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L’amende contre BNP Paribas souligne les tensions franco-américaines en Ukraine
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.wsws.org/fr/articles/2014/jul2014/bnpu-j07.shtml
Les remarques du président russe Vladimir Poutine pendant un discours de politique étrangère devant le corps diplomatique à Moscou le 1er juillet exposent les tensions montantes entre les pays impérialistes, particulièrement entre la France et les Etats-Unis.
Poutine avait dit le 1er juillet « Nous sommes au courant de la pression que nos partenaires américains exercent sur la France pour qu'elle renonce à la livraison des Mistrals ... Et nous savons même qu’ils ont suggéré que si les Français ne livraient pas les Mistrals, ils élimineraient sans bruit les sanctions contre la banque ou du moins les minimiseraient. » Puis il a qualifié l’attitude américaine de « chantage ».
Les Mistrals en question sont des navires à usage militaire que la France construit pour la Russie, sur la base d’un contrat signé en 2011 et qui concerne deux porte hélicoptères du type Mistral BPC (Bâtiments de projection et de commandement), dotés d’équipements de haute technologie. Le premier doit être livré en octobre 2014 et le second en 2015.
La banque mentionnée par Poutine, sans la nommer, est la BNP qui a fait l’objet d’une enquête des Etats-Unis pour avoir enfreint des sanctions imposées par les USA à des pays comme le Soudan, l’Iran ou Cuba. Elle s’est vue infliger fin juin une amende record de 9 milliards de dollars (6,5 milliards d’euros) et une suspension partielle de ses opérations en dollars. Les sanctions contre la BNP avaient aussi été un thème majeur lors de la présence du président américain Barack Obama aux cérémonies du Jour J en France le 6 juin.
La vente de ces navires à la Russie par un pays membre de l’OTAN avait bien été critiquée par des militaires américains, mais cela n’avait en rien été un obstacle à une collaboration militaire étroite entre les Etats-Unis et la France. Cependant, dans le contexte de la campagne agressive des Etats-Unis en alliance avec l’Allemagne en Ukraine et l’imposition de sanctions contre la Russie, le ton s’est durci entre les deux puissances impérialistes.
S’exprimant devant le Congrès début mai, la principale responsable des Affaires européennes au ministère des Affaires étrangères, Victoria Nuland avait dit que l’administration Obama avait « exprimé ses inquiétudes de façon consistante au sujet de cette vente ».
Parallèlement, les autorités financières américaines menaçaient la BNP d’une amende d’une dizaine de milliards de dollars, une somme jugée punitive qui avait scandalisé l’establishment politique français. Obama a publiquement refusé d’intervenir pour annuler ou même minimiser les sanctions contre la BNP sous prétexte de ne pas vouloir interférer avec la justice.
Le 13 mai, lors d’une visite officielle du ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius à Washington, l’administration Obama avait ouvertement critiqué le maintien du contrat Mistral par le gouvernement français. Le secrétaire d’Etat Kerry l’avait qualifié de « non constructif ».
A cette occasion, une porte-parole du Département d’Etat a déclaré, « Nous avons plusieurs fois exprimé nos inquiétudes auprès du gouvernement français à propos de cette vente et nous ne pensons pas que le moment soit adéquat pour poursuivre de tels contrats militaires »
Fin mai, plusieurs parlementaires américains ont fait la proposition que l’OTAN rachète ou loue les bateaux pour inciter la France à annuler son contrat avec Moscou.
Lors du sommet du G7 à Bruxelles les 4 et 5 juin, Obama a une fois de plus fait pression sur le gouvernement français pour qu’il annule le contrat Mistral avec la Russie. Il avait dit lors d’une conférence de presse, « Je pense qu’il aurait mieux valu suspendre » la vente des Mistral, ajoutant « Le président Hollande a pour l’heure pris une autre décision. »
Tant Fabius que Hollande ont nettement rejeté l’idée que la vente pourrait être annulée et insisté pour dire qu’elle n’entrait pas dans le cadre des récentes sanctions imposées par les Etats-Unis et l’UE à la Russie. Selon plusieurs informations dans la presse anglophone, Paris joue aussi un rôle important pour bloquer l'adoption de sanctions européennes contre la Russie.
Poutine a sans doute fait ses remarques pour ses propres raisons politiques, visant à entretenir les divisions au sein de l'OTAN sur la tactique à mener contre la Russie dans le contexte de la crise en Ukraine. Cependant, ses remarques indiquent les profondes rivalités économiques et stratégiques entre les puissances impérialistes soulevées par leur offensive néo-coloniale au Moyen orient et en Europe de l'est.
Déjà, au mois de février, les responsables américains avaient menacé des entreprises françaises de sanctions si elles rétablissaient trop rapidement leur liens commerciaux avec l'Iran, un marché potentiellement juteux aussi visé par des sociétés américaines. (Voir : Les Etats-Unis menacent les entreprises françaises de sanctions au sujet de l’Iran) Ces conflits refont surface à présent dans le dossier ukrainien.
Si l’objectif des puissances impérialistes européennes est le contrôle de l’Ukraine et l’affaiblissement de la Russie, ils ne sont pas prêts à mettre en péril leurs intérêts économiques importants en Russie. Les sanctions européennes sont bien moins incisives que celles imposées par les Etats-Unis. Dans les pourparlers actuels sur un cessez le feu en Ukraine, les gouvernements allemand et français négocient directement avec le président russe.
Mis à part les 1,2 milliards d’euros représentant le coût des navires, et qui devraient être ajoutés au budget, l’abandon d’un tel contrat signifierait pour la France la perte d’autres contrats futurs non seulement avec la Russie mais encore avec d’autres pays.
Ces dernières années, la France avait poursuivi une étroite collaboration avec les Etats-Unis au sein de l’OTAN qu’elle avait réintégré sous la présidence de Sarkozy. Dans la guerre des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Libye, l'impérialisme français avait joué un rôle de premier plan, tout comme dans la campagne américaine de changement de régime menée contre le président Bachar al-Assad en Syrie.
Face à la montée en puissance de l'impérialisme allemand en Europe dans le contexte de l'austérité dévastatrice imposée en Europe par l'Union européenne, l’impérialisme français espérait renforcer son poids et affirmer ses intérêts géostratégiques en particulier dans son ancien empire colonial en Afrique occidentale et du nord et au Moyen-Orient. Cette politique s'est soldée par un échec retentissant.
Tandis que les retombées des guerres en Libye, en Syrie, au Mali embrasent la région, les rivalités inter-impérialistes montent en puissance. La collaboration germano-américaine contre la Russie en Ukraine permet à Berlin d’affirmer agressivement ses intérêts politiques et militaires en Europe, tandis que les différends géostratégiques montent au sein de l'OTAN.