche pour aujourd’hui et pour l’avenir. Alors arrêtons de polémiquer, arrêtons de dramatiser, arrêtons de caricaturer les positions des uns et des autres ».

Sur son blog la semaine dernière, dans un billet curieusement titré « Vient le temps de la sérénité », il estimait déjà que c’est sur la « capacité à faire rayonner le plus loin possible dans des majorités de gauche en construction des objectifs de sécurisation sociale face à la crise que cela se jouera », et « pas sur l’unique critère, très réducteur, de l’autonomie de liste par rapport au PS ». Selon Laurent, « il n’y a décidément pas deux sortes de communistes dans cette bataille. Mais une seule et même démarche déclinée dans l’intelligence des rapports de force locaux ». Déjà, son intervention lors des rencontres nationales du PCF, le week-end dernier, avait donné une tendance : « Le maître mot pour nous n'est pas autonomie, c'est rassemblement ».

Une déclaration aussitôt saluée par le secrétaire national adjoint du PS aux relations extérieures, Luc Carvounas. Saluant « cette position responsable », il estime que « c’est une décision dont la portée politique est importante », car « le Parti communiste français n’a pas cédé aux sirènes de certains, qui pensent que l’adversaire n’est pas la droite mais le Gouvernement et les élus locaux socialistes ». Ultime provocation pour Mélenchon et les siens, qui font de Carvounas la cible privilégiée de leur critique des « solfériniens ». Eux ne veulent pas entendre les appels de Pierre Laurent à passer à autre chose et à attendre les européennes pour se reparler. 

Dernier enjeu encore tabou au Front de gauche : quid de sa survie en cas de campagnes séparées à Paris ? « Evidemment que ça crée du débat entre nous, mais il n’y a pas de risque d’explosion, assure Igor Zamichiei. On sait déjà qu’on se retrouvera ensemble aux européennes. Les divergences d’objectifs aux municipales n’obèrent pas l’avenir ». Devant les cadres du parti réunis en assemblée, le week-end dernier, il avertissait tout de même Jean-Luc Mélenchon, « qui nous demande de choisir entre une soi-disante “autonomie conquérante” et une union qui brouillerait selon lui notre message » : « A lui de choisir entre isoler le Front de gauche ou le placer au cœur de la gauche pour améliorer la vie des Parisien-ne-s ».

Pour Alexis Corbière en revanche, « il y a un risque de dislocation du Front de gauche et de démobilisation des équipes militantes, alors même que notre siège de député européen en Île-de-France s’était joué à pas grand-chose la dernière fois… » Sans compter la difficulté de faire campagne l’un contre l’autre. Un communiste parisien pro-front de gauche craint un « risque très fort de division, dommageable pour la suite. Et puis, imaginons que le vote militant soit majoritaire, comment on va faire vu la façon dont on s’est engagé pour un accord avec le PS ? » « Si nous croyons à ce que nous disons, c’est-à-dire que nous sommes attachés au Front de gauche, il faut que chacun veille à ne pas insulter l’avenir, veut croire Ian Brossat. Il est hors-de-question que je tape sur des camarades du PG pendant la campagne, même si je peux avoir des débats avec eux ».

Côté PG, les responsables parisiens retiennent aussi leurs coups, mais espèrent encore que « certains sortent du bois pour donner eux aussi leurs positions », et estiment, en cas d’union PCF-PS, pouvoir profiter du ralliement de communistes, « en tout cas les syndicalistes, qui sont furieux contre le gouvernement et la mairie », explique un militant.

Au niveau national, en revanche, les dirigeants ont sorti la machine à baffe. Comme le secrétaire national Eric Coquerel, qui déclare dans un communiqué que « le choix des communistes parisiens implique tout le Front de Gauche, en France et devant l’Europe. Il est évident que le PS compte sur cette manœuvre politique pour parvenir enfin à diviser le Front de Gauche et affaiblir sa lisibilité nationale en le faisant disparaitre à Paris ». Et de « prévenir solennellement » : « L’avenir du Front de gauche est en cause ». Pour Jean-Luc Mélenchon, qui suspecte sur son blog Pierre Laurent d’agir ainsi parce que « à Paris, douze sièges donnent automatiquement un siège de sénateur », la cause semble presque entendue. Constant sur sa ligne d’attente de la « révolution citoyenne », il martèle son message : « Le Front de gauche n’est crédible et visible que comme alternative nationale. Une fois loué en pièce détachée, il n’est plus rien »

Reste le soupçon, brandi par des dirigeants du PG à la fête de l’Huma, d’un « bourrage d’urnes » par la direction communiste, après qu’elle a déjà reporté le scrutin militant à deux reprises. « Les copains communistes ne veulent pas y croire, confiait un secrétaire national du PG à la fête de l’Huma. Mais nous on vient du PS, où on ne voulait pas y croire non plus, et on sait très bien comment ça se termine à la fin ». Un propos qui résonne avec celui d’un haut-dirigeant socialiste, interrogé au même moment sur l’incertitude du résultat du vote communiste : « La démocratie interne, c’est assez nouveau pour eux. Et au début, ça ne marche pas toujours très bien. On leur fait confiance pour obtenir le résultat qu’ils souhaitent. »

A la différence des procédures du PS, celles du PCF permettent le vote par procuration (limité à une), celle-ci pouvant se faire par correspondance. Autre spécificité du scrutin communiste, il s’étale sur trois jours et non pas une soirée. Autant de règles que le PS a connues et abandonnées, au fur et à mesure des accusations de tricheries… En 2011, pour l’investiture à la présidentielle opposant Mélenchon à Chassaigne, 1 200 adhérents du parti s’était mobilisés dans la capitale. A l’heure actuelle, deux grosses sections du PCF parisien sont pour le Front de gauche (le XVIIIe et le XIIIe, environ 250 votants au dernier congrès), trois pour l’union avec le PS (XXe, XIe, XIIe, entre 250 et 300 votants), tandis que le XIXe (une centaine de votants) est divisé. Reste les petites sections de l’ouest parisien, plus les sections d’entreprises (RATP, SNCF, Banque de France, ministère de la culture et employés municipaux).

Potentiellement, 4 000 électeurs communistes peuvent voter, il faut pour cela être adhérent depuis plus de 3 mois et être à jour de cotisation. 2 000 militants le sont, les autres peuvent se mettre à jour au moment de voter. Tous déciderons alors avec qui ils se fâcheront pour de bon. Leur direction ou Mélenchon.