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Débat sur l’Europe avec Berruyer, Coutrot, Durand
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.les-crises.fr/video-debat-sur-leurope/
“L’Europe dans l’impasse : que faire ?”. Le mardi 20 mai 2014, le collectif montreuillois pour un audit citoyen de la dette (Clac-Ladette) m’a invité avec Thomas Coutrot et Cédric Durand pour discuter de ce thème.
Thomas Coutrot est économiste et porte parole d’Attac. Il est le coordinateur du livre « Que faire de l’Europe ? Désobéir pour reconstruire » à paraître.
Cédric Durand est économiste à l’Université Paris 13 et membre des Économistes atterrés. Il est l’auteur de « Le capitalisme est-il indépassable ? » et le coordinateur de l’ouvrage « En finir avec l’Europe ? ». Il collabore à la revue Contretemps.
Ce dont je parlais :
Manifeste du Comité exécutif du parti travailliste britannique (juin 1950)
Certaines personnes estiment que l’unité d’action requise ne peut pas être obtenue au moyen d’une coopération entre États souverains, mais qu’elle doit être imposée par une instance supranationale disposant de pouvoirs exécutifs. Ces personnes pensent que les pays européens devraient former une Union tant politique qu’économique, en abandonnant des pans entiers de gouvernement à une autorité supranationale.
Le Parti travailliste estime qu’il n’est ni possible ni désirable de former une Union complète, politique ou économique de cette façon. Au contraire, les politiques nationales doivent être progressivement harmonisées ou coordonnées par consentement au moyen d’une coopération entre gouvernements. Les peuples européens ne souhaitent pas une autorité supranationale capable d’imposer des accords. Ils ont besoin d’une machinerie internationale capable de mettre en place des accords qui sont obtenus sans coercition. […]
Plusieurs types d’Union peuvent être envisagés. Il y a eu récemment un très fort enthousiasme en faveur d’une Union économique fondée sur le démantèlement de toutes les barrières internes au commerce, telles que les droits de douane, le contrôle des changes et les quotas d’importations. La plupart des défenseurs de cette politique croient que le libre jeu des forces économiques à l’intérieur du marché continental ainsi créé aboutirait à une meilleure répartition de la force de travail et des ressources. Le Parti travailliste rejette catégoriquement cette théorie. Les forces du marché livrées à elles-mêmes ne peuvent fonctionner qu’au prix de graves perturbations économiques – des branches entières de l’industrie en Europe feraient faillite–, d’un développement du chômage et de graves tensions politiques […]
Le fait est qu’une Union économique fondée sur le laisser-faire exigerait un degré d’uniformité dans les politiques internes des Etats membres qui n’existe pas pour l’instant, et qui n’existera probablement pas dans un futur proche. […]
Le parti travailliste estime que sa politique de plein-emploi et de partage équitable des richesses est d’une importance primordiale pour la croissance économique en Grande-Bretagne. […] Le coût du libéralisme économique aujourd’hui est la lutte des classes et les troubles sociaux. […] Tous les syndicats non communistes des pays bénéficiaires du plan Marshall ont indiqué en avril 1950 que « la libéralisation des échanges ne doit pas conduire à diminuer les réussites sociales et économiques des gouvernements européens progressistes. » […]
Il est certain qu’aucune assemblée parlementaire ne pourrait assumer des pouvoirs supranationaux si elle n’était pas d’une certaine façon strictement représentative des peuples européens. Or une telle instance représentative en Europe de l’ouest serait nécessairement anti-socialiste ou non-socialiste. […] Aucun gouvernement socialiste en Europe ne pourrait se soumettre à l’autorité d’une instance dont les politiques seraient décidées par une majorité anti-socialiste. […] ni accepter un système dans lequel d’importants domaines de la politique nationale seraient abandonnés à une autorité représentative européenne supranationale, puisqu’une telle autorité disposerait en permanence d’une majorité anti-socialiste, et qu’elle causerait l’hostilité des travailleurs européens.
L’analyse de Pierre Mendès France sur l’Europe (19/01/1957)
« Le projet de marché commun tel qu’il nous est présenté est basé sur le libéralisme classique du XIXe siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. Dix crises graves, tant de souffrances endurées, les faillites et le chômage périodique nous ont montré le caractère de cette théorie classique derésignation. […] Dans le cas d’une crise économique, il se produira une baisse des salaires allemands, undumping de l’industrie allemande contre la nôtre. […] L’harmonisation doit se faire dans le sens du progrès social, dans le sens du relèvement parallèle des avantages sociaux et non pas, comme les gouvernements français le redoutent depuis si longtemps, au profit des pays les plus conservateurs et au détriment des pays socialement les plus avancés.
En fait, ne nous ne le dissimulons pas, nos partenaires veulent conserver l’avantage commercial qu’ils ont sur nous du fait de leur retard en matière sociale. Notre politique doit continuer à consister, coûte que coûte, à ne pas construire l’Europe dans la régression au détriment de la classe ouvrière et, par contrecoup, au détriment des autres classes sociales qui vivent du pouvoir d’achat ouvrier. Il faut faire l’Europe dans l’expansion et dans le progrès social et non pas contre l’une et l’autre.
Si nos charges sont trop lourdes, comme il est certain, si notre balance des payements en est altérée, on nous invitera à dévaluer le franc, une ou plusieurs fois, autant qu’il le faudra, pour rétablir l’équilibre, en réduisant chez nous le niveau de vie et les salaires réels. […] Alors, la dévaluation ne sera plus une décision souveraine, nationale ; elle nous sera imposée du dehors, comme pour freiner nos initiatives sociales, jugées trop généreuses.
Il est prévu que le Marché commun comporte la libre circulation des capitaux. Il est évident que le mouvement naturel des capitaux, surtout des capitaux privés, sera orienté vers les pays à faibles charges, c’est-à-dire vers les pays où la politique sociale est la moins coûteuse. Les capitaux ont tendance à quitter les pays socialisants et leur départ exerce une pression dans le sens de l’abandon d’une politique sociale avancée.
Il m’est arrivé souvent de recommander plus de rigueur dans notre gestion économique. Mais je ne suis pas résigné à en faire juge un aréopage européen dans lequel règne un esprit qui est loin d’être le nôtre. Nous ne pouvons pas nous laisser dépouiller de notre liberté de décision dans des matières qui touchent d’aussi près notre conception même du progrès et de la justice sociale ; les suites peuvent en être trop graves du point de vue social comme du point de vue politique. Prenons-y bien garde aussi : le mécanisme une fois mis en marche, nous ne pourrons plus l’arrêter […] car ensuite, les décisions seront prises à la majorité.
L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie, on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement « une politique », au sens le plus large du mot, nationale et internationale. » [Pierre Mendès France, votant contre le Traité de Rome]