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CPN 23-24 septembre : Résolution politique proposée par A&R et Tendance CLAIRE
Lors du CPN des 23-24 septembre, nous avons proposé aux autres composantes de la plateforme A de porter une résolution commune face à celle de la majorité. Seul-e-s les camarades du courant Anticapitalisme et Révolution ont répondu favorablement, ce qui a débouché sur la résolution que nous publions ici mais qui n'a malheureusement pas été majoritaire.
Quelles responsabilités pour les militant-e-s révolutionnaires dans la situation politique actuelle ?
Une classe dirigeante plus que jamais à l'offensive
Les ordonnances Macron contre ce qui reste du Code du Travail sont actuellement la pointe avancée des attaques contre l'ensemble des salariés, des jeunes et des classes populaires. Elles permettent à la fois de mesurer la nature de ces attaques (en finir avec ce qui reste de la protection sociale conquise par les travailleur/se-s ou concédées par les patrons durant le 20ème siècle) et la méthode qu'entend utiliser le gouvernement Macron pour aller le mieux possible au-devant des exigences patronales : la mise en scène d'un prétendu « dialogue social » acceptée par les directions des organisations syndicales, doublée d'une brutalité sans nom dès que la carotte doit céder la place au bâton avec l'état d'urgence permanent et la répression promise à tous ceux qui ne se plieront pas à l'ordre social capitaliste décomplexé. Mais la loi Travail XXL ouvre en fait le bal d'une série impressionnante d'attaques tous azimuts : le licenciement de 150 000 emplois aidés, la pénurie organisée de moyens et de postes dans les universités et les établissements scolaires comme dans l'ensemble des services publics, les attaques contre le statut et les revenus des fonctionnaires (gel du point d'indice, jour de carence, PPCR), la hausse généralisée de la CSG (avec une attaque particulièrement forte contre les pensions des retraité-e-s), la baisse de 5 euros des APL, la future réforme du BAC et les milliers d'étudiant-e-s « sans-fac » à la rentrée...
De plus, on sait que, juste après, Macron veut en finir avec l’assurance-chômage à la fin de l'année (les chômeurs seront radiés s'ils n'acceptent pas des boulots sous-payés) et mettre en place une nouvelle contre-réforme des retraites avec la mise en place d'un système par points : il s'agit de précariser les retraités, puisque la pension de retraites dépendra de la valeur du « point » qui sera revu en fonction de différents critères (espérance de vie, croissance économique, etc.). Autrement dit, la pension de retraite deviendra une variable d'ajustement. Bref, il veut s’en prendre à la logique de la Sécurité sociale, antagonique avec la logique capitaliste. Il veut en finir avec cette institution du salariat qui gère aujourd'hui notre salaire socialisé, et qui a donc vocation à être prise en main entièrement par les représentants des travailleurs. Il s'agit de substituer l'impôt à la cotisation et d'intégrer la Sécu dans le giron de l’État. Les prestations ne seraient plus une partie de notre salaire (socialisé) mais des allocations fournies par l’État à condition de le mériter (pour les chômeurs) ou la liquidation d'une épargne virtuelle (pour les pensions de retraite).
Nous devons bien sûr aussi mettre en avant dans notre propagande de parti que tout cela se fait alors que les cadeaux aux riches de la part des gouvernements bourgeois n'ont jamais été aussi élevés. Bref, que « voler les pauvres pour donner aux riches » n'est évidemment pas une fatalité naturelle mais la logique intrinsèque d'une économie capitaliste plongée dans une crise profonde et durable.
Enfin, le projet politique de Macron, c’est celui de libertés démocratiques de plus en plus restreintes. Avec l'intégration de l'état d'urgence dans le droit commun, nous basculons dans un régime d'exception permanent où l'administration se substitue au pouvoir judiciaire pour embastiller les « déviants » et neutraliser les opposants potentiels. Macron vise à instituer un « capitalisme pur » où toutes les entraves démocratiques et sociales à la liberté du capital doivent être anéanties.
La politique des directions réformistes
Les directions syndicales reproduisent la politique qui a mené en 2010 et en 2016 à la défaite : dialogue social et journées d'action dispersées pour canaliser la mobilisation sans bloquer quoi que ce soit, et donc sans créer un rapport de force suffisant pour faire céder le gouvernement.
Après la journée d'action du 12 septembre, la direction de la CGT a appelé à une nouvelle journée d'action le 21 septembre, sans l'inscrire dans un plan de mobilisation sérieux pour faire céder le gouvernement. Dans la fonction publique, sous l'impulsion de la FSU (qui a refusé d'appeler à la grève le 12 et le 21 septembre), l'ensemble des directions syndicales (CFDT incluse) se sont mises d'accord pour appeler à une journée de grève « fonction publique » le 10 octobre sans faire le lien avec la mobilisation contre les ordonnances. C'est une politique de division qui vise à empêcher un mouvement d'ensemble public/privé, alors que la priorité des fédérations de fonctionnaires aurait du être de mobiliser pour le 21 septembre, en lien avec le privé. Pour compléter le tableau de la division, les retraité-e-s sont appelé-e-s à se mobiliser séparément le 28 septembre.
La direction de FO capitulé devant Macron, renonçant à manifester contre la loi travail XXL, au prix d’une crise interne sans précédent, qui a vu une majorité d’UD et de nombreuses fédérations (dirigées par des lambertistes ou par des réformistes refusant la trahison de Mailly) appeler malgré tout aux manifestations du 12 et du 21, avec une série de militant-e-s et d’adhérent-e-s complètement désorienté-e-s.
La direction de Solidaires affiche son objectif d'un mouvement de grève qui bloque l'économie. Mais dans les faits, elle suit docilement la CGT, et se contente de relayer les journées d'action sans proposer le moindre plan de mobilisation qui dépasse ce cadre.
De son côté, Mélenchon a convoqué en solo sa manifestation pour le 23 dans l’objectif d’en faire un plébiscite de rue à l’appui de son opposition parlementaire ; en même temps, le succès de cette manifestation le conduit à appeler à des suites en lien avec les directions syndicales.
Alors que les travailleur/se-s font face à une attaque sans précédent, les directions réformistes font donc leur maximum pour nous emmener dans le mur.
Et pourtant la rue répond de nouveau « Résistance » !
Les mobilisations des 12 et 21 septembre ont montré que la réaction du monde du travail et de la jeunesse à toutes ces attaques était loin d'être absente. Alors que les directions syndicales ne proposent aucun plan de mobilisation crédible pour gagner et que les organisations de jeunesse ne sont pas encore à l'heure actuelle dotées d'un calendrier de mobilisation propre et de cadre régulier de discussion comme au début du mouvement contre la loi El Khomri, ces deux journées de mobilisation ont montré une disponibilité pour la lutte de notre camp social. On est vraiment loin de toute forme d'état de grâce pour ce gouvernement en place depuis moins de 6 mois ! Finalement ce qu'une poignée de militants syndicalistes et révolutionnaires a osé affirmer depuis le mois d'avril dernier avec la mobilisation du « premier tour social » puis avec la constitution du Front Social et de ses collectifs un peu partout dans le pays, des initiatives de rue régulières au début du mandat (8 mai, 19 juin, 14 juillet), à la fois l'idée de la convergence des luttes, du « tous ensemble » mais aussi et surtout que « c'est dans la rue » que se construirait le rapport de forces contre Macron et son monde, est redevenu une réalité pour des dizaines de milliers de personnes en quelques dizaines de jours durant le mois écoulé.
Cela ne veut pas dire que les illusions parlementaires aient disparu (la proximité de l’élection de Macron pèse encore et la FI, notamment, influence des dizaines de milliers de gens, notamment des syndicalistes), et encore moins que les militant-e-s CGT soient en train de rompre avec la ligne de Martinez. Mais toute une partie de celles et ceux qui ont manifesté sait que ce qui va être déterminant désormais, c’est la mobilisation sociale.
Bien sûr, tout est à faire, à construire pour que justement ce succès soit rendu possible. Des centaines de milliers de travailleurs/se-s seraient prêt-e-s à se lancer dans une grève dure si celle-ci était coordonnée, s’il y avait un signal lancé par les directions confédérales. Mais ces travailleurs/se-s ne sont pas prêt-e-s à se lancer tout seul-e-s dans une grève reconductible. C'est aisément compréhensible. Mais comme l'a montré la grève des Delivroo cet été ou les grèves des enseignants et des personnels de l'Education du 93 depuis la rentrée, il y a d’ores et déjà des luttes qui ont une certaine importance. Il y a même des expériences d'auto-organisation parce que c'est aujourd'hui la condition pour que ces luttes puissent percer à la fois le mur des bureaucraties syndicales et des médias dominants. C'est bon signe pour la suite de nos mobilisations d'ensemble car depuis des années c'est fondamentalement sur cet écueil qu'ont échoué plusieurs secteurs mobilisés pour dépasser les rythmes et les objectifs des directions syndicales (que ce soit en 2010 et en 2016). De ces expériences - certes petites mais précieuses - peut et doit se nourrir une nouvelle génération qui va entrer dans la lutte, souvent bien moins organisée politiquement et syndicalement mais profondément révoltée par ce système. C'est fondamental que les militant-e-s anticapitalistes que nous sommes servent partout où ils/elles sont à renforcer ces équipes en proposant à la fois une politique de regroupement des forces mais aussi des perspectives politiques clairement révolutionnaires.
Tous attaqués alors c'est le moment de riposter tous ensemble !
Les journées de mobilisation interprofessionnelle à l'appel de la CGT des 12 et 21 septembre ont permis de regrouper les salarié-e-s et les jeunes au même moment, tou-te-s attaqué-e-s, tou-te-s dans la rue. Après le 21 septembre se pose de nouveau la question des appels à des journées de mobilisation en ordre dispersé : que ce soit l'appel dans les transports routiers le 25, l'appel des retraités le 28, l'appel dans la fonction publique le 10 octobre (avec certains syndicats qui n'appellent pas au 21 et qui refusent de lier les attaques contre le public et les ordonnances Macron), la métallurgie le 13 octobre... Toutes ces dates après le 21 septembre ressemblent à ce que nous avons déjà connu dans le passé : on divise, on éparpille, on étale... et de ce fait, le mouvement d'ensemble est remisé aux calendes grecques. Nous devons partout où nous militons et quelle que soit notre étiquette syndicale batailler politiquement contre ces calendriers démobilisateurs. Nous devons taper sur le même clou : pour faire reculer le gouvernement et le patronat, c'est un mouvement d'ensemble, une grève générale, un blocage de l'économie que nous devons préparer. D'où l'enjeu de la bataille pour imposer aux directions syndicales une préparation et un appel clair à la grève générale et au blocage de l'économie. Le principal point d’appui est l'appel à la grève illimitée de la CGT et FO transports (chauffeurs routiers) à partir du 25 septembre. Par ailleurs, il y a un certain nombre de prises de position comme l'UD CGT 59 qui appelle à la grève reconductible, les fédérations CGT, Solidaires et FO du commerce qui appellent au blocage, la déclaration intersyndicale de la Chimie qui réclame un véritable plan de mobilisation au-delà des journées d'action, l’appel de l’AG interfac parisienne à faire du 28 la prochaine nouvelle journée de mobilisation… Notre parti doit aujourd'hui défendre que les directions syndicales appellent l'ensemble des travailleurs à rejoindre les routiers dans la grève, à organiser le blocage de l'économie ! Notre parti doit aujourd'hui inviter tous les travailleurs/se-s à s'organiser dans les syndicats pour mettre la pression sur leurs directions, à rejoindre le Front social, à multiplier les initiatives pour préparer la grève reconductible.
Il ne faudra ni attendre miraculeusement « un secteur » qui aurait à lui seul la capacité de bloquer l'économie (les routiers, les cheminots, les raffineurs...), ni les jeunes qui auraient à eux seuls la capacité d'enflammer les rues des grandes villes, mais il faut travailler partout à préparer la grève dans nos secteurs et, là où elle prendra, regrouper les grévistes mêmes minoritaires (de toute façon forcément minoritaires dans un premier temps) dans les villes, les zones d'activités économiques, dans des AG interprofessionnelles régulières (dès que l'occasion est rendue possible) pour y décider des actions collectives permettant à la fois de populariser la grève (« équipes marchantes » pour aller discuter, differ des tracts,), de tenter des actions de blocage économique pouvant renforcer des équipes de salariés en grève... C'est à cela que nous devons nous employer dans les semaines qui viennent : à la fois de manière propagandiste par le biais de nos organes de communication divers et variés (tracts, bulletins, journal, émissions TV, réseaux sociaux) et aussi le tenter vraiment là où nous le pouvons quand notre implantation nous le permet et là aussi où la colère est plus avancée et permet de faire écho à nos propositions militantes.
Renforcer le Front Social et les cadres auto-organisés
En tant que militant-e-s du NPA nous devons renforcer partout les cadres collectifs du Front Social (les collectifs en eux-mêmes, mais aussi leurs apparitions publiques dans les manifestations, les mouvements de grève, les mobilisations de tels ou tels secteurs). C'est actuellement le cadre qui permet le mieux à notre échelle de discuter au-delà de nos simples forces d'une politique alternative aux directions syndicales et de renforcer concrètement l'idée de la prise en main par les salariés et les jeunes eux-mêmes de leurs luttes et leurs modes d'actions. Il faut aussi comme nous le faisons avec le Collectif Touche pas à Ma ZEP et le Clap renforcer et aider toutes celles et ceux qui ont cette préoccupation dans les cadres de mobilisation auto-organisés. De nombreux-ses militant-e-s du NPA ont l'écoute d'une frange significative de jeunes et de salarié-e-s mobilisé-e-s mais aussi d'autres militant-e-s d'autres courants politiques. Là aussi une certaine accumulation d'expériences, souvent nourrie par le mouvement de 2016, est en train de voir le jour, entre des réseaux de lutte, des militant-e-s syndicalistes lutte de classe ou des militant-e-s révolutionnaires : nous y prenons toute notre place dès lors que nous avons des priorités d'intervention et une politique coordonnée dans les mouvements. Nous devons avoir confiance dans nos idées révolutionnaires et notre capacité à proposer une politique pour l'ensemble de notre classe se dessinera nettement plus clairement !
Défendre l'unité ouvrière, la perspective de la grève générale et nous démarquer plus que jamais des impasses réformistes
Aller distribuer un tract et s'adresser aux personnes ayant répondu à l'appel de Mélenchon le 23 septembre est finalement quelque chose de banal et de naturel pour des militants révolutionnaires : il s'agit de disputer aux réformistes leur influence sur des franges larges de la classe ouvrière en leur proposant à la fois l'unité dans le combat et en essayant de les convaincre qu'il n'est pas de sauveur suprême ni de bonnes solutions électorales. Mais évidemment il ne peut être question de laisser la moindre ambiguïté sur le fait que les intentions de Mélenchon ne sont pas les nôtres (comme celles du PC) ! Là aussi nous pouvons être entendu-e-s. Mais cela suppose de ne pas sous-estimer ce que nous pesons, ce que nous sommes et ne pas renoncer à la construction d'un parti révolutionnaire au profit d'un quelconque « espace représentant les exploités ».
La construction des cadres larges au service du mouvement social et de la lutte des classes (collectifs Front Social, cadres auto-organisés, noyaux syndicalistes opposés au dialogue social...) n'est évidemment pas contradictoire avec le renforcement de notre organisation, le NPA et avec notre volonté de construire un véritable parti révolutionnaire, implanté dans la classe ouvrière et la jeunesse. C'est en faisant le lien avec la nécessité de doter notre classe sociale d'un outil au service de son combat quotidien pour son émancipation et l'impasse que représentent aujourd'hui toutes les formes d'aménagement du capitalisme (cf la Grèce, l'Etat espagnol) que nous pouvons renforcer notre courant politique qui est le seul à défendre que seule la classe ouvrière pourra imposer par sa force et sa capacité à prendre en main le contrôle de l'économie, une autre société, débarrassée du profit et de l'exploitation. En cette année anniversaire de la révolution russe, il est fondamental que nous puissions défendre l'actualité et la nécessité de la révolution.
Enfin, car il aurait été tellement plus souhaitable que ce soit les organisations comme le NPA, LO, AL qui proposent une manifestation nationale à Paris le lendemain du vote des ordonnances Macron (et qu'ils la proposent évidemment à l'ensemble du mouvement ouvrier et des salariés, des jeunes et des retraités), nous défendons qu'aujourd'hui l'unité des révolutionnaires est plus que jamais nécessaire pour défendre de manière audible une politique indépendante des réformistes et aider à la construction du rapport de force dans les lieux de travail et d'étude pour préparer l'affrontement avec le pouvoir et les patrons.