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Situation à La Poste dans le 92 : une lutte en partie victorieuse qui devrait inspirer tous les secteurs
Après plus de 3 mois de paralysie très importante due à la crise du Covid-19, l’heure est à la reprise de l’activité à la Poste de Boulogne-Billancourt, le plus gros bureau de distribution du courrier des Hauts-de-Seine.
Droit de retrait massif pour faire reculer la direction
Première chose à noter, et c’est un aspect positif (ce n’est pas souvent le cas au milieu du bazar chronique qu’est la Poste), c’est au niveau normes sanitaires. Au moment du début confinement et pendant le premier mois qui a suivi, il n’y avait strictement aucune norme de protection contre le coronavirus. Pas de masques, pas de gel, refus de mettre des aménagements en place, distributions de protections ridicules à base de mouchoirs ou de bouteilles de savon. Une illustration du mépris du patronat pour la santé des travailleur.se.s. Il a fallu 3 semaines de bataille de SUD PTT 92 (syndicat majoritaire à La Poste dans le 92), un droit de retrait massif de plusieurs dizaines d’agents, ainsi que des nombreux absent.e.s pour garde d’enfant ou arrêt maladie, pour que des mesures soient enfin prises.
Les mesures obtenues
Mise au pied du mur, la direction a finalement fait ce que demandaient les syndicats : marquages au sol partout, clairs et lisibles ; bouteilles de gel aux 4 coins du bureau ; bouteilles de spray virucide pour nettoyer les positions de travail ; casiers déplacés et espacés (au delà du Covid-19, ça rend le travail plus agréable) pour assurer à tous 1 mètre minimum d’écart, voir 2 mètres. Et évidemment masques obligatoires dans la salle de production. Il est autorisé de l’enlever uniquement en extérieur, sur les tournées, ou à l’intérieur si on est statique sur la position de travail. Chaque postier reçoit un approvisionnement minimal de 2 masques chirurgicaux par jour, et 4 si l’on prend les transports en commun aller et retour. Par ailleurs, pour limiter au maximum les contacts, il n’y a plus d’obligation de monter aux étages pour distribuer les recommandés aux usagers, possibilité est donnée (avec leur autorisation) de les signer à leur place et les mettre dans leur boite. Rien ne laisse penser que ces mesures seront levées avant la fin définitive de la crise sanitaire (donc probablement 1 an minimum), même si la vigilance doit toujours être de mise.
La direction jette les intérimaires au chômage…
Au niveau organisation du temps de travail, c’est par contre là que le bas blesse. Pendant le confinement, la Poste a refusé mordicus de réduire la production au strict nécessaire (portage de médicaments, de fournitures hospitalières et de courriers entre soignants), comme l’exigeait SUD-PTT. Mais confrontée à un tsunami d’absences et de baisse de l’activité, elle a dû se résoudre à passer début avril à 3 jours de travail par semaine, puis 4 jours le 20 avril. Elle en a profité pour licencier tous les intérimaires et CDD, soit 20 % des effectifs. C’est l’illustration à la Poste d’un problème plus général : partout, ce sont d’abord aux précaires que les capitalistes vont essayer de faire payer la crise, en profitant de l’énorme précarité que tous les gouvernements depuis 40 ans ont installée pour permettre aux patrons d’augmenter l’exploitation.
…mais doit reculer sur l’organisation du travail
Cependant, la direction de la Poste 92 n’a pas eu autant de succès dans ses mesures sur l’organisation du travail.
Le 7 mai, d elle avait décidé de nous faire repasser à 35 heures sur 5 jours, + une semaine de 6 jours avec un samedi travaillé, enterrant ainsi un régime de RTT favorable conquis par la lutte (sur Boulogne, 18 jours ouvrables de travail = 3 jours de RTT collés à un dimanche) et entraînant des gros problèmes pour la prise des congés d’été.
Mais Sud Poste 92 s’est opposé à ce qui aurait été un immense recul pour les postier.e.s du 92. En effet, une fois levées les mesures de restriction et de confinement, soit dès le 11 mai, il aurait fallu en revenir à l’organisation du planning précédant la pandémie, la direction s’y étant d’ailleurs engagée par écrit. Légalement, la seule organisation du temps de travail valable hors pandémie étant celle votée en CHSCT depuis plusieurs années. Le rythme sur 3 ou 4 jours était une mesure d’exception liée à la pandémie, et pas une organisation pérenne destinée à se maintenir. La semaine de 5 jours à effectifs réduits de 20 %, sans donner aucune quantification de la charge de travail que cela occasionne pour les salariés, est illégale. Une expertise a été déposée pour la bloquer, ainsi qu’une assignation au tribunal de Nanterre.
Vendredi dernier, le TGI de Nanterre a rendu sa décision : obligation de revenir à la semaine de 4 jours et 28h00, sous peine de 100 000 euros d’astreinte par infraction constatée, une somme énorme à payer même pour une grosse machine comme la Poste. Tous les bureaux du 92 ont donc rebasculé depuis hier sur le régime de confinement. SUD PTT 92 exige d’ouvrir des négociations sur la base du retour à l’organisation pré-pandémie, avec évidemment retour aux effectifs d’alors, et en maintenant la revendication de titularisation de tous les précaires, intérimaires et CDDs.
Un exemple à généraliser pour changer le rapport de forces
La situation est donc pour le moins complexe et confuse, mais elle prouve à minima que les batailles syndicales menées avec conviction peuvent permettre d’obtenir des avancées. Que ce soit sur le plan sanitaire : si les postiers ont fini par obtenir de travailler dans des conditions les protégeant du coronavirus, ce n’est pas par bonté d’âme soudaine des dirigeants de la Poste, mais bien par une mise en demeure de celle-ci (notamment quand a été découvert qu’ils avaient caché 24 millions de masques à leurs propres salariés) ; ou bien sur la question du temps de travail et des cadences : en passant (pour une durée que l’on ne connaît pas à ce stade) à une semaine de 28h00 de travail payée 35 et 3 jours de repos dans la semaine, montrant que la réduction du temps de travail est une revendication valable. Malheureusement, à ce stade, un rapport de forces suffisant pour empêcher le licenciement des intérimaires n’a pas pu être construit, même si c’est clairement l’objectif.
Ainsi, après l’exemple de la lutte des salarié.e.s d’Amazon, en voilà un autre qui montre que, contrairement au discours lénifiant des directions syndicales nationales, il est possible de faire autre chose que de subir et d’accompagner les reculs. Si ce type de combat était mené partout, d’abord à La Poste, mais aussi dans tous les autres secteurs, le rapport de forces entre les travailleur.se.s et les patrons se modifierait. Cela permettrait de créer les conditions d’une lutte générale pour combattre les licenciements et défendre le droit pour tout.e à un emploi correctement rémunéré. Car c’est seulement toute la classe ouvrière se mettant en mouvement qui pourra défendre avec succès les couches les plus précaires, en imposant le partage du travail avec le maintien intégral du salaire. Partout où nous intervenons, tout en menant les bagarres quotidiennes, nous entendons contribuer avec nos collègues de travail à créer les conditions d’une telle lutte d’ensemble.