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Sarkozy-Kadhafi: un témoin de l’accord financier s’exprime
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Mediapart) Tahaer Dahec indique avoir été présent lors des tractations fixant à 57 millions d’euros le montant du financement libyen de Sarkozy, en octobre 2006, à Tripoli.
« La Libye a aidé Sarkozy, tout le monde le sait, le montant est connu, mais moi j’étais témoin et présent au moment des négociations », a déclaré Tahaer Dahec, mercredi après-midi, lors d’une conférence de presse, dans le bureau de son avocat, Me Éric Moutet, à Paris.
Journaliste tunisien, compagnon de route puis responsable des comités révolutionnaires libyens, Tahaer Dahec, 62 ans, était entendu, mercredi, dans la matinée par le juge Roger Le Loire, au sujet des tortures subies lors de sa détention par le nouveau régime entre le 21 septembre et le 27 octobre 2011. Il a déposé plainte avec constitution de partie civile à Paris, fin novembre, pour « actes de torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Ces mauvais traitements lui auraient été infligés par des Français, dans un hôtel converti en centre d’interrogatoire, ainsi qu’il l’avait révélé à la journaliste Catherine Graciet, dans un livre paru cet automne Sarkozy-Kadhafi – Histoire secrète d’une trahison, qui le désignait encore par son seul prénom.
Lors de sa conférence de presse, Tahaer Dahec s’est déclaré « prêt à répondre à la justice au sujet du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy ». « Les discussions ont eu lieu à l’hôtel Corinthia, à Tripoli, en octobre 2006, a-t-il dévoilé, mercredi. Un diplomate français de très haut niveau, toujours en vie, était présent. Le montant est de 57 millions d’euros. » Selon les explications qu’il avait fournies à Catherine Graciet, 7 millions d’euros sur les 57 auraient été versés à un intermédiaire.
Tahaer Dahec a déclaré qu’il donnerait « les éléments à la justice », et les preuves de la tenue de cette réunion de l’hôtel Corinthia. Il a précisé que « du côté libyen, se trouvaient présents Bachir Saleh et Abdallah Senoussi » – le directeur de cabinet de Kadhafi, et le chef des services spéciaux libyens que l’on sait impliqués dans les financements français.
« Quand j’ai été arrêté, on a trouvé sur moi des numéros de téléphones de proches de Kadhafi, je ne pouvais pas nier les connaître, a rapporté Tahaer Dahec. Les Français m’ont interrogé sur les enfants de Kadhafi, la localisation des stocks d’armes, et de l’argent. »
Ancien journaliste à l'hebdomadaire La Marche verte, Tahaer Dahec a été arrêté à Tripoli, le 21 septembre 2011, puis transféré, un sac noir sur la tête, dans un hôtel de bord de mer à Gargaresh utilisé comme lieu de détention par le comité militaire libyen région Ouest, la katiba Chahid Madani. Plusieurs centaines de prisonniers auraient été détenus dans ce centre, théâtre de nombreuses exécutions sommaires, et d’humiliations collectives.
Tahaer Dahec, qui rapporte avoir été violenté et torturé à l’électricité par les Français, a remis à la justice des expertises médicales faisant état de « cicatrices de plaies cutanées multiples au niveau du dos et au niveau des faces antérieures des deux jambes, et une hernie ayant coïncidé avec l’agression ». Selon ses explications mercredi, il a pu décrire très précisément devant le juge d’instruction les trois Français, deux hommes et une femme, ayant participé à ces interrogatoires. La Française ayant pour unique rôle de filmer.
Remis en liberté à deux reprises « pour servir d'appât », Tahaer Dahec prend le large le 27 octobre 2011, et il obtient un laissez-passer du consulat tunisien qui lui permet de quitter le pays. Selon un télégramme diplomatique tunisien, les autorités libyennes l'ont aussitôt fait rechercher. Un capitaine du conseil militaire libyen venu au consulat de Tunisie présente Dahec « comme agissant sur ordre de l'ancien premier ministre libyen Baghdadi El Mahmoudi en coordination avec les diplomates libyens en poste en Tunisie ».
Comme Mediapart l'a déjà rapporté, l'ancien premier ministre a témoigné, lui aussi, du financement libyen en faveur de la campagne de Nicolas Sarkozy, avant d'être extradé par la Tunisie et remis au régime libyen. Le témoignage de Tahaer Dahec devant les juges français chargé de cette affaire pourrait donc s'avérer décisif.
Mediapart avait publié le 28 avril 2012 un document officiel, issu des services secrets libyens et daté du 10 décembre 2006, qui confirmait la volonté des autorités libyennes « d’appuyer la campagne électorale » de Nicolas Sarkozy et validait la décision de M. Kadhafi de verser 50 millions d'euros au candidat en 2007.