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Grèce : pas d’issue pour les travailleurs/ses sans rupture révolutionnaire avec la bourgeoisie grecque et l’UE capitaliste !
Lire aussi le 4 pages diffusé lors de la manifestation de dimanche 15 février : http://tendanceclaire.npa.free.fr/contenu/autre/Grece-TC-4pages.pdf
La crise économique terrible et le tournant austéritaire de 2009
L’ampleur de la crise économique en Grèce a été considérablement accentuée par le cadre de l’Union monétaire européenne. La mise en place de l’euro a en effet figé les parités entre monnaies, et empêché les pays les moins compétitifs de déprécier leur monnaie. Le cadre de l'euro a fait des salaires la seule variable d'ajustement pour redresser la « compétitivité ». L’ajustement a été différé dans les années 2000, au prix d’un déficit commercial grandissant et d’un gonflement de l’endettement (dopé par les taux d’intérêt particulièrement bas) sans rapport avec les profits dégagés dans l’économie. Mais le déclenchement de la crise a rendu l’ajustement inévitable et spectaculaire. Il a été initié par Papandréou (PASOK), immédiatement après sa victoire aux élections législatives d’octobre 2009, malgré ses promesses d’une relance keynésienne de l’économie (hausse des salaires et des dépenses publiques). Depuis 2009, les salaires ont baissé d'environ 30%. Les conséquences ont été terribles sur les conditions de vie des travailleurs/ses. Le système de santé est délabré et la malnutrition se développe. Le taux de suicide a augmenté de 44% en 4 ans.
Les politiques d’austérité ne sont pas la cause de l’effondrement économique, elles en sont la conséquence inéluctable dans le cadre du capitalisme. Leur violence a été décuplée en Grèce par le cadre de l’euro L’augmentation du taux d’exploitation permise par celles-ci et la purge du capital excédentaire (permise par les faillites d’entreprises) ont permis au taux de profit de se redresser depuis quelques mois. Au prix d’un sacrifice humain terrible, le déficit public est désormais en dessous de 3% du PIB, et l’État dégage même un « surplus primaire », c’est-à-dire un excédent du budget de l’État avant paiement des intérêts de la dette. La croissance (1%) est revenue en 2014, et la Commission européenne prévoit dorénavant une croissance de 2,5% en 2015 et 3,5% en 2016, c’est-à-dire bien supérieure à la moyenne européenne. Mais ces prévisions font bien évidemment abstraction du contexte politique.
Depuis 2009, les directions réformistes canalisent la colère populaire et permettent au gouvernement d’appliquer le programme de la Troïka
Depuis 2009, la Troïka (Commission européenne, BCE, FMI) a mis la Grèce sous tutelle et a octroyé de nouveaux prêts à la Grèce (« les plans d’aide ») pour qu’elles continuent à payer ses dettes aux banquiers, avec « en contrepartie » un ensemble de réformes structurelles dévastatrices : baisse du salaire minimum, liquidation des conventions collectives, licenciement de fonctionnaires, etc. Une grande partie du patrimoine national (entreprises publiques, littoral, etc.) a été bradée aux groupes impérialistes.
L’assise populaire des partis bourgeois gouvernementaux s’est effondrée. Alors que le PASOK et la Nouvelle Démocratie représentaient ensemble depuis des années autour de 80% des suffrages exprimés, leur base électorale s’est effondrée en 2012, ce qui a les a obligé à former un gouvernement d’union nationale, majoritaire uniquement grâce à la prime de 50 députés pour le parti arrivé en tête.
Les directions syndicales ont tout fait pour empêcher la révolte populaire de bloquer l’économie et de renverser le gouvernement. Depuis 2009, plus de 30 journées de « grève générale » dispersées ont canalisé la colère tout en évitant la paralysie du pays. Les principales centrales syndicales (ADEDY dans le public et GSEE dans le privé) ont donc protégé le gouvernement, tout comme le PAME, pôle syndical dirigé par le KKE (parti communiste stalinien), aux déclarations radicales, mais qui a lui aussi refusé de donner d’autres perspectives que des journées d’action dispersées. Quand la foule voulait envahir le parlement, c’est le service d’ordre du KKE qui a aidé la police à protéger les institutions bourgeoises de la vindicte populaire. Quant à la direction de Syriza, elle n’a rien fait pour stimuler les luttes ; en 2013, elle a par exemple refusé de soutenir les enseignants en grève qui voulaient braver l’ordre de réquisition, n’offrant comme perspective aux travailleurs/ses en lutte que d’attendre les prochaines élections.
Janvier 2015 : Victoire électorale de Syriza
L’incapacité de la majorité sortante à faire élire un président de la république par le parlement (à la majorité qualifiée de 60%) a contraint le premier ministre Samaras à convoquer des élections législatives anticipées. Avec un peu plus de 36% des voix (contre 28% à la Nouvelle Démocratie de Samaras), Syriza a progressé de presque 10 points par rapport à 2012 et a frôlé la majorité absolue au parlement, obtenant 149 sièges sur 300. Son électorat s’est homogénéisé, et il a surtout progressé parmi les classes moyennes. L’énorme enjeu de l’élection et la pression au vote utile auraient pu se traduire par une dégringolade de la gauche anticapitaliste. Mais le KKE passe de 4,5% à 5,5%, et Antarsya (en coalition avec des courants réformistes de gauche anti-UE) double son score, certes modeste, passant de 0,33% à 0,64%. Les vieux partis de « centre gauche » sont laminés : le PASOK réalise 4,7% (encore 12,3% en 2012), et les dissidents du PASOK (autour de Papandréou) ne franchissent pas la barre des 3%. Dimar, scission de droite de Syriza, est lui aussi laminé et discrédité par sa participation au gouvernement d’union nationale. L’espace du centre gauche est désormais dominé par une nouvelle formation « La Rivière », social-libérale pro-européenne qui a réalisé 6%. Les néonazis d’Aube dorée se hissent en troisième position, bien qu’ils aient été impliqués dans des affaires criminelles (meurtres, extorsions de fonds, etc.) et que leurs principaux dirigeants soient en prison : si leur progression est pour le moment enrayée avec 6,3%, ils bénéficient d un fort soutien parmi les forces de répression de l’appareil d’État. C’est un élément lourd de menace si la situation allait dans le sens d’un grand affrontement de classes dans la rue et dans les grèves. Quant aux Grecs indépendants, souverainistes de droite (mais pour rester dans l’UE), ils sont en repli à 4,7% contre 7,5% en 2012.
Tsipras a fait le choix de s’allier avec les Grecs indépendants, en offrant le ministère de la Défense à leur dirigeant Kammenos, leader populiste, raciste, nationaliste, autoritaire, proche de l’armée et l’Église. Il aurait pu symboliquement s’adresser au KKE, malgré leur sectarisme légendaire. Il aurait pu tenter de mettre en place un gouvernement minoritaire, quitte à provoquer ensuite de nouvelles élections pour avoir une majorité absolue. Mais Tsipras a fait le choix de faire un gouvernement de « salut national » et de s’allier avec des défenseurs autoritaires de l’ordre capitaliste. Le cadre est fixé : pas question de toucher à la propriété capitaliste, aux structures de l’État bourgeois (et notamment à son appareil répressif), il s’agira de rompre avec l’austérité à l’intérieur de ce cadre…
Le programme de Syriza : des mesures d’urgence limitées, et aucun moyen pour les mettre en œuvre !
L'espoir suscité par Syriza repose sur un certain nombre d'engagements anti-austérité, notamment : rétablissement du salaire minimum à son niveau de 2012 (751 €) ; rétablissement d’un treizième mois pour les retraites inférieures à 700 € mensuels ; abolition d’une taxe immobilière injuste ; réintégration de 2 000 fonctionnaires licenciés, dont les femmes de ménage de l’administration des finances qui ont mené une lutte emblématique ; annulation des mesures flexibilisant le marché du travail. Tsipras a promis de mettre en œuvre immédiatement un plan de 12 milliards pour répondre à l'urgence humanitaire… mais en comptant essentiellement sur des fonds européens, la lutte contre la fraude fiscale, et le retour de la croissance.
Mais quels sont les moyens pour mettre en œuvre ces promesses ? En 2012, Syriza n’avait déjà pas un programme anticapitaliste. Mais il s’engageait à mettre en œuvre un certain nombre de réformes structurelles pour essayer de rendre crédibles une rupture avec les politiques d’austérité. Les promesses anti-austérité ont été maintenues mais les mesures structurelles ont disparu. On peut ainsi parler d’un tournant « populiste » de Syriza, en rupture avec le réformisme classique.
À genoux devant la bourgeoisie grecque, son Église et son État
Enfin, même une partie des « promesses » commencent à fondre deux semaines après l’arrivée au pouvoir. En apparence, dans les jours qui ont suivi sa victoire, Tsipras a tenu bon sur ses engagements anti-austérité. Mais ce n'est en fait déjà plus tout à fait le cas. Les reculs ont déjà commencé. La hausse du salaire minimum à 750 € est officiellement maintenue... mais d'ici 2016, par étapes, et avec des compensations pour le patronat (exonérations fiscales). L'impératif semble être de ne pas nuire à la compétitivité des entrepreneurs grecs, dont les Grecs indépendants se veulent les fervents défenseurs. Tsipras le magicien veut faire croire qu'il pourra augmenter les salaires sans prendre sur les profits.
En outre, les mesures de réintégration de fonctionnaires ne sont pas seulement très maigres par rapport aux milliers de licenciements réalisés par le précédent gouvernement, mais les ministres expliquent qu’elles dépendront des négociations internationales.
Les mesures favorables aux droits des étrangers et des LGBTI sont manifestement, par delà les discours, reportées aux calendes grecques, au vu de l’alliance avec les Grecs Indépendants et donc l’Église orthodoxe
De même, l’arrêt de privatisations reste dans le flou, d’autant plus que Tspiras s’est engagé à respecter le budget…d’austérité voté par l’ancienne majorité ND-PASOK et auquel Syriza s’était à l’époque opposé !
Syriza ne promettait pas l’expropriation des gros capitalistes, mais il promettait la nationalisation du secteur bancaire, puis la simple constitution d’un pôle public bancaire. Aujourd’hui, il n’est plus question de nationaliser la moindre banque.
À genoux devant l’UE, la BCE et le FMI
Syriza promettait d’annuler unilatéralement la plus grande partie de la dette. Aujourd’hui, il n’est plus question d’annuler la dette, ni même de décréter un moratoire sur le paiement des intérêts, mais de la renégocier tout en continuant les remboursements. L’objectif affiché par le nouveau ministre de l’économie grec Varoufakis est de ramener la dette publique à 120% du PIB (contre 175% aujourd’hui). Il a d’ailleurs fait appel au banquier français Matthieu Pigasse pour le conseiller dans la négociation afin d’atteindre cette cible. Les économistes de Syriza rivalisent d’ingéniosité pour proposer des dispositifs visant à alléger le fardeau de la dette (« obligations perpétuelles », etc.) mais il n’est plus question d’annuler une partie significative de la dette.
Cet objectif est en fait partagé par la bourgeoisie européenne (qui a déjà allégé la dette grecque d’environ 40 milliards en 2012) qui sait très bien que la dette grecque est insoutenable et qu’il faudra encore l’alléger pour que l’État grec continue à payer. L’enjeu, pour la bourgeoisie européenne, est ailleurs : éviter une annulation de la plus grande partie de la dette grecque et imposer la poursuite d’un agenda de contre-réformes libérales.
Syriza promettait « pas un seul sacrifice pour l’euro ». Ce slogan était déjà problématique puisqu’il laissait croire qu’un gouvernement pouvait rompre d’emblée avec l’austérité sans rompre avec l’UE et sa monnaie. Ce slogan a été encensé par la direction du NPA qui y voyait une belle preuve d’internationalisme. En fait, il traduisait déjà à l’époque, en cohérence avec l’ensemble du programme réformiste de Syriza, le refus d’assumer la nécessaire rupture avec le capitalisme et notamment avec les institutions capitalistes de l’UE. Et il préparait le terrain à la position actuelle de la direction de Syriza : le refus d’envisager la rupture avec l’UE et l’euro quels que soient les diktats de la BCE, quelles que soient l’issue des négociations. Autrement dit, Tsipras s’engage à se soumettre à tout ce que les bourgeoisies grecque et européenne lui imposeront.
L’épreuve du pouvoir : Tsipras fait encore semblant... mais il est dans une impasse totale
La position des institutions européennes et des gouvernements est claire : d’accord pour un allègement de la dette, pour de nouveaux prêts, mais à condition que la Grèce respecte les engagements contenus dans le deuxième plan d’aide (mis en place en 2012) et s’engage sur un programme de contre-réformes. La position de Tsipras a d’abord été : je veux un allègement significatif de la dette et des fonds européens sans contrepartie. Inacceptable pour les institutions européennes, et la BCE a décidé mercredi 4 février de couper un robinet de financement des banques grecques tant qu’un accord n’était pas trouvé entre Tsipras et les européens1. Le deuxième plan d’aide se termine le 28 février, avec à la clé un versement de 7 milliards sans lesquels la Grèce risque la banqueroute. Mais les gouvernements européens sont très clairs : pas question de verser le moindre euro sans engagement précis du gouvernement à mettre en œuvre les réformes contenues dans ce plan.
Malgré un discours en apparence très à gauche lors de son discours d’investiture mardi 10 février, Tsipras met de plus en plus d’eau dans son vin, car il est dans une position intenable, d’autant plus que la fuite des capitaux s’accentue sans que Tsipras ne prenne aucune mesure administrative pour l’entraver. Sans déblocage de fonds européens, il ne pourra plus rembourser sa dette, et même faire face à ses dépenses, payer ses fonctionnaires, etc. D’où l’obligation pour Tsipras de faire des concessions importantes et rapides.
Dans ce sens, le nouveau gouvernement grec est venu à la réunion de l’Eurogroupe (réunion des ministres des finances de la zone euro) de mercredi 11 février avec de nouvelles propositions de compromis pour parvenir à un accord. Tsipras propose qu’un « plan relais » prenne la suite du deuxième plan d’aide jusqu’à l’été prochain, le temps de négocier… et tout en bénéficiant de fonds européens pour tenir le coup d’ici là. Pour convaincre les gouvernements européens :
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Varoufakis a indiqué qu’il était prêt à s’engager à un surplus primaire (budget de l’État) de 1,5% du PIB afin de continuer à payer les créanciers
-
Il a déclaré que la Grèce était prête à s'engager sur « 70% des réformes contenues dans le mémorandum existant ». On est bien loin des discours enfiévrés de campagne du démagogue Tsipras qui déclarait « Samaras appartient au passé, bientôt les mémorandums aussi ! ». Il ne s'agit plus aujourd'hui que de jeter 30% des mémorandums2... et bientôt 20% ? 10 % ?
Mais cette ouverture n’a pas débouché sur la moindre perspective d’accord. Les Européens s’opposent à un « plan relais » et exigent une prolongation « technique » du deuxième plan d’aide, et donc le maintien du contrôle de la Troïka sur la mise en place des contre-réformes structurelles. Pour les bourgeoisie européennes, il s’agit d’un problème politique extrêmement grave. D’une part, il leur faut éviter tout effet domino sur la confiance envers les États européens les plus endettés à rembourser leurs dettes. Or, c’est ce que des mesures d’allégement trop rapides et trop larges, sans la poursuite des plans d’ajustement, pourraient risquer de provoquer. D’autre part, il leur faut éviter que les travailleurs/ses en Europe aient l’impression qu’une autre politique est possible et que renaisse parmi eux l’espoir d’une rupture (même partielle) avec l’austérité. En effet, cela pourrait provoquer des mobilisations de masses contre les nouvelles mesures d’austérité et les gouvernements déjà affaiblis partout en Europe (Espagne, Italie, France, etc.). D’où cette ligne dure. Mais les liens ne sont pas rompus et une nouvelle réunion de l’Eurogroupe est prévu lundi 16 février.
Vers la capitulation ou vers la rupture avec la bourgeoisie grecque et l’UE
Tsipras est pris dans une contradiction tragique :
-
il ne veut pas rompre avec la bourgeoisie grecque et veut rester à tout prix dans l’Union européenne et l’euro
-
il ne peut pas abandonner tout son programme anti-austérité sous peine d’être submergé par une vague de contestation qui menace la survie même de son gouvernement
C’est pourquoi Tsipras n’a qu’une carte à jouer : supplier les gouvernements européens de faire quelques concessions pour lui donner quelques marges de manœuvres pour appliquer quelques mesures de son programme. Parier sur quelques concessions est rationnel car les gouvernements européens n’ont pas du tout intérêt à la sortie de la Grèce de l’UE, qui entraînerait un défaut de paiement quasi-total de la Grèce qui aurait des répercussions difficiles à évaluer sur l’ensemble de la zone euro. A partir de là, deux issues sont possibles :
-
soit un compromis est trouvé entre Tsipras et la Troïka : Tsipras renoncera à la plus grande partie de son programme, mais il pourra néanmoins appliquer quelques mesures pour sauver la face.
-
soit une position intransigeante de l’UE le pousse à son corps défendant en dehors de la zone euro
Ce dernier scénario est le plus improbable mais il ne peut pas exclu à ce stade, car Tsipras peut difficilement renoncer à tout son programme aussi rapidement. La pression de la rue est forte. Dans ce cas, la rupture déboucherait sur une dévaluation de la nouvelle monnaie grecque, un défaut de paiement, et obligerait probablement Tsipras à nationaliser le secteur bancaire pour faire cesser la fuite des capitaux. Ce serait un premier pas en avant, qui ouvrirait une brèche dans le carcan capitaliste de l’Union européenne. Mais il faudrait évidemment aller plus loin, et engager un processus de rupture avec l’ordre capitaliste grec pour pouvoir sortir de l’austérité. Et tout cela sera impossible sans mobilisation des masses, auto-organisées, d’abord pour exiger que Tsipras mette en œuvre son programme, mais aussi dès maintenant pour formuler toutes les revendications répondant aux besoins des salarié-e-s, même si elles débordent le cadre très étroit du programme de Tsipras.
Combattre pour une issue anticapitaliste et révolutionnaire à la crise grecque !
Il ne s'agit pas de jouer aux oiseaux de mauvaise augure : il s'agit de ne pas faire croire que Tsipras pourrait réussir à rompre avec l'austérité sans toucher à la propriété privée des moyens de production et en restant dans le carcan de l'UE et de l'euro. C'est impossible. Alors que les marges de manœuvre étaient bien plus grandes et que les programmes de Mitterrand et Papandréou (père) étaient bien plus à gauche en 1981, les expériences antilibérales ont systématiquement échoué. Non pas parce que Mitterrand ou Papandréou ne voulaient pas mettre en œuvre leurs mesures anti-austérité, mais parce qu'ils ne le pouvaient pas à partir du moment où ils acceptaient de gouverner dans le cadre du capitalisme. Augmenter les salaires et augmenter les dépenses publiques dans un contexte de crise, c'est réduire les profits, et donc aggraver la crise de rentabilité du capital, et donc rendre impossible le financement des politiques keynésiennes de relance.
Le marxisme n'est pas compatible avec la démagogie keynésienne, et notre devoir est d'alerter sur l'impasse dans laquelle se trouve le gouvernement de Tsipras. La seule issue réside dans l'émergence d'un puissant mouvement des travailleurs/ses qui s'oppose aux renoncements de Tsipras et qui débouche sur un gouvernement des travailleurs/ses, en rupture avec les institutions de la bourgeoisie, et qui prennent les mesures minimales suivantes pour rompre effectivement avec l'austérité :
-
nationaliser sous le contrôle des travailleurs/ses le secteur bancaire pour prendre le contrôle du crédit
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réquisitionner la Banque centrale grecque pour faire cesser le chantage de la BCE : il s'agit d'émettre une nouvelle monnaie qui serait inconvertible sur les marchés financiers et donc entièrement contrôlée par la population
-
annuler unilatéralement la totalité de la dette publique qui est désormais détenue principalement par les États impérialistes
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mettre en place le monopole du commerce extérieur : toutes les transactions avec l'étranger doivent être contrôlées par le gouvernement des travailleurs/ses. Cela ne signifie pas l'autarcie : les exportations permettront d'acquérir des devises qui financeront les importations, mais la monnaie de l’État ouvrier ne sera pas librement convertible avec les monnaies capitalistes.
-
nationaliser sous le contrôle des travailleurs/ses les entreprises stratégiques, car l'appareil productif doit être socialisé et activé pour satisfaire les besoins sociaux, en rupture avec toute logique de profit
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rompre immédiatement avec l'UE et sa monnaie. Pas question d'obéir au moindre diktat et de partager des règles communes avec des États capitalistes
Sans théoriser que le socialisme est possible dans un seul pays, il s'agit de prendre les mesures qui permettent d'engager une rupture anticapitaliste à l'échelle nationale, tout en luttant de façon acharnée à l'extension du processus révolutionnaire à d'autres pays. Car rester dans l'UE, c'est forcément capituler et appliquer les politiques qui sont inhérentes à cette prison capitaliste. Et cette rupture radicale avec le système sera le meilleur remède pour mater le fascisme naissant et le développement des idées racistes
Ici en France, nous devons dénoncer toutes les pressions et chantages auxquels participe notre gouvernement. Nous sommes totalement solidaires du peuple grec face à ces attaques, et nous exigeons l'annulation totale et immédiate de la dette grecque détenue par l'État français. Le gouvernement, le PS, l’UMP, et le FN disent en cœur qu’il n’est pas question pour le contribuable français de payer pour la gabegie des grecs : ils cherchent à faire en sorte que les travailleurs/ses de France se sentent solidaires de la politique de la bourgeoisie française contre le peuple grec. A cela, nous répondons qu’il n’est en effet pas question que les travailleurs/ses de France payent un centime de la dette grecque, mais que c’est aux capitalistes français, aux banquiers et aux industriels, qui se sont enrichis sur le dos des travailleurs grecs, comme ils le font sur le nôtre tous les jours, de payer la dette. Nous sommes solidaires des travailleurs/ses grecques qui luttent contre l’austérité. Mais cela ne veut évidemment pas dire que nous soutenions la politique du gouvernement Tsipras. Comme nous l’avons montré ici, sa politique est précisément incompatible avec une réelle rupture avec l’austérité et l’amélioration significative de la situation des salarié-e-s. L’issue ne se trouve que dans la mobilisation et l’auto-organisation des travailleurs/ses pour leurs revendications et pour leur propre gouvernement.
Malgré des critiques fraternelles que nous pouvons leur adresser, notre soutien va aux anticapitalistes d'Antarsya qui maintiennent leur indépendance politique par rapport à Syriza. Comme nous, ces camarades mettent en avant la nécessité de nationaliser les banques et les entreprises stratégiques, de rompre avec l’UE et l’euro, et d’annuler la dette publique.
1 Ce type de coup de pression de la BCE n’est pas une première. En 2010, la BCE avait déjà fait chanter le gouvernement irlandais, et en 2013 c’était au tour de Chypre. A chaque fois, les gouvernements ont obtempéré aux exigences de la BCE.
2 Les mémorandums sont des protocoles d’accord entre la Grèce et la Troïka, qui spécifient très précidément les conditions que la Grèce doit remplir pour continuer à percevoir des fonds. La Troïka a organisé ensuite des visites régulières d’inspection en Grèce, et peut décider de retarder le paiement de la tranche suivante, si elle constate que les efforts demandés en échange de l’argent n’ont pas été accomplis.