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Les grévistes sud-africains de Marikana veulent leur revanche dans les urnes
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) La tour en béton de la mine de platine de Marikana n'a plus craché sa fumée grisâtre depuis trois mois et demi. Jamais l'Afrique du Sud démocratique n'a vécu une grève aussi longue. A une centaine de kilomètres à l'ouest de Johannesburg, devant les cabanes en tôle du bidonville de Wonderkop, longées par des chemins de terre défoncés, une partie des 70 000 grévistes tuent le temps en jouant aux cartes ou au morabaraba, ce jeu de stratégie d'Afrique australe, à mi-chemin entre les dames et les échecs.
La partie est déjà perdue pour les petits commerces. « Je ne vends que des tomates, des pommes de terre, du chou et des oignons, rien d'autre », déplore Noxolo, patronne d'une épicerie exiguë. Les boucheries ont baissé leurs rideaux. Salarié depuis six ans de la compagnie minière britannique Lonmin, Ntobeko ne goûte à la viande que deux fois par semaine. Trop chère. « Je ne mange plus qu'une à deux fois par jour, confie-t-il. La faim me tenaille, mais je suis prêt à mebattre jusqu'à ce que nous obtenions cette hausse de salaire. »
Son syndicat, Amcu, exige un salaire de base mensuel de 12 500 rands (860 euros). Selon Lonmin, Amplats (Anglo American) et Impala, les trois compagnies minières frappées par cette grève démarrée le 23 janvier, cela correspondrait à une augmentation moyenne de 30 % par an pendant quatre ans. L'inflation est de 6 % en Afrique du Sud.
« JE NE VEUX PAS DE CE GOUVERNEMENT QUI A FAIT TIRER SUR NOUS »
Leurs directions ont proposé d'atteindre les 12 500 rands en juillet 2017, mais en incluant les congés payés et les primes de logement. Refus d'Amcu. Les négociations sont dans l'impasse. Face au 15 milliards de rands (1 milliard d'euros) de manque à gagner depuis le début de la grève avancés par lessociétés, le syndicat brandit les 7 milliards de rands de salaires perdus par les mineurs et le salaire de 2013 du patron d'Amplats : 1,2 million d'euros par mois.
« J'aimerais retourner au travail mais c'est trop dangereux, tu ne sais pas ce qui peut t'arriver », confie anonymement un mineur en poste chez Lonmin depuis 1984. Le noyau dur des grévistes est déterminé. Lors d'une grève en 2012, ils avaient obtenu si peu, selon eux, après avoir pourtant payé le prix du sang. Le 16 août de cette année-là, la police avait ouvert le feu, abattant 34 grévistes. L'Afrique du Sud post-apartheid n'avait jamais connu une telle tuerie par des forces de l'ordre.
Presque deux ans après les faits, la fin des travaux de la commission d'enquêtene cesse d'être repoussée. Les électeurs voteront mercredi sans en connaître les conclusions, alors que le Congrès national africain (ANC), au pouvoir et grand favori du scrutin législatif, est accusé d'avoir encouragé la répression. La police est accusée d'avoir tiré alors que des mineurs grévistes étaient en fuite.
« Je ne veux pas de ce gouvernement qui a fait tirer sur nous, je ne voterai pas pour l'ANC », assure Bongani, mineur chez Lonmin depuis quinze ans. Le président sud-africain, Jacob Zuma, qui vise un second mandat, a dû annuler sa visite à Marikana le 29 avril par crainte des violences. Quelques jours plus tôt, le local de l'ANC à Wonderkop avait été incendié.
« NOUS TRIMONS POUR EXTRAIRE CE MINERAI SI PRÉCIEUX »
Vendredi, aucun tee-shirt jaune, vert et noir, les couleurs du parti historique deNelson Mandela, n'était visible à Marikana. La mode était plutôt au béret rouge. Une quarantaine de militants des Combattants de la libération économique (EFF), le nouveau parti de gauche de Julius Malema, ex-patron de la Ligue des jeunes de l'ANC et soutien d'Amcu, défilaient en dansant et chantant.
« Nous trimons pour extraire ce minerai si précieux pour les voitures, les téléphones portables, nous méritons ces 12 500 rands ! », tonne Luyanda Magadlela, responsable local de l'EFF et foreur chez Lonmin. Il balaie les menaces de mécanisation de la production, et de licenciements massifs, lancées par les compagnies : « Si ces patrons veulent partir, qu'ils s'en aillent ! Nous nationaliserons les mines et nous en occuperons nous-mêmes ». EFF revendique 8 000 adhérents dans la cité minière.
Marikana sera un test symbolique pour l'ANC, accusé depuis son arrivée aupouvoir il y a vingt ans de collusion avec les grands groupes. C'est d'ailleurs l'actuel vice-président de l'ANC, Cyril Ramaphosa, alors membre du conseil d'administration de Lonmin, qui avait demandé en 2012, vingt-quatre heures avant le massacre, que des mesures soient prises contre les grévistes, ces « criminels »