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Quand Valeurs actuelles et L’Opinion publient sciemment un faux sondage
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.acrimed.org/article4440.html
En une de son édition du 4 septembre 2014, l’hebdomadaire Valeurs actuelles annonçait un « sondage bombe » sur l’élection présidentielle de 2017. Sur le site du journal, on apprend que« Nicolas Sarkozy serait le seul à pouvoir empêcher le Front national de ravir la première place lors du premier tour de la présidentielle ». Une information également publiée sur le site du journal L’Opinion.
Outre l’utilité douteuse d’un tel sondage trois ans avant l’échéance, un détail a retenu l’attention : Valeurs actuelles et L’Opinion ont vendu ce sondage comme un « sondage confidentiel ». C’est-à-dire sans l’ensemble des informations essentielles qui permettent de comprendre la méthode, l’échantillon utilisé, ou même tout simplement le nom de l’entreprise de sondage qui en porte la responsabilité. Ipsos, un temps soupçonné, a démenti avoir réalisé le sondage, par la voix de son directeur général délégué Brice Teinturier : « La réalité est très simple : nous n’avons pas fait ce sondage. Et je ne sais pas qui l’a réalisé. La seule façon de démentir la rumeur est maintenant que Valeurs actuelles publie le rapport d’enquête ».
Or d’après l’article 2 de la loi du 19 juillet 1977, « La publication et la diffusion de tout sondage (…) doivent être accompagnées des indications suivantes, établies sous la responsabilité de l’organisme qui l’a réalisé : le nom de l’organisme ayant réalisé le sondage ; le nom et la qualité de l’acheteur du sondage ; le nombre des personnes interrogées ; la ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ; une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice ».
Comme le souligne l’Observatoire des sondages, la Commission des sondages a donc convoqué les représentant des deux journaux, « qui n’ont pas été en mesure de lui fournir d’informations relatives à ce sondage électoral », et conclu à « l’absence de tout élément permettant d’établir, de manière certaine, l’existence de ce sondage électoral ». Des représentants de l’UMP ont en outre démenti l’existence du sondage.
Les deux titres ont donc, en réalité, « commenté » les résultats d’un sondage dont ils sont incapables de démontrer l’existence et dont le supposé commanditaire et le supposé responsable démentent avoir connaissance. Ça, c’est de l’information ! Cela méritait au moins un appel de « une » (pour Valeurs actuelles) et un « titre à clics » (pourL’Opinion). Ou quand la misère du journalisme sondagier rencontre la misère de la quête du faux scoop, dans le seul but de faire du buzz à propos d’une échéance électorale qui aura lieu… dans trois ans. Bientôt dans vos kiosques : les commentaires d’un journaliste, anonyme, à propos des déclarations d’un homme politique, qui préfère ne pas dévoiler son nom, au sujet d’un sondage, dont l’existence n’est pas démontrée, concernant la popularité d’un candidat, dont on taira l’identité, à une élection, qu’on préfère ne pas mentionner.
En résumé, Valeurs actuelles et L’Opinion ont sciemment publié un faux sondage, avant de bénéficier de la clémence de la Commission des sondages – qui ne cherche même pas à connaître l’identité du payeur et qui n’a pris aucune sanction contre les deux titres. Sur leurs sites, Valeurs actuelles et L’Opinion se sont contentés – sans retirer l’article et les « résultats » du sondage bidon – de cette « mise au point » : « En application de la loi du 19 juillet 1977, et en l’absence de tout élément permettant d’établir l’existence de ce sondage et, a fortiori, de contrôler la qualité des méthodes retenues pour obtenir les résultats diffusés, la commission des sondages, saisie par un militant écologiste et par le Parti socialiste, appelle l’attention de l’opinion publique sur l’absence de fiabilité de ces résultats ».
Même pas un mea culpa, en somme, ce qui confirme que cette grossière manipulation médiatique jette une lumière crue sur l’état de la déontologie de certaines rédactions et sur les ravages de la folie sondagière.
Jérémie Fabre et Julien Salingue
PS : Le 9 septembre, Raymond Avrillier, ancien élu grenoblois, a décidé de saisir le Conseil d’État à propos du sondage en question, demandant que Valeurs actuelles et L’Opinion « [publient] la mise au point de la commission des sondages avec un titre en aussi gros caractère que leur faux sondage ». L’Observatoire des sondages a décidé d’appuyer sa demande. Affaire à suivre...