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Grèce: Berlin veut pousser son avantage
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le gouvernement grec a cédé beaucoup de terrain dans sa demande de financement de six mois. Mais l'Allemagne veut pousser son avantage.
Lorsque l'on a commencé à boire la coupe, il faut aller à la lie. Voici, en substance, la réaction de l'Allemagne à la demande de financement qu'a déposé, ce jeudi 19 février, le gouvernement hellénique auprès du président de l'Eurogroupe, le ministre des Finances néerlandais Jeroen Dijsselbloem.
Ce qu'Athènes a accepté
Dans cette demande, signée du ministre des Finances grec Yanis Varoufakis, la Grèce avait pourtant fait de larges concessions, allant plus loin que le document proposé lundi par Pierre Moscovici et remplacé par Jeroen Dijsselbloem. Athènes affirmait ainsi « reconnaître comme engageant le contenu financier et juridique de l'accord de financement (Master facility agreement) passé avec le Fonds européen de Stabilité financière (FESF). » Cette disposition reconnaissait de fait, conformément à l'article 10-1 de l'accord, le droit des créanciers « d'envoyer ses agents ou d'autres représentants pour mener les contrôles financiers ou techniques qu'ils jugeront bons de réaliser. » Bref, c'était admettre la poursuite d'un contrôle par « les institutions », puisque la lettre ne parle plus de la troïka. En réalité, c'était faire revivre une forme nouvelle de troïka.
Cette lettre affirme à nouveau la volonté de la Grèce de se soumettre aux contrôles des créanciers en renonçant « à toute action unilatérale qui pourrait remettre en cause les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière. » Cette phrase, qui avait été jusqu'ici refusée par la Grèce limite de facto la souveraineté budgétaire du pays qui devra donc mener sa politique budgétaire dans les cadres définis en accord avec ses créanciers. Du reste, Athènes s'engageait à dégager des « excédents appropriés. » En attendant, le pays s'en remet aux « flexibilités » comprise dans les accords, comme l'exigeait la déclaration de Jeroen Dijsselbloem lundi qu'Athènes avait refusé de signer.
Les demandes de la Grèce
Moyennant quoi, la Grèce demandait la poursuite du financement, l'acceptation par la BCE de la dérogation concernant l'acceptation de la dette grecque à son guichet suspendue le 4 février dernier, mais aussi l'ouverture de discussions sur la dette et la croissance. Yanis Varoufakis demande donc que l'on utilise l'extension du financement pour « entamer le travail des équipes techniques sur un nouveau contrat pour la croissance et la reprise que les autorités grecques envisagent. » Il rappelle également que l'Eurogroupe se souvienne de sa décision de novembre 2012, où il envisageait « de possibles mesures sur la dette », donc que l'on entame des négociations sur la restructuration de la dette.
Gagner du temps pour Athènes
Sans être une « capitulation » complète comme certains l'avancent, le gouvernement d'Alexis Tsipras a cédé sur des points importants : la reconnaissance des engagements passés et le refus de toute « action unilatérale. » Devant la dégradation de la situation économique, devant le manque de liquidité à venir de l'Etat (mercredi, le gouvernement a reconnu ne plus avoir de quoi se financer en mars), devant la faible augmentation de l'accès à la liquidité d'urgence de la BCE mercredi (seulement 3,3 milliards de plus), Athènes n'a pas voulu tenter le diable du Grexit. Le gouvernement s'est incliné devant les principales demandes européennes pour gagner du temps. Il s'est agi pour lui de laisser passer le mois d'août et donc les principales échéances de remboursement des dettes détenus par la BCE et le FMI. Ces échéances de près de 9 milliards d'euros en tout étaient impossibles à honorer sans aide externe. Une fois ces échéances passées, Athènes pense sans doute avoir plus de liberté d'agir.
Portes ouvertes à la négociation
Par ailleurs, la lettre de Yanis Varoufakis laisse beaucoup de portes ouvertes à la négociation pour l'avenir : elle amène les créanciers du pays à négocier sur la dette et la croissance du pays. Athènes laisse aussi en suspens la question centrale des excédents primaires. Elle n'accepte pas explicitement les objectifs fixés en 2012. Autrement dit, elle les contraint à négocier. Par ailleurs, Athènes lie l'usage de la flexibilité « donnée par l'accord actuel (...) sur la base des propositions de la partie grecque et des institutions. » Autrement dit, Athènes tente de modifier le fonctionnement de la troïka en en faisant un lieu de discussion et de coopération, non d'injonctions. Ceci est cohérent avec le programme de Syriza.
La signification du mouvement grec
Pourtant, en cédant sur ces points, la Grèce s'est placée nettement dans une position de faiblesse. Elle a été la première à céder dans la partie de bras de fer. La position édictée avant l'élection du 25 janvier par Yanis Varoufakis dans une interview à la Tribune selon laquelle « la Grèce n'avait plus rien à perdre » est désormais invalidée. Devant l'urgence, Athènes est prête à céder sur des points essentiels. Elle a donc beaucoup à perdre. Le message envoyé aux créanciers est celui-ci : nous craignons davantage le Grexit que vous. L'Allemagne, qui avait imposé lundi une position très ferme, a donc gagné une partie essentielle.
Elle a donc toutes les raisons du monde de pousser encore son avantage en rejetant cette lettre. Le gouvernement allemand a rapidement fait savoir que cette lettre ne pouvait pas « constituer une solution. » Ce que demande Berlin, c'est clairement la poursuite de l'accord de 2012 in extenso. Ne rien changer, donc. La flexibilité doit être laissée à l'appréciation de la troïka et la négociation sur la dette n'est pas acquise. Berlin veut aussi maintenir explicitement les objectifs d'excédents primaires.
Ce que veut l'Allemagne
La position de l'Allemagne est logique : son coup de force de lundi a fonctionné, Athènes a cédé en premier. Elle veut que sa victoire soit complète. Alexis Tsipras a commencé à nouer autour de son cou la cravate que lui a offert Matteo Renzi le 3 février dernier et Berlin juge bon que l'on serre le nœud jusqu'au bout. L'enjeu pour le ministre allemand des Finances est central : il s'agit de prouver qu'aucune élection ne peut modifier les règles fixées auparavant et que la zone euro est prête pour cela à aller jusqu'au bout. Ainsi les électeurs espagnols tentés par Podemos ou irlandais tentés par le Sinn Fein devront y réfléchir à deux fois avant de placer leur bulletin dans l'urne. Le résultat sera que la démocratie en zone euro deviendra une démocratie encadrée par des règles destinées à appliquer certaines politiques économiques plutôt que d'autres. Wolfgang Schäuble est sur le point de réussir son pari.
Dans la réunion de l'Eurogroupe de ce vendredi 20 février, Athènes va devoir décider si elle refuse d'aller plus loin dans les concessions, ou si elle place l'urgence financière avant toute chose. Dans le second cas, elle devra céder à la logique allemande. Mais maintenant qu'elle a cédé la première, rétablir l'équilibre sera difficile. A moins que l'Eurogroupe décide de se dresser contre le maximalisme de Wolfgang Schäuble. Ce que les ministres des finances de la zone euro ont refusé de faire lundi... Ou bien - et ce serait un coup de théâtre, à moins que les Grecs ont cédé pour mieux montré l'intransigeance allemande et pouvoir refuser toute responsabilité en cas d'aggravation de la crise. C'est ce qu'a laissé entendre un responsable grec à Reuters en affirmant que la proposition hellénique était "à prendre ou à laisser."