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"Je n’ai plus peur de rien, même d’une sortie de la zone euro"

Grèce international

Lien publiée le 23 juin 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Comme Panagiothis, de jeunes Athéniens racontent leur désarroi face à des diplômes au rabais et à un chômage endémique

Ils ont vu leurs parents, fonctionnaire, femme de ménage, artisan, ouvrier… durement touchés par les mesures d'austérité appliquées en Grèce en échange du " plan de sauvetage " de 2010. Des salaires amputés de 40  % à 50  %, des chantiers annulés, des retraites rabotées alors que les impôts augmentent. Ils ont vu la qualité de leur formation se dégrader, savent qu'on ne les attend pas sur le marché du travail ou ont déjà été licenciés.

" C'est la même merde depuis cinq ans ", résume Panagiothis, 25  ans, récemment diplômé en chimie. Lui et son ami Vassilis racontent les produits qui manquaient pour faire leurs expériences, la disparition des travaux pratiques individuels devenus, faute de matériel, une unique manipulation réalisée par le professeur. " Je sais très bien qu'avec ça, je ne vais pas trouver de travail ", dit-il, résigné.

Diplômée en sociologie, sa sœur Daphné, 27  ans, cherche désespérément du travail. Cela fait longtemps qu'elle a renoncé à trouver un métier dans sa branche, " mais même des boulots de secrétaire, - elle - n'en trouve plus ". Ils rêvent de prendre leur indépendance mais, faute de moyens, vivent toujours chez leurs parents, comme plus d'un jeune Grec sur deux entre 25 et 35  ans.

" J'espère bien que Tsipras ne va rien signer du tout. En tout cas, si c'est des nouvelles mesures d'austérité, il nous trouvera devant lui, assène, déterminé, ce grand brun à la peau diaphane qui, avec son tee-shirt de marque, n'a pas vraiment le look d'un extrémiste. On n'a plus de patience. “Ça suffit !”  ", lance-t-il en français, en souriant, en reprenant une gorgée de sa bière. Il ne s'imagine rien des prochains jours ou des prochains mois. Son regard ne raconte ni le doute ni l'angoisse. Mais un mélange de lassitude et de déterminisme.

Rien d'une tête brûlée

Comme s'il avait depuis longtemps revêtu une carapace pour affronter l'avenir. " On n'a plus peur de rien en fait, même pas de sortir de la zone euro, poursuit-il. Si tu connais l'histoire, tu sais qu'après toute faillite viennent des jours meilleurs. " Ne craint-il pas, avec le retour à la drachme, l'explosion des prix des produits importés ? Sa bière est allemande, lui fait-on remarquer. " Je préfère sortir de la zone euro maintenant et ne pas boire de bière pendant un an ou deux, que d'y rester et de ne plus en boire une seule pendant cinquante ans. "

A 31  ans, Stefanos ne dit pas autre chose. Lunettes de soleil accrochées à son tee-shirt, short en jean et petites baskets d'été, ce graphiste a été licencié, il y a cinq mois. " C'est dans les moments critiques qu'arrivent les plus grands changements ", annonce-t-il tranquillement. Comme lui, deux de ses frères et sœurs sont au chômage, la troisième a trouvé du travail dans l'informatique, mais à Chypre. Ses parents sont divorcés.

Pour soulager sa mère retraitée qui n'a que 500  euros pour s'occuper d'elle et de ses cadets, il a pris un appartement loin du centre. Des 370  euros d'allocation-chômage qu'il touchera encore chaque mois jusqu'à la fin de l'année, 150 partent dans la location de son 27  m2. Prudent, il peut compter sur l'argent mis de côté depuis quatre ans : il avait anticipé d'éventuels contrecoups de la crise. Stefano n'a rien d'une tête brûlée.

" Tout est à la banque. Si on revient à la drachme, il va perdre de sa valeur alors que j'ai travaillé dur pour économiser, explique-t-il calmement, bien qu'un peu inquiet. Mon intérêt serait qu'on reste dans la zone euro. Mais pas avec cette Europe-là. Puisqu'on en est là, ne faisons pas marche arrière, allons jusqu'au bout : sortons. " Il a déjà fait une croix sur le grand rêve des Grecs d'acheter ou de faire construire sa propre maison comme l'ont fait ses parents. Il n'aura jamais non plus les moyens d'élever, comme eux, quatre enfants.

" Mais pour le quotidien… Je pense que je pourrai m'en sortir… Même s'il y aura quelques années difficiles ", dit-il tout en y réfléchissant. Après tout, qui peut bien savoir à quoi ressemblerait la vie hors de la zone euro ? Le scénario est inédit. Lui demande des choses simples : un travail qui retrouve de la valeur et permette de s'offrir les petits bonheurs de la vie." Bruxelles et le FMI veulent nous terroriser. Et parfois ça marche, j'en ai la chair de poule. Mais je crois qu'on évoluera plus rapidement hors de la zone euro qu'en y restant. "

Aline Leclerc