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Premières impression depuis la Grèce

Grèce international

Lien publiée le 3 juillet 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://npa2009.org/actualite/premieres-impression-depuis-la-grece

Jeudi 2 juillet 2015, au matin 

La première impression qui ressort des discussions avec les camarades est un sentiment général d'incertitude : Tout d'abord sur les résultats du référendum de dimanche : l'écart entre le NON et le OUI se resserre. Les intentions de vote pour le NON sont passées de 57 % avant la fermeture des banques et les mesures de contrôle des capitaux à 46 % il y a deux jours ; dans le même temps, les intentions de vote pour le OUI sont passées de 30 à 37 %. L'écart demeure sensible, et virtuellement le NON devrait l'emporter si on additionnait l'ensemble des partis qui appellent au refus du mémorandum (dont Aube Dorée), mais on est symboliquement passé en dessous des 50 % dans les intentions de vote.

Le NON fait face à une forte campagne contre lui. Pour l'instant seuls les clips publicitaires pour le OUI passent en boucle à la télévision (des clips pour le NON doivent sortir mais Syriza a tardé à les produire à cause des incertitudes sur la tenue du référendum – voir ci-dessous). La campagne médiatique pour le OUI (clips, déclarations d'acteurs politiques et économiques, etc.) insiste sur caractère « irresponsable » du gouvernement : elle joue sur le ressentiment négatif face aux fermetures des banques et le contrôle des capitaux en en faisant porter la responsabilité sur l'annonce du référendum ; elle joue aussi sur la peur, en s'appuyant sur les déclarations des ministres européens partisans de la ligne dure, en prévenant qu'un résultat en faveur du NON signifiera automatiquement une sortie de la zone euro (en allant parfois jusqu'à dire de l'UE...). Le patronat grec est lui aussi largement impliqué dans cette campagne, en multipliant les annonces selon lesquelles le vote NON aurait pour conséquence de dégrader encore un peu plus l'environnement économique et déboucherait sur plus de chômage. Dans plusieurs entreprises, des employés se sont plaints de tentatives d'intimidation de la part de leurs patrons, qui les menaçaient de retarder leurs versements de salaire (voir de les licencier) s'ils votaient pour le NON.

La confédération syndicale du secteur privé GSEE (encore contrôlée par le Pasok) appelle par ailleurs indirectement à voter pour le OUI : elle reprend l'argument du Pasok que ce référendum est mal organisé et pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l'économie, et que du coup il serait irresponsable de voter NON.

De son côté Tsipras se défend d'être responsable de la fermeture des banques : il dit qu’il s'agit d'une mesure imposée par la BCE et le FMI. Quant au contrôle des capitaux, il s'agit d'une mesure transitoire qui devra s'arrêter après le référendum (alors que logiquement il aurait du mettre en place depuis le début de son mandat…). Il affirme aussi que son objectif est bien d'arriver à un accord avec la Troïka, et non pas se confronter à elle, et qu'en aucun cas il ne vise la sortie de la zone euro. Il présente ce référendum comme un vote de soutien à son gouvernement, et joue aussi sur la peur en affirmant que l'organisation de nouvelles élections (en cas de victoire du OUI) signifierait la prolongation de la fermeture des banques durant encore au moins un mois.

Concernant la tenue même du référendum : jusqu'à l'annonce télévisée de Tsipras hier tard dans la soirée, rien n'était garanti. Le gouvernement Tsipras espérait en fait pouvoir soumettre au vote une nouvelle proposition de mémorandum, sur la base des nouvelles propositions qu'il a envoyées hier aux institutions. Le gouvernement grec aurait alors soit appelé à voter OUI, soit carrément annulé le référendum (moins probable…). Mais, l'eurogroupe réuni hier a finalement suivi la « ligne dure » et décidé de reporter tout examen de nouvelle proposition à après le référendum : l'objectif semble assez clair pour la bourgeoisie européenne, il s'agit de faire pression sur le gouvernement Tsipras pour le pousser à avancer encore un peu plus dans les mesures d'austérité, quitte à le déstabiliser entièrement si la campagne pour le OUI l'emporte et à pousser à l'élection d'un nouveau gouvernement d'union nationale.

Les nouvelles propositions faites par Athènes, présentées par Tsipras comme un compromis acceptable, sont en fait très semblables (en terme de privatisations, d'attaques sur les retraites, de hausse de la TVA, etc.) au texte soumis à référendum ce dimanche et pour lequel il appelle à voter NON… Il ajoute simplement des aménagements symboliques et marginaux au texte de la Troïka : privatisation de tous les secteurs demandés sauf l'électricité, la suppression des retraites anticipées mise en place en 2018 au lieu de 2017, augmentation de la TVA mais en essayant de cibler d'avantage le secteur touristique.

Globalement, l'impression qui ressort est celle d'un grand bordel : tout est amené à évoluer heure par heure, aussi bien du coté des décisions gouvernementales que des actions militantes (rassemblements, manifs), au grès des tractations en coulisses. Il apparaît par ailleurs que les décisions prises par le gouvernement Tsipras sont très fortement dissociées des discussions au sein du Comité central de Syriza : le dirigeant de DEA Antonis Davanelos, siégeant au CC de Syriza, affirmait encore une heure avant l'annonce de référendum par Tsipras qu'un accord était sur le point d'être signé avec les « institutions », et a été informé de la tenue du référendum par la télévision…

En cas de victoire du NON, le scénario le plus probable est la reprise des négociations avec la Troïka, et la validation de nouvelles mesures d'austérité que le gouvernement Tsipras espère réussir à présenter comme des mesures acceptables et comme l'émanation de la volonté du peuple grec.

En cas de victoire du OUI, on assisterait à la démission du gouvernement Tsipras, à l'élection d'un nouveau gouvernement sous un regroupement d'union nationale : les perspectives sont alors soit un regroupement libéral PASOK-ND, soit un regroupement social-démocrate autour de la majorité de Syriza et de la gauche du Pasok, mais tout cela demeure très virtuel pour l'instant, et peu d'informations fuitent sur les tractations en cours.

Les différentes campagnes et annonces qui vont émerger durant les quelques jours qui nous séparent du référendum s'annoncent décisives pour la suite des événements. Des manifestations, meetings et rassemblements sont organisés chaque jour :

Avant-hier (30 juin), une manifestation pour le OUI a rassemblé 20 000 personnes. Des petits groupes politiques (principalement OKDE et un groupe anarcho-syndicaliste) ont essayé de faire une contre manifestation, mais celle-ci n'a pas eu de visibilité (et peu suivie car considérée comme « gauchiste » par la majorité d'Antarsya). Cette contre-manifestation était fortement encadrée par la police.

Hier s'est tenue une petite manifestation contre les pressions patronales pour le vote OUI (à l'appel des secteurs syndicaux du privés tenus par l'extrême-gauche) : 200 personnes environ. Parallèlement avait lieu un rassemblement pour le NON, d'une taille comparable, appelé par EPAM, un groupe « patriotique de gauche » récemment constitué. Plusieurs meetings des différentes forces de gauche pour le NON dans les quartiers populaires d'Athènes.

Aujourd'hui, nouvelle manifestation pro-OUI, et manifestation spécifique du KKE pour l'abstention. Un rassemblement et une manif sont aussi organisés (partis à gauche de Syriza moins KKE) devant le siège de la GSEE pour réagir à leur appel indirect au vote OUI.

Demain manifestation décisive pour le NON à l'appel de Syriza, suivie d'un discours de Tsipras.

Dans les faits, la campagne pour le NON peine à se lancer en terme de dynamique massive dans la rue. Syriza est hésitant à appeler à manifester : la manifestation de demain a été annoncée seulement hier soir suite à l'annonce du discours de Tsipras ce vendredi ; une manifestation pour le NON devait se tenir aujourd'hui mais Syriza ne souhaitait pas y appeler (car espoir d'un accord avec eurogroupe jusqu'au dernier moment) et finalement ça se transforme en dénonciation de la GSEE sans participation de Syriza...

Pour autant, les murs des quartiers populaires d'Athènes sont littéralement recouverts d'affiches appelant à voter NON et à participer aux manifs. Des distributions de tracts et des meetings pour le NON sont organisés dans plusieurs quartiers, aussi bien par des militants d'Antarsya que de Syriza.

Un message central dans les tracts de Syriza et du gouvernement : le vote de dimanche est un vote « pour la démocratie et la dignité ».

Le discours d'Antarsya dans ses tracts est le suivant : appelle à voter NON au référendum, mais appelle aussi à refuser tout nouveau mémorandum : il s'agirait aussi de voter NON si un référendum était organisé par Tsipras pour avaliser de nouvelles mesures d'austérité. Nécessité de rompre avec la logique de compromis avec la Troïka, et d'engager un rapport de force face à la bourgeoisie.

Correspondants