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Au Venezuela, les héritiers d’Hugo Chavez se divisent pour la première fois
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Un ministre limogé dénonce le manque de leadership du président Nicolas Maduro
Le congrès du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), fondé par l'ancien président Hugo Chavez, s'annonce agité. Un mois avant les dates prévues, du 26 au 28 juillet, les chavistes tirent à hue et à dia après une lettre diffusée le 18 juin par Jorge Giordani, le ministre du plan, la veille de son limogeage par le président Nicolas Maduro. Pour la première fois depuis la mort de son dirigeant charismatique, en 2013, le chavisme subit une fracture au sommet, amplifiée à la base.
La lettre de M. Giordani est un plaidoyer pro domo, agrémenté de considérations jusqu'alors réservées aux opposants : le président Maduro « n'a pas de leadership » . Au sommet, le « vide de pouvoir » renforce l'autonomie de l'entreprise pétrolière nationale PDVSA et le court-circuitage du ministère des finances et de la banque centrale.
L'ancien ministre du plan admet que la réélection de Hugo Chavez en 2012 et l'élection de son successeur, Nicolas Maduro, en 2013, ont été remportées moyennant le recours à des fonds publics hors budget de l'Etat qui ont mis en danger les équilibres économiques. Il dénonce l' « octroi de ressources massives à tous ceux qui les sollicitent » , ainsi que l' « improvisation de cadres sans expérience et les nominations inadéquates pour la gestion des grands fonds de l'Etat » .
Selon lui, « gâchis et malversations » règnent au pays du « socialisme bolivarien » . Le système de contrôle des changes est pointé du doigt comme « un foyer de corruption » . M. Giordani relève les soupçons pesant sur les cagnottes opaques mises en place par Chavez, à commencer par le Fonds pour le développement national (Fonden), opéré par la présidence de la République de manière discrétionnaire.
« Ce qu'a révélé la sortie de Jorge Giordani du ministère du plan est le niveau de corruption au sein du gouvernement, écrit sur son blog l'opposant Henrique Capriles Radonski, ex-candidat à l'élection présidentielle. Admettre qu'en 2012 l'accès et l'utilisation des ressources ont été "portés à des niveaux extrêmes" pour remporter une réélection montre la grande décomposition morale de ceux qui gouvernent. » M. Maduro, lui, a traité l'ex-ministre de « traître » .
Depuis l'arrivée au pouvoir de Chavez en 1999, M. Giordani avait occupé le ministère du plan presque sans discontinuer, à l'exception de deux interruptions d'un an. Ce doctrinaire a été le principal architecte de l'emprise croissante de l'Etat, qui a débouché sur le démantèlement de la production nationale, une dépendance accrue à l'égard du pétrole, la récession, l'hyperinflation, un endettement record, la dévaluation de la monnaie et les pénuries.
« Bombe atomique »
Sur les réseaux sociaux et les forums sur Internet, le débat fait rage. Le coordinateur des cercles bolivariens (chavistes) a qualifié la lettre de M. Giordani de « bombe atomique » . Le site Web Aporrea (chaviste), qui véhiculait des critiques croissantes contre M. Maduro, est partagé entre détracteurs et partisans. Le politologue Nicmar Evans regrette que ceux qui ont dénoncé un « siphonnage » de 22 milliards de dollars (16 milliards d'euros), somme qui aurait disparu des comptes de l'organisme chargé du contrôle des devises, aient dû quitter le gouvernement, alors que les auteurs du détournement sont restés.
Les pourfendeurs du « Judas » abondent, mais il se trouve tout de même des audacieux pour pousser le bouchon plus loin. Ainsi, le militant chaviste Claudio Dominguez estime que « tout est en train de devenir une immense farce » , à commencer par le PSUV, « un parti où il y a beaucoup de gens uniquement parce que c'est un parti de gouvernement » .
Ancien conseiller du président Chavez, le théoricien d'extrême gauche Heinz Dieterich estime qu'il s'agit « d'un des gouvernements les plus ineptes de l'histoire d'Amérique latine, car il avait tout - les forces armées, une majorité aux élections, le Parlement, les médias et de l'argent en abondance -, mais il n'a rien fait » .
A en croire les sondages, à peine un Vénézuélien sur trois soutient le chef de l'Etat. Au congrès du PSUV, seule la confirmation de sa présidence devrait être votée par les délégués, privés d'élection d'une nouvelle direction pour ne pas raviver les disputes internes.