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Sapir: Les conditions d’un “Grexit”
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Sapir réfléchit à une sortie de l'euro dans le cadre du capitalisme ; intéressant, mais cela ne reflète pas la position de la Tendance Claire
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http://russeurope.hypotheses.org/4089
La question d’un possible « Grexit » a été à nouveau évoquée lors de la réunion de l’Eurogroupe ce samedi 11 juillet. Il s’apparenterai dans les faits à une expulsion de la Grèce, à moins que son Premier ministre ne consente à présenter sa émission, et ce en dépit d’un vote de confiance massif au Parlement dans la nuit de vendredi à samedi, et en dépit du succès remporté par le « non » au référendum du dimanche 5 juillet. Les conditions d’une sortie de la Grèce de l’Euro dans l’urgence doivent être étudiées très sérieusement compte tenu des positions de l’Allemagne à l’Eurogroupe. Si le blocage des négociations à l’Eurogroupe persiste, et devant la mauvaise fois désormais évidente de certains interlocuteurs, au nombre desquels il faut compter M. Schäuble, le Ministre allemand des finances ou M. Dijsselbloem, le Président de l’Eurogroupe, on ne peut exclure un « Grexit » dans l’urgence dès le début de la semaine prochaine. Confrontée à cette éventualité la Grèce serait dans une situation certes difficile, car les banques sont à cours de liquidités, avec des problèmes de bilans très sérieux, et la Banque Centrale (ou BofG) n’a pas de réserves. Mais cette situation est loin d’être insoluble et ne doit pas effrayer outre mesure le gouvernement grec. Si donc un « Grexit » en urgence doit être envisagé il faudra traiter les problèmes suivants, qui vont des réserves de la Banque Centrale aux liquidités en passant par la question de la dette :
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La question des réserves de la Banque Centrale
On admet qu’un taux de réserves par rapport au PIB de 1/30 à 1/20 suffit pour un pays dont le compte courant (balance des exports-imports de biens et services) est à l’équilibre. Le PIB de la Grèce est aujourd’hui de 200 milliards d’Euros, soit approximativement 220 milliards de dollars. Un rapport de 1/20 donnerait donc 11 milliards de dollars. Portons à 20 milliards cette somme pour se prémunir contre tout imprévu. Cette somme pourrait venir de plusieurs sources :
- Le gouvernement pourrait gager une partie des ressources du tourisme, qui représente 17% du PIB actuellement. Si on applique un taux de TVA à 23% sur ce secteur (hôtels et restaurants), les revenus fiscaux gagés vont représenter 8,5 milliards de dollars. Le gouvernement pourrait émettre des certificats gagés sur cette somme.
- Les grecs ont sortis ces derniers mois plus de 35 milliards d’euros (équivalents à 39 milliards de dollars). Ils devront les réintroduire dans la circulation monétaire ne serait-ce que pour payer les impôts. Dans ces conditions 20% de cette somme pourrait être affectée aux réserves de la Banque Centrale, soit 7 milliards de dollars.
- La Grèce pourrait demander à des pays avec lesquels elle entretient de bonnes relations un prêt complémentaire de 5 milliards de dollars.
Cet argent irait abonder un fonds de réserve de la nouvelle monnaie. Compte tenu de l’équilibre de la balance courante, il serait suffisant pour stabiliser cette monnaie. En fait, et compte tenu du quasi-équilibre de la balance courante, on peut penser que ce fonds de réserve serait très peu utilisé. Le contrôle des capitaux déjà en vigueur permet de limiter les prises de positions spéculatives sur la future monnaie grecque.
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La question des liquidités
La Grèce est aujourd’hui étranglée par le manque de liquidités. C’est un fait bien établi. Cet étranglement, la version moderne du lacet des assassins ottomans, est entièrement lié à la politique de la Banque Centrale Européenne. Face à cela, le gouvernement grec peut émettre des reconnaissances de dette à trois ou six mois auxquelles il confèrerait le cours légal et qu’il accepterait en paiement des impôts. Ceci permettrait à l’économie de retrouver de la liquidité.
Mais, comme on l’a dit dans une précédente note, la solution qui s’impose serait en réalité une réquisition de la Banque Centrale. Cette réquisition doit être faite dans le cadre des pouvoirs d’urgence que le gouvernement grec ne manquerait pas d’invoquer si un « Grexit » était constaté. Cette réquisition permet, de manière temporaire et en attendant qu’une nouvelle loi précisant l’organisation bancaire ne soit votée, de placer la BofG sous le contrôle direct du Ministère des finances et de remplacer son directeur actuel. Cette opération permettrait au gouvernement de libérer les réserves détenues soit à la BofG soit sous contrôle de la BofG dans les banques commerciales. De toute manière, dans le cas d’une sortie de l’Euro, la réquisition de la Banque Centrale s’impose. En combinant ces deux méthodes, le gouvernement grec desserrerait le lien qui aujourd’hui l’étrangle. Il montrerait aussi à tous les agents, qu’ils soient grecs ou étranger, sa résolution à reprendre en main sa monnaie et son destin.
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la question de la dette
Le problème de la dette grecque se pose ensuite. Cette dette est importante par rapport au PIB, représentant 341 milliards d’euros. En cas de dépréciation de la nouvelle monnaie, il est clair que le poids de cette dette, qui pèse déjà très lourdement sur la Grèce, serait accru. Cette dette a été émise de Bruxelles et de Francfort dans le cadre des plans d’aide qui furent en réalité des plans de transfert des créances détenues par des banques privées vers les Etats de la zone Euro. Cela constitue une importante différence avec la dette de la France ou de l’Italie, dette qui est émise dans des conditions bien plus normales et qui est majoritairement (à plus de 97% dans le cas de la France) émise dans le droit national. Dans le cas de la Grèce le problème est que – dans ces conditions particulières – la lex monetae ne s’applique pas. Il n’y a donc pas de solution autre que le défaut sur la dette, comme le fit la Russie en 1998. Une fois ce défaut réalisé, la condition de reconnaissance de la dette (à 20% ou 30 de sa valeur faciale) pourra être discutée. Mais, il est très important que le gouvernement grec annonce le défaut sur sa dette en même temps qu’il constatera que l’Euro ne peut plus avoir cours légal sur son territoire. En fait, la question du changement de monnaie et du défaut sont étroitement liées.
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La question des banques commerciales
Les banques commerciales grecques, dans le cas d’un défaut sur la dette et d’une rupture avec la BCE, se trouveront en faillite. Le montant nécessaire pour leur recapitalisation est évalué actuellement à 25 milliards d’euros par le FMI. C’est une somme considérable. Ces banques commerciales doivent donc être nationalisées, mais, s’inspirant de l’exemple islandais, le gouvernement grec ferait bien de ne pas chercher à les recapitaliser entièrement. En fait la partie « banque d’investissement » doit être laissée à elle-même et doit faire faillite. Par contre la partie banque de circulation doit elle être sauvée. Cette partie pouvant opérer sous le contrôle de l’Etat, avec une garantie des dépôts de la population à travers une aide exceptionnelle apportée par la Banque Centrale, la BofG, qui aura été au préalable réquisitionné ». Cette partie devra être recapitalisée et le gouvernement devrait pour cela déclarer un emprunt obligatoire sur tous les ménages gagnant plus de 60 000 euros par an, emprunt dont les intérêts seraient égaux à l’inflation.
Telles sont les mesures qui s’imposeraient si la Grèce devait se faire expulser de la zone Euro, mesure inouïe, et qui libérerait la Grèce de l’obligation de respecter les traités, du moins dans le domaine monétaire. Ceci n’épuise pas le sujet. Il est clair que les responsabilités de l’Allemagne seraient alors immenses, et que d’autres pays pourraient très sérieusement songer à quitter l’Euro, provoquant de fait sa dissolution. Mais, aujourd’hui, l’urgence est de montrer le chemin que la Grèce peut suivre afin que ce « Grexit » se passe le mieux possible, quitte à par la suite attaquer en justice la BCE et l’Allemagne.