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Grèce. Carnet de voyage internationaliste
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http://www.revolutionpermanente.fr/Grece-Carnet-de-voyage-internationaliste
Dans un contexte politique extrêmement intéressant et riche en apprentissages pour les travailleurs et la jeunesse du monde entier, nous avons fait, à quelques camarades, le voyage en Grèce, invitées notamment par l’Organisation des Communistes Internationalistes – Spartakos (OKDE-S), pour comprendre davantage la situation, rencontrer des militants et les courants de l’extrême-gauche grecque.
Laura Varlet
Une crise visible partout et un climat intense de débats de politique
Il suffit de se promener dans les rues d’Athènes pour constater la crise profonde que traverse le pays. Des commerces au rideau de fer fermé se succèdent, le long des avenues, et, partout, des tags et des affiches appelantau « non »,pour le référendum du 5 juillet dernier. Les négociations avec la Troïka font la une de tous les journaux, même en été.
Deux jours avant notre arrivée, le gouvernement Tsipras, tout comme sous la droite, condamnait trois activistes anti-mémorandum pour avoir manifesté le 15 juillet contre l’accord du gouvernement avec la Troika.
L’Europe forteresse
Comme sur le reste du continent, la question des réfugiés a été un thème très controversé ces dernières semaines.Des milliers de migrants arrivent chaque jour sur les côtes de l’Europe de Schengen. Ils fuient la guerre et la misère, conséquences des politiques et des interventions menées par les pays qui, aujourd’hui, refusent de leur donner quelque chose d’aussi élémentaire que des papiers. Lors de notre séjour dans la capitale, nous sommes rendues au Parc Aréos qui était alors occupé par près de 400 personnes, la plupart originaires de Syrie et d’Afghanistan. Nous avons pu discuter avec plusieurs militants, dont trois camarades libertaires de Radio Fragmatanous ont expliqué que les réfugiés n’avaient reçu aucune réponse à leurs revendications de la part du gouvernement Tsipras.
Ces derniers jours, les réfugiés continuent à subir non seulement l’indifférence mais aussi la répression de la part de ce même gouvernement. Dans l’île grecque de Kos, des centaines de migrants qui arrivent chaque jour à la recherche d’une vie meilleure ont été tabassés brutalement par la police, qui a même blessé des femmes et des enfants.
L’expérience Syriza vue par des militants combatifs
Nous avons également eu l’occasion de discuter avec des militants syndicaux. Ils nous ont raconté comment ont été vécus les événements des derniers mois en Grèce, notamment lors des négociations avec la Troïka, ainsi que pendant la semaine qui a précédé le référendum du 5 juillet. Nous les avons interrogés sur l’ambiance qui régnait lors de la campagne pour le NON sur les lieux de travail, dans les quartiers et dans les rues et ils ont insisté sur cette grande polarisation sociale et ce climat tendu de discussions politiques qui a traversé la Grèce. Leur discours était marqué par le même état d’esprit : colère, incertitude et une soif de raconter ce que vit le pays ces derniers temps. Une chose était sûre : ils voyaient tous la nécessité de poursuivre le combat après l’été. Ils n’écartent pas la possibilité qu’au mois d’octobre, une fois que les premiers effets des mesures du Troisième Mémorandum se feront sentir, les travailleurs et les travailleuses descendent à nouveau dans la rue. En guise de leçon après ce qui s’est passé ces derniers mois, ils partagent tous l’idée qu’il va falloir organiser des luttes très dures pour arriver à changer les choses.
Nous avons également pu échanger avec Nikos Tsibidas, l’un des porte-paroles du combat des travailleurs de la radio-télévision publique autogérée ERT. Il nous a raconté l’expérience de lutte des travailleurs de cette antenne. En effet, pendant deux ans, les travailleurs ont fait fonctionner l’ERT sous leur propre contrôle, après sa fermeture annoncée par décret par le gouvernement de droite de Samaras. Ils ont été délogés par la police mais, néanmoins, ils ont continué à assurer les transmissions depuis plusieurs endroits. Actuellement, leurs postes de travail sont à nouveau menacés par l’application du Troisième Mémorandum. Angela Merkel a déjà annoncé publiquement qu’il était nécessaire de baisser drastiquement le budget de ce secteur et de revenir sur la réouverture de l’antenne que les travailleurs avaient réussi à arracher au gouvernement Tsipras, après janvier, par leur mobilisation.
Des débats importants continuent à traverser l’extrême-gauche en Grèce
Lors de notre séjour en Grèce, nous avons échangé longuement avec les camarades de l’organisation OKDE-Spartakos, membre de la coalition anticapitaliste Antarsya, qui nous avaient invitées à leur premier camp d’été dans la localité maritime de Kamena-Vourla, dans le centre du pays. Kostas Skordoulis et Yanis Felekis, dirigeants de tradition au sein de cette organisation, nous ont fait part d’une initiative intéressante concernant la fondation d’un institut de recherche politique et sociale l’année dernière, baptisé Institut Pantelis Pouliopoulos, du nom de celui qui a été le fondateur du trotskysme grec dans les années 1920. Le centre a pour objectif de ramener les idées du marxisme révolutionnaire et du trotskysme aux nouvelles générations à travers un travail de recherche, de publications et de conférences. Nous avons également pu discuter avec des militants étudiants et des animateurs de la coalition universitaire EAAK qui regroupe, au niveau national, toutes les organisations anticapitalistes au sein des universités.
Dans l’idée d’échanger sur la situation dans les différents pays d’Europe, les camarades ont invité Josefina L. Martinez, militante de Clase contra Clase de l’État espagnol à prendre la parole lors du meeting d’ouverture du camp pour donner sa vision de la situation politique espagnole, du phénomène Podemos et de l’intervention des révolutionnaires. Au cours du meeting de clôture du camp qui portait sur le débat autour de la participation aux fronts anticapitalistes larges et la construction du parti révolutionnaire, j’ai pour ma part été invitée à prendre la parole pour partager l’expérience du Front de Gauche et des Travailleurs (FIT) en Argentine et, notamment, l’expérience du PTS. Le jour-même où se déroulait les élections primaires en Argentine, nous soutenions, en Grèce comme ailleurs, que nous ne sommes pas obligés d’abandonner le programme révolutionnaire et nous adapter aux « nouveaux » phénomènes réformistes, comme Syriza ou Podemos. Cette réflexion a permis d’enrichir le débat à la lumière de l’expérience grecque des dernières années. Cela a également permis de montrer que seul un travail patient dans le mouvement ouvrier, affrontant les patrons et les directions syndicales bureaucratiques, ainsi que dans la jeunesse, peut permettre de faire des pas vers la construction d’une puissante organisation des travailleurs, des femmes et de la jeunesse qui ait comme objectif le renversement du système capitaliste.
Ce voyage nous a également permis d’échanger avec des dirigeants de NAR et du SEK, deux composantes importantes d’Antarsya, ainsi que de l’OKDE-Ergatiki Pali (OKDE- Lutte Ouvrière). Des débats importants traversent en ce moment l’extrême-gauche grecque, après plusieurs mois d’expérience avec Syriza au pouvoir. Certains pensent qu’il faut à nouveau regrouper tous ceux qui portent un regard critique sur le Premier Ministre, Alexis Tsipras, en y incluant les membres de la Plateforme de Gauche, qui restent pour l’instant au sein de Syriza, et par conséquent au sein du gouvernement qui est en train de mettre en place l’austérité. Selon eux, la base politique pour un tel regroupement doit être la rupture avec l’euro. D’autres, néanmoins, pensent qu’il est indispensable de maintenir un programme d’indépendance de classe et anticapitaliste pour faire payer la crise aux patrons.
A l’intérieur de Syriza, actuellement il existe des tensions entre la majorité conduite par Alexis Tsipras et laPlateforme de Gauche animée par Panagiotis Lafazanis, sans qu’aucune issue progressiste pour les travailleurs de Grèce ne soit mise au centre du débat.
Les prochaines attaques et les perspectives pour les travailleurs et la jeunesse de Grèce
Le gouvernement Tsipras et les représentants de la Troïka ont déjà fixé les conditions du troisième « sauvetage », qui prévoit l’obtention de 85 milliards d’euros en échange d’une longue liste de réformes et d’attaques contre les travailleurs et la population. Le Parlement grec a adopté ces 35 « mesures prioritaires » et pourra laisser le reste des mesures d’austérité pour le mois d’octobre. Tsipras doit absolument recevoir une première tranche de cette « aide » avant le 20 août, lorsque le gouvernement grec devra rembourser 3,5 milliards d’euros à la Banque Centrale Européenne.
Comme nous le disions depuis Athènes il y a quelques jours, la question difficile à laquelle il s’agit de répondre consiste à savoir si les travailleurs de l’éducation, des services, des chantiers navals, du tourisme, les chômeurs et tous ceux qui sont visés par les attaques, aux côtés de la jeunesse et du mouvement étudiant, réussiront à tirer les leçons de ce qui s’est produit ces derniers mois. Mettre sur pied et en mouvement une force sociale qui propose de se doter d’un programme et d’une stratégie qui permettent de faire face non seulement à la Troïka et aux gouvernements européens, mais aussi aux projets du gouvernement de Syriza lui-même et aux capitalistes grecs, sera essentiel dans la période à venir.