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Réforme du collège : pourquoi les profs résistent ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Najat Vallaud-Belkacem présente son projet final vendredi. Malgré les concessions, l'opposition reste vive
Deux sujets sont susceptibles d'enflammer les salles des professeurs : une réduction des heures dans leur discipline et le renforcement du pouvoir du chef d'établissement. La réforme du collège, annoncée le 11 mars par la ministre de l'éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, est une réforme sensible, car elle joue sur les deux tableaux. En tout cas, elle est perçue comme telle par une partie de la profession.
Après trois semaines de négociations, le ministère de l'éducation doit soumettre, vendredi 10 avril, son projet de " collège 2016 " à la communauté éducative. Les concessions octroyées au fil des discussions n'auront pas permis d'éteindre les incendies dans le camp du refus. " Les ajustements apportés au premier projet ne changent pas la philosophie de cette réforme, qui ne nous va pas ", tranche Frédérique Rolet, cosecrétaire générale du SNES-FSU, syndicat majoritaire, dont la pétition contre une réforme " hors sujet " avait recueilli, le 9 avril, un peu plus de 11 000 signatures. Le Snalc, lui, a d'ores et déjà appelé à faire grève le 13 mai. " Les enseignants sont remontés ; on s'achemine vers un mouvement très dur ", prévient François Portzer, son président.
Croiser les disciplines
Personne, pourtant, ne peut défendre le statu quo. Le constat est partagé : le collège français crée de l'échec et creuse les inégalités. La réforme entend dépasser certaines de ses contradictions. D'un côté, elle se propose de maintenir le principe d'un collège " unique ", qui accueille tous les élèves, sans séparer les bons des moins bons – autrement dit, sans recréer des classes d'élites et des filières de relégation. De l'autre, elle vise à mieux prendre en compte la diversité des élèves.
D'où, dans le " collège 2016 ", un tronc commun d'enseignement, obligatoire pour tous les élèves – avec du français, des langues, des sciences, etc. –, et des enseignements " complémentaires ", qui prendront deux formes : un accompagnement personnalisé des élèves et des " enseignements pratiques interdisciplinaires " (EPI). Ces modules associeront plusieurs disciplines autour de thématiques transversales et de projets concrets. Huit thèmes ont été définis – du " développement durable " au " monde économique et professionnel " en passant par " l'information, la communication et la citoyenneté ".
Cette architecture n'a rien de révolutionnaire. " Elle reprend de nombreuses tentatives antérieures et bien des collèges expérimentaux fonctionnent ainsi aujourd'hui ",rapporte Alain Boissinot, ancien recteur et ex-président du Conseil supérieur des programmes. Reste que " cette autre façon d'enseigner a du mal à s'installer, dit-il, car elle se heurte à tous ceux qui refusent de sortir du schéma classique “un cours, une heure, une discipline” ". Travailler sur des projets, croiser les disciplines, faire de l'accompagnement… autant de pratiques qui peuvent être vécues par les enseignants comme une prise de risque, qui les éloignent de leurs habitudes et leur imposent d'autres méthodes, auxquelles ils n'ont pas été formés. Ces dernières semaines, beaucoup de voix sont venues rappeler que l'attachement à la discipline – maths, français, histoire… – est au cœur de l'identité collective de la profession. Des syndicats se sont élevés contre la " mise en concurrence " et le " grignotage des horaires " dans certaines matières au profit del'accompagnement personnalisé et des EPI. Des associations d'enseignants ont activé leur pouvoir de lobbying pour maintenir les heures des disciplines qu'ils défendent. De son côté, le ministère n'a cessé de marteler qu'aucune heure, aucune minute, ne seraient retirées à aucune discipline.
La colère du " camp du refus " a été avivée par l'autonomie que la réforme confère aux collèges, et qui lui fait craindre un renforcement de l'autorité du chef d'établissement sur le plan pédagogique. Actuellement, chaque collège propose, à quelques détails près, la même organisation. Dans le nouveau collège, les équipes disposeront d'une marge de manœuvre de trois heures par semaine. Libres à elles de les utiliser en fonction des besoins – par exemple, pour organiser des travaux en petits groupes ou des interventions de plusieurs enseignants en classe.
" Innovations de terrain "
Pour faire passer sa réforme malgré ces résistances, le ministère est allé de concessions en concessions. Il a donné une heure de plus à la langue vivante 1 en 6e, une heure trente supplémentaire aux langues vivantes 2 sur les trois années suivantes (5e, 4e et 3e). Le latin, qui devait disparaître en tant qu'option pour être intégré à l'EPI " langues et cultures de l'Antiquité ", est réapparu comme " enseignement de complément ". Les collèges pourront le proposer à raison d'une heure en 5e, de deux heures en 4e et en 3e.
Pour le camp des " pro-réforme ", ces compromis étaient nécessaires. " C'était le seul moyen de ne pas faire capoter le projet, estime Christian Chevalier, du SE-UNSA. Au final, le cœur de la réforme est préservé. "" Ce n'est pas la révolution, mais cette réforme a le mérite de changer le modèle du collège, en s'inspirant des innovations du terrain ", renchérit Frédéric Sève, du SGEN-CFDT.
Reste que les enseignants auront peu de temps – un an tout juste – pour s'y préparer. " Il va falloir qu'ils soient accompagnés ", souligne Frédéric Sève. Sans quoi la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem viendra s'ajouter à la longue liste de réformes avortées que compte ce ministère.
Aurélie Collas