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Ils ont voté Syriza. On ne les y reprendra plus
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ils étaient des électeurs du parti de la gauche radicale grecque. Mais le 20 septembre, Alexandros, Adriani, Alekos et Petros ne donneront pas leur bulletin de vote à Alexis Tsipras...
Ils ont voté pour Syriza, le parti de gauche radicalegrecque, en 2012 puis en 2015. Mais on ne les y reprendra plus. Alexandros et Adriani sont terriblement déçus. L'accord pour un troisième plan d'aide à la Grèce signé mi-juillet par le Premier ministre Alexis Tspiras leur a fait l’effet d’une trahison.
On lui a donné sa chance et il n’a pas réussi. Les raisons de cet échec m’importent peu. Tsipras a choisi de plier et d’accepter l’inacceptable", explique avec amertume Adriani, prof de yoga de 39 ans.
"Ça fait trois ans que je milite pour la fin de l’austérité et contre les accords passés avec nos créanciers. Je continuerai de le faire", conclut Alexandros, journaliste grec indépendant de 42 ans.
Les deux amis, attablés dans un café sur la place centrale du quartier d’Exarhia, cœur de la mouvance anarchiste grecque et foyer de la résistance contre la junte des colonels au début des années 70, accusent Syriza d’avoir renié ses convictions à l’épreuve du pouvoir. Aux élections législatives du 20 septembre prochain, tous deux voteront pour Unité Populaire, le parti formé en août par les dissidents de Syriza, qui se présente avec… le programme de Syriza quand il a été élu en janvier dernier ! "Tout un symbole", dit Adriani.
"Déprimé et à genoux"
"Aigri et en colère". C’est aussi ce que ressent Alekos, 70 ans, chauffeur de taxi à la retraite, rencontré à quelques centaines de mètres de là, dans un autre café plus traditionnel. Ancien militant communiste, lui aussi a voté Syriza à tous les scrutins depuis le début de la crise. Surtout, le 5 juillet il a voté "OXI" ("NON") aux propositions des créanciers de la Grèce au référendum que Syriza avait organisé. Il ne comprend toujours pas la volte-face d’Alexis Tsipras à l’issue du référendum.
On a voté 'non' pour retrouver notre dignité, il a seulement obtenu que l’on soit un peu moins pauvres. C’est ridicule. Je voulais être fier et debout, je me retrouve déprimé et à genoux. Pourquoi ?"
Le risque de faillite et le chaos probable qu’aurait connu la Grèce s’il n’y avait pas eu d’accord ne l’effraie pas vraiment. "Ça aurait été dur", acquiesce-t-il. "Mais couper le cordon ombilical qui nous lie avec les créanciers, toucher le fond et repartir à zéro nous aurait aussi permis de retrouver notre souveraineté nationale." Lui aussi va voter pour Unité Populaire. "Lafazanis (le chef d’Unité Populaire, NDLR) je le connais depuis les années 70. Comme moi, c’est un résistant dans l’âme", assure-t-il.
"Maintenant, je suis vacciné"
Alexis Tspiras doit-il s’en inquiéter ? Partisans déçus et frondeurs d’Unité Populaire menacent-ils sa réélection, lui qui a convoqué des élections législatives pour le 20 septembre précisément pour s’assurer du soutien des Grecs et rasseoir son autorité sur son parti ? Syriza demeure le premier parti du pays dans la plupart des enquêtes d’opinion, mais il est désormais au coude à coude avec Nouvelle Démocratie, la droite conservatrice qui était au pouvoir jusqu’à ce qu’il l’en chasse en janvier 2015.
"Les sondages, de toute façon, ça ne veut rien dire !" Assis sur un banc du jardin national au cœur d’Athènes, où il est venu se promener avec son chien, Petros s’insurge. "Ils donnaient le 'non' et le 'oui' au coude-à-coude avant le référendum… On a vu ce qu’il en était en réalité", rappelle-t-il. A 35 ans, ce graphiste au chômage n’a voté qu’une seule fois : c’était aux législatives de janvier. Grand adepte du "Tous pourris !" et de l’abstentionnisme durant toute sa vie, il avait momentanément perdu son cynisme pour voter Syriza "en raison du charisme d’Alexis Tsipras". Mais le charme est rompu.
Je vais m’abstenir. Alexis s’est foutu de notre gueule. C’est un acteur hors pair, mais ça y est, maintenant je suis vacciné", lâche-t-il.
"Pour faire rêver, il est extraordinaire"
Comme lui, les Grecs semblent nombreux à faire porter la responsabilité de l’échec de ces six mois de négociations moins à Syriza qu’à Alexis Tsipras lui-même. Sa cote de popularité a pris un sacré coup : l’homme politique le plus populaire de Grèce qui récoltait encore plus de 60% d’opinions favorables en juin a désormais dégringolé au-dessous de la barre des 30%.
Syriza a-t-il bel et bien perdu son atout majeur, le capital sympathie de son jeune leader charismatique ? Petros, malgré son "dégoût" pour Alexis Tsipras, n’y croit pas. "J’insiste", dit-il avec passion, "ces sondages sont à côté de la plaque : la popularité de Tsipras est basse car ça fait deux mois qu’il ne fait qu’annoncer des mauvaises nouvelles. Avec le début de la campagne, il va recommencer à se projeter dans l’avenir et à faire des promesses. Pour faire rêver les gens il est extraordinaire, la plupart des Grecs vont de nouveau être mystifiés par lui !"
En prononçant ces mots, son regard brille. Comme s’il regrettait le temps où il faisait, lui aussi, partie des rêveurs…
Pavlos Kapantais, à Athènes