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Ukraine: Donetsk manifeste contre le gouvernement "illégitime"

international Ukraine

Lien publiée le 23 mars 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) 


Ukraine : nouvelle manifestation à Donetsk... par lemondefr

Lénine en a vu d'autres. Deux ou trois mille manifestants ne font pas une révolution, ni une contre-révolution. Mais la foule rassemblée en ce samedi après-midi ensoleillé, le 22 mars, au pied de l'imposante statue au centre de Donetsk, a des choses à déclarer. On y sent une humeur, celle d'une population qui se sent négligée, méprisée. Elle agite des drapeaux russes, opportunément concentrés dans les premiers rangs, face aux caméras. Nouveauté : elle brandit aussi des écriteaux réclamant le retour de Viktor Ianoukovitch, l'ex-président en fuite, réfugié quelque part de l'autre côté de la frontière. Donetsk fut son fief ; certains ne l'ont pas oublié.

La petite scène est ouverte à tous les orateurs. Il est beaucoup question du « coup d'Etat » à Kiev. On fait régulièrement ovationner la Russie, les liens entre les deux pays. Le principal organisateur de ce rassemblement est le Parti communiste. Iaroslav Drozdov s'en moque complètement. Ce jeune homme de 27 ans, qui travaille dans la compagnie énergétique régionale, est là en mémoire de sesgrands-parents, qui ont combattu l'Allemagne nazie. « On est un grand peuple libre, on ne va pas laisser ces putains de fascistes prendre le pouvoir. » Iaroslav est venu avec son camarade Andreï Toroukine, 23 ans, qui travaille dans la même compagnie. Ce dernier soutient Viktor Ianoukovitch, qui « a dû fuir parce que sa vie était en danger ».

« ON VEUT DISPOSER DE NOTRE PROPRE ARGENT »

Des manifestants ont appelé au retour de Viktor Ianoukovitch, l'ancien président ukrainien en fuite, à Donetsk, en Ukraine, le 22 mars.

Andreï n'écarte pas l'idée d'une partition de l'Ukraine« Mieux vaut s'unir avec la Russie que se soumettre à ce gouvernement illégal », dit-il.

Cet avis n'est pas majoritaire. A la tribune, les orateurs ont une revendication majeure : être entendus, donc respectés. Ils se sentent discriminés par rapport au peuple de Maïdan, dont ils ne comprennent pas la sanctification, notamment par les médias occidentaux. Les manifestants réclament un référendum sur le statut du Donbass, pour vivre séparé, sous le même toit, avec les « nationalistes » de l'Ouest. Pas question d'une annexion de leur région par la Russie, à l'instar de la Crimée.

Dans une tente, on collecte les signatures pour une pétition. Les passants sont invités à choisir les thèmes d'une éventuelle consultation : le russe comme 2elangue officielle ; l'entrée dans l'Union eurasienne, le grand projet géopolitique de Vladimir Poutine ; l'entrée dans l'OTAN. Curieuses priorités. Personne n'envisage une adhésion prochaine de l'Ukraine à l'Alliance atlantique ; l'Union eurasienne, elle, ne concerne que des Etats, pas des régions, sans parler du fait que Kiev vient de signer le volet politique de l'accord d'association avec Bruxelles.

En revanche, la question linguistique est une des plus explosives qui soient. La Rada a commis un impair énorme, juste après la fuite de Viktor Ianoukovitch, en annulant la loi sur les langues régionales, qui protégeait le russe. Même si le président par intérim, Olexandre Tourtchinov, a bloqué le texte, le traumatisme a été puissant, dans l'est et le sud du pays, renforçant le préjugé d'une annexion culturelle nationaliste à venir.

L'un des orateurs les plus applaudis est un beau gosse de 22 ans, Rouchan Taktarov. Tatar d'origine, il vit à Makiivka, ville industrielle de la région, peuplée de 350 000 habitants. Il y dirige le komsomol local (organisation des jeunes communistes). A la tribune, Rouchan est d'une virulence et d'un charisme qui lui autorisent tous les espoirs, en matière politique. Roustam reconnaît que Viktor Ianoukovitch ne lui est « pas du tout sympathique comme président et comme individu », mais « il est le seul légitime ». Le référendum est indispensable, nous dit-il. « Certains disent que l'Est du pays nourrit l'Ouest, d'autres le contraire. On veut disposer de notre propre argent, que les prérogatives régionales soient élargies. »

« C'EST CE GOUVERNEMENT À KIEV QUI EST ILLÉGAL ! »

Des manifestants ont appelé au retour de Viktor Ianoukovitch, l'ancien président ukrainien en fuite, à Donetsk, en Ukraine, le 22 mars.

Un peu plus tard, devant le bâtiment de l'administration régionale, un important dispositif policier a été prévu. Un camion enroulé de fils barbelés bloque l'entrée. Le ministre des affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeier, est en visite chez le gouverneur, Sergueï Tarouta. Incroyable marque de reconnaissance à l'égard de l'homme d'affaires, qui a assumé cette fonction à la demande de Kiev. Il reste silencieux lors d'une brève allocution du ministre allemand devant la presse, le temps de dire que l'Ukraine avait beaucoup changé depuis son dernier passage, le 20 février, lorsqu'il y avait des morts dans les rues de Kiev, autour de Maïdan, et de la fumée au-dessus des barricades. Le ministre allemand est un optimiste pressé ; il n'a pas pris de question.

Près de deux cents hommes casqués, bouclier au pied, formaient un cordon dense au pied du bâtiment de l'administration. Aucun dérapage n'était envisageable en ce jour de gala. La pression policière s'est renforcée, en ville, depuis une semaine, pour neutraliser d'éventuels fauteurs de troubles, notamment les fameux « touristes politiques » venus de Russie. Quelques manifestants haranguent les policiers, leur demandant de les rejoindre. Un sous-lieutenant engage la conversation avec une femme. Le fonctionnaire, Vladimir R. est calme, apaisant. Il travaille à Donetsk depuis vingt ans, et en a vu d'autres.

- Nous comprenons ce qui vous inquiète. Le plus important est que tout se passe pacifiquement, dans le calme. Votre avis sera pris en compte.

- Par qui ? Mais par qui ? On ne nous écoute pas ! Il est où, Tarouta ?

- Il faut que tout reste légal…

- Mais c'est ce gouvernement à Kiev qui est illégal ! Pourquoi ne vous soumettez-vous pas à l'autorité de Ianoukovitch ? Vous nous demandez de respecter la loi, mais elle n'est pas respectée ailleurs !

Un homme intervient, plus véhément. « Vous n'avez pas honte pour vos gars ? Tarouta les utilise comme bouclier ! Mais c'est qui l'ennemi, nous ou les fascistes ? »

« C'EST LA NOSTALGIE DE L'URSS QUI PARLE »

Une militante prorusse lors d'une manifestation à Donetsk, en Ukraine, le 22 mars.

Parmi les manifestants, tout le monde n'est pas aussi remonté. On trouve aussi de simples curieux. Devant la statue de Lénine, Iana Grichaïva, 24 ans, sort de l'ordinaire. Elle est vêtue de façon très coquette. Sa longue queue de cheval brune tombe sur un complet beige. Elle porte des boucles d'oreille et un maquillage élégant. Iana est économiste. Elle travaille dans une structure régionale publique, qu'elle ne veut pas identifier précisément. Elle est venue voir, curieuse, combien de personnes se rassembleraient en ce samedi. « Elles ne représentent qu'elles-mêmes, comme Maïdan ne représentait pas toute l'Ukraine », dit-elle avec sagesse.

A la maison, les discussions ne sont pas faciles. Les parents de Iana sont pour la réunion avec la Russie. « Je pense que c'est la nostalgie de l'URSS qui parle. »Elle-même ne cache pas sa méfiance vis-à-vis de Kiev. « L'idée de Maïdan était pure, mais les gens n'ont pas changé sur le manège du pouvoir. Sans parler desidées néofascistes. Je ne veux pas qu'ils m'imposent leurs héros nationaux, leur langue, leur conception des relations ethniques. » Malgré ces réserves, la jeune femme a une boussole. Elle veut que soit préservée « l'unité de l'Ukraine ».