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9 mars : une journée réussie qui annonce un tsunami
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
A partir des chiffres de manifestants du 9 mars, le gouvernement a déclaré avec morgue ne pas avoir vu un ras de marée… et il essaie de se rassurer ainsi.
Pourtant, il aurait bien des raisons de s’inquiéter au delà de l’imaginable ; en effet, la dimension du 9 mars se situe bien au delà des 500 000 manifestants.
L’apparent calme qui régnait en France en surface ces dernières années malgré les attaques incessantes du gouvernement contre les salariés et la jeunesse, reposait en fait sur une instabilité du plancher océanique social du pays qu’on pouvait mesurer jusque là par de très nombreuses luttes qui traversaient le pays depuis des mois et des mois. Mais ces luttes restaient peu visibles et n’avaient guère d’effet en surface, au niveau politique ou médiatique, parce qu’elles étaient émiettées, dispersées. Le beau monde pouvait les nier, les ignorer ou les mépriser. Ce vaste mouvement souterrain restait invisible et silencieux.
Cela permettait au gouvernement de croire qu’il pouvait aller toujours plus loin dans les attaques sociales. Au point de dépasser les bornes…
Or, ce que la secousse du 9 mars annonce et prépare, c’est la remontée tellurique de ces mouvements invisibles mais gigantesques de la colère sociale ; le 9 mars est la première expression de cette lame de fond souterraine.
Ce n’est certes encore qu’une secousse modeste mais de celles qui se répètent et précèdent les plus grands des raz de marée : 9 mars, 10 mars, 12 mars, 17 mars, 22 mars, 23 mars, 31 mars, autant de dates jusqu’alors de mobilisations syndicales dispersées, autant cependant à partir du 9 mars de secousses à venir, autant de dates cumulatives de la même construction d’un rapport de force général… sans compter celles qui se rajouteront, car partout, les initiatives commencent à foisonner.
500 000 ce n’est déjà pas rien, mais c’est considérable quand il ne s’agit pas tant d’une manifestation des appareils syndicaux mais surtout d’une manifestation initiée par la jeunesse et la base syndicale. Les confédérations syndicales sous la pression de leur propre base n’ont fait en effet que suivre l’initiative des organisations de jeunesse et des réseaux sociaux comme l’envie de leurs propres militants.
C’est considérable, car dans un tel mouvement, il n’y a pas de frein, pas de barrière d’appareil entre les manifestants et les aspirations populaires les plus profondes et les plus diverses, ce qui annonce la possibilité et la probabilité des plus grands déferlements et des plus grands bouleversements.
Or ce caractère inédit se lisait dans de très nombreuses manifestations.
Derrière l’unité syndicale de façade, on voyait que la plupart des manifestants n’étaient pas sous le contrôle des appareils. C’était un joyeux désordre qui mêlait étudiants, salariés, chômeurs, lycéens, syndicalistes, militants, tous unis, tous ensemble et heureux de l’être ; un mouvement dynamique et clairement, radicalement contre le capital, la finance et son pantin le gouvernement. On mêle dans les manifestations toutes les obédiences et on ne s’y promène pas silencieusement ; au contraire, on veut crier sa joie, sa haine, ses espoirs, on s’arrache les tracts, on veut savoir, on veut prendre son destin en main.
La loi Khomri a été le déclencheur, elle était à juste titre au centre des manifestations et doit le rester, conspuée bien sûr, un drapeau commun à tous mais elle n’était aussi que l’unificateur d’infiniment plus, un sous-jacent d’années et d’années de recul, de mépris et de souffrances… qui ne demanderait qu’une mobilisation un peu supérieure pour faire entendre explicitement sa multiplicité explosive.
Bien sûr, le 9 mars était encore hésitant, non structuré, vérifiant et testant seulement sa force. Les manifestations commençaient timidement, puis prenaient confiance et finissaient en ne voulant plus se séparer, comme si elles cherchaient déjà une suite qui ne savait pas encore se dire. Après tant et tant d’années à subir, après tant de défaites, les manifestants se découvraient, se cherchaient, vérifiaient qu’il y avait du monde et que ce monde était bien sur la même longueur d’onde radicale, déterminé à aller beaucoup plus loin. Et de cette vérification, après des années de démoralisation, les militants et manifestants en sortaient regonflés.
Les lendemains immédiats du 9 mars seront chez des dizaines de milliers de manifestants qui y ont participé, l’envie de prendre en main ce mouvement naissant pour qu’il ne leur échappe pas.
La réflexion, la discussion, l’organisation, la structuration seront à l’ordre du jour avec des AG étudiantes, lycéennes, des coordinations locales, régionales, interprofessionnelles… et la définition des objectifs pour une suite encore plus forte ; déjà, chez les lycéens et étudiants la date de prochaine étape de la mobilisation est annoncée : le 17 mars. Bien avant le 31 mars des confédérations syndicales qui dans le cadre de ce mouvement naissant paraît si lointain, trop lointain.
Alors une nouvelle fois – et encore plus puissamment – les jeunes accélèrent le calendrier, bousculent les appareils et vont les obliger à suivre. Encore mieux préparé et par beaucoup plus nombreux, le 17 mars sera en effet infiniment plus puissant chez les jeunes que le 9 mars. Et par là – mais aussi parce que de nombreux militants ouvriers vont aller dans les AG étudiantes et inversement là où c’est possible- il va prendre un caractère d’autant plus entraînant sur la masse des militants syndicalistes, qui n’en peuvent plus des atermoiements de leurs directions face à la brutalité gouvernementale.
Le 9 mars, même si ce n’était déjà plus ça, les militants syndicalistes pouvaient encore se dire dans un coin de leur tête seulement « solidaires » des étudiants comme l’affichaient leurs directions en expliquant que la vraie mobilisation serait la leur, celle du 31 mars.
Mais après le 9 mars, c’est une autre direction au mouvement général, une autre autorité politique qui se construit.
Ce qui joue aussi dans ce sens, et ce n’est pas une des moindres différence avec les mobilisations étudiantes passées, est que la moitié des étudiants font des petits boulots.
C’est pour ça qu’ils savent très bien ce que veut dire la loi travail et que le baratin gouvernemental ne peut pas les toucher. Mais c’est pour ça, aussi, que la tonalité générale des manifestations était profondément sociale.
Il était perceptible aussi que dans les manifestations, il n’y avait pas que des jeunes étudiants mais aussi une partie de la jeunesse ouvrière, intérimaires, précaires, stagiaires… les plus exploités aujourd’hui du monde du travail. Les deux jeunesses qui n’ont jamais été aussi proches ont d’ailleurs dit ensemble, en long et en large, sur #onveutmieuxqueça ce qu’est l’exploitation des jeunes aujourd’hui et la société de l’horreur économique que les patrons veulent pour tous demain.
Les jeunes ouvriers, déjà bien présents le 9 mars, et qui sont sont aussi ceux qu’on a vu dans les luttes des intermittents, mais qu’on voit encore dans de nombreuses luttes actuelles, à la Poste, dans les hôpitaux, le périscolaire, de petites entreprises jusqu’aux remontées mécaniques des stations de ski et bien ailleurs comme parfois dans les ZAD, seront aussi encore plus nombreux le 17 mars. Ce sont eux qui avaient fait le lien entre étudiants et ouvriers en mai 1968. Sauront-ils s’organiser ? Ce n’est pas simple mais il est sûr que l’entraînement des salariés aînés passera aussi par là, encore plus que par le passé.
D’autant que les comités Goodyear, devenus de fait « comités de défense ouvriers » par la multiplication des cas de répression syndicale pourraient bien devenir rapidement s’ils le veulent, entraînés par la mouvement en cours, mais le structurant en partie à leur tour, des « Comités d’auto-défense sociale », et par là se multiplier partout, associant dans les mêmes structures, ouvriers, étudiants, lycéens, chômeurs et, pourquoi pas, paysans dans la diversité de leurs revendications et l’unité de leur combat commun.
Car ce qui était frappant dans la lutte encore toute fraîche des agriculteurs, c’est que même si les patrons de la FNSEA étaient bien souvent à la manœuvre, ses objectifs n’étaient pas ceux des paysans en lutte. A la baisse des charges demandée par les premiers, les seconds répondaient par une baisse des bénéfices – colossaux – des sociétés capitalistes de distribution, les hypermarchés, pour tout à la fois une hausse de leurs revenus et une baisse des prix de vente aux consommateurs. Et ce n’était pas que le blocage des routes qu’organisaient les agriculteurs pour cela, mais aussi et surtout le contrôle des prix et des bénéfices des grandes surfaces. Contrôle qui pourrait donner des idées au monde ouvrier… tout comme la détermination, la radicalité et les revendications des écologistes de Notre Dame Des Landes.
Bien sûr, tout cela n’est pour le moment encore qu’anticipation… mais voilà à quoi ouvre la dynamique du 9 mars dans la situation actuelle : une unification sociale de toutes les colères, tous les combats et, de là, une unification politique .
En se structurant, en étant encore plus nombreuse dans la rue le 17 mars, la jeunesse va faire plus qu’entraîner les militants syndicalistes de base ; elle va apparaître aux yeux d’un nombre de salariés de plus en plus important, de paysans, d’écologistes… comme une force non seulement capable de se lever contre le gouvernement mais, peut-être, capable de le faire reculer sérieusement.
Ainsi, en même temps que la jeunesse peut apparaître comme une direction de rechange aux organisations syndicales, il peut se lever un formidable espoir chez une foule d’exploités et d’opprimés. Des vannes peuvent s’ouvrir : les milles et milles luttes qui se perdent dans leur émiettement et les millions de colères rentrées qui n’arrivent pas à s’exprimer, peuvent tout d’un coup être fédérées en un seul mouvement par cet espoir, un raz de marée bien au delà de ce qu’a été le mouvement du CPE, à la dimension immense des multiples et profonds reculs, injustices et souffrances que le gouvernement et le patronat font subir aux plus pauvres depuis des années et des années.
En même temps que la crise sociale, c’est une crise politique qui s’ouvre et qui peut mener non seulement à l’éclatement du PS déjà mal en point mais aussi à la remise en cause du gouvernement et de toutes les politiques racistes et guerrières de l’impérialisme français, comme du poids du FN sur la société française depuis 30 ans. Une page peut et doit se tourner.
Voilà ce qu’annonce et prépare le 9 mars : le moment où des millions d’hommes et de femmes vont pouvoir discuter de la société qu’ils veulent et prendre leur sort en main.
Le gouvernement français, mais aussi ceux d’Europe, ont de quoi s’inquiéter.
Jacques Chastaing