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En Grèce, le moratoire sur les saisies immobilières est menacé
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Athènes va-t-elle devoir mettre fin à son moratoire sur les saisies immobilières, qui permet d'éviter que des dizaines de milliers de Grecs surendettés se retrouvent à la rue ? Une loi votée en 2010 permet à la justice de geler la saisie d'un bienimmobilier par une banque s'il constitue l'habitation principale d'une personne, après examen de ses revenus.
Cette loi visait, alors que la crise financière touchait de plein fouet le pays, àpréserver au maximum ses nombreux petits propriétaires. Le texte a été reconduit d'année en année jusqu'ici. Il arrive à nouveau à échéance le 1er janvier 2014. Mais, cette fois, la « troïka » des créanciers du pays (Commission européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne), qui arrive de nouveau à Athènes mardi 10 décembre, exige sa révision et la fin du moratoire.
« UNE TELLE LOI POURRAIT DÉBOUCHER SUR UNE GUERRE CIVILE »
Le sujet est brûlant. Les députés de la majorité (conservatrice) eux-mêmes ont prévenu qu'ils ne voteraient pas un changement de la loi risquant de jeter à la rue 150 000 personnes. La pression de leurs administrés dans leurs circonscriptions est très forte. « Une telle loi pourrait déboucher sur une guerre civile ici, n'hésite pas à menacer Sofia Voultepsi, porte-parole du groupe parlementaire du parti Nouvelle Démocratie, dont le premier ministre, Antonis Samaras, est issu. Les gens nous disent une seule et unique chose : sauvez nos maisons ! Dans cette crise, c'est leur dernier refuge. »
Le cas de Nikos Papadimitritropolos est emblématique. Ce retraité de la fonction publique de 65 ans habite un petit immeuble de béton dans un quartier populaire à l'ouest d'Athènes. Rien de luxueux mais son appartement est chaleureux. « Je l'ai acheté en 2002 avec un emprunt de 198 000 euros, raconte le vieil homme. A l'époque, je gagnais un peu moins de 3 000 euros par mois, ma femme travaillait aussi et nous pouvions tout à fait honorer les traites de 1 600 euros mensuels. »
En 2010, Nikos prend sa retraite. La crise vient de commencer mais il n'est pas un inquiet, car, selon les calculs de sa caisse d'assurance, sa pension devrait s'élever à 1 800 euros par mois. « J'avais aussi prévu de rembourser une grosse partie de l'emprunt avec ma prime de départ à la retraite, soit 44 000 euros », précise-t-il.
« ILS MENACENT DE SAISIR L'APPARTEMENT »
En Grèce, la retraite, jusqu'à récemment, était versée sous deux formes : une pension mensuelle et cette fameuse prime, appelée Efapax, pour laquelle les employés cotisent tout au long de leur vie. Mais, en quelques mois, les beaux projets de Nikos s'écroulent. « D'abord, ils ont annoncé que l'Efapax serait amputée de 44 % et me serait versée, au mieux, dans cinq ans. Ensuite, ma pension est passée de 1 800 à 1 050 euros et, enfin, j'ai dû attendre vingt-trois mois avant de toucher mon premier mois de retraite. »
Sa femme perd alors soudainement son emploi. Et de nouveaux impôts fonciers sont créés par l'Etat grec en mal de rentrées fiscales. En moins d'un an, les économies du couple s'évaporent pour soutenir les charges de la maison et pouraider les enfants eux-mêmes au chômage.
Finalement, Nikos a décidé il y a quelques mois de cesser de rembourser les traites sur la maison. « J'ai essayé de négocier avec la banque mais ils n'ont rien voulu entendre et aujourd'hui ils menacent de saisir l'appartement. Où irons-nous avec ma femme ? », s'interroge, le regard perdu et embué de larmes, cet homme à l'allure digne.
« 150 000 PERSONNES SONT PROTÉGÉES PAR LA LOI »
Baisse brutale des revenus, chômage, hausse constante des impôts… La spirale qui place aujourd'hui des dizaines de milliers de foyers grecs en situation de surendettement se répète tristement.
Louka Katseli, l'ancienne ministre de l'économie (socialiste), est à l'origine de la loi de 2010 sur le gel des saisies. « Aujourd'hui, près de 150 000 personnes sont protégées par la loi, et il y a 80 000 demandes en cours. Dans cette crise violente, c'est ce qui explique que relativement peu de gens soient à la rue », affirme-t-elle.
Pour les créanciers, trop de Grecs se placeraient en situations de défaut, refusant de payer leurs dettes alors qu'ils en auraient les moyens. « Absurde, répond Elenie Alevritou, présidente de l'association de soutien aux foyers surendettés Ekpizo. Sur les 13 000 personnes que nous épaulons, nous n'avons pas une seule personne qui aurait de l'argent et qui ne voudrait tout simplement pas payer ! » Les banques grecques affirment abriter un taux de créances douteuses, c'est-à-dire de prêts non remboursés, de 29 % du total des crédits.
« LES VAUTOURS DU MARCHÉ »
Pour les bailleurs de fonds du pays, le système bancaire grec est en danger si l'on ne lui permet pas de recouvrer – par l'intermédiaire des saisies – une partie de ces créances. « La vérité, soutient Louka Katseli, c'est que ces emprunts ont été rachetés, sous forme de titres, depuis déjà longtemps parce que l'on appelle les vautours du marché, des entreprises privées globalisées qui sont désormais en embuscade pour récupérer à bas prix les biens saisis qui seront vendus pour rien aux enchères afin de les louer ou les vendre lorsque le marché immobilier redémarrera. »
Après des semaines de bras de fer, le gouvernement grec et ses partenaires européens semblent avoir trouvé un compromis d'ordre sémantique et se sont engagés à protéger les foyers les plus « vulnérables ». La question étant désormais de définir les critères économiques permettant de juger de cette « vulnérabilité » dans le nouveau texte de loi.