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Au Royaume-Uni, grève historique des urgences médicales
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) En 68 ans d’existence, le Service national de santé (NHS), qui fait la fierté des Britanniques, n’avait jamais connu un conflit aussi radical. Mardi 26 et mercredi 27 avril, même les urgences ne seront pas assurées dans les hôpitaux anglais (Ecosse et Pays de Galles disposent de NHS autonomes). Les « junior doctors », catégorie comparable aux internes français, sont appelés à une « grève totale » pendant deux jours, entre 8 heures et 17 heures. Le mouvement devrait être fortement suivi tant le conflit qui les oppose au ministre de la santé, Jeremy Hunt, s’est envenimé ces derniers mois. « Ne venez à l’hôpital qu’en cas de véritable urgence. Sinon, allez voir votre pharmacien », conseille le site du NHS. Plus de 100 000 rendez-vous pris pour les deux jours de grève et près de 13 000 opérations, y compris des accouchements programmés, ont été annulés. Des médecins spécialistes ou plus gradés ont été appelés à la rescousse pour remplacer les dizaines de milliers de « junior doctors » qui doivent manquer à l’appel.
Chargé de concrétiser la promesse électorale faite en 2015 par les conservateurs d’un NHS fonctionnant sept jours sur sept, M. Hunt veut supprimer les primes versées pour le travail du samedi et réduire celles qui compensent aujourd’hui le travail de nuit et du dimanche. Sa volonté depasser en force, en imposant aux médecins qui sont des agents publics un nouveau contrat avec l’Etat incluant ces nouvelles contraintes, n’a fait que renforcer la détermination des jeunes praticiens qui font grève pour la quatrième fois depuis le début de l’année. L’augmentation du salaire de base de 13,5 % qui leur est promise en contrepartie de l’abandon de leurs primes est loin de compenser une nouvelle organisation qui, en leur imposant des semaines de travail pouvant atteindre 50 à 60 heures, compromettrait, selon eux, non seulement leur mode de vie mais surtout la qualité des soins.
Radicalisation politique
« Vous avez 20 % de risque de mouriren plus si vous avez une attaque cardiaque pendant un week-end »
Largement politisée, la querelle apparaît aujourd’hui, du côté du gouvernement, comme le test de sa détermination à appliquer son programme. Pour la British Medical Association (BMA), qui syndique 37 000 des 55 000 « junior doctors », la grève est l’aboutissement de la radicalisation politique de toute une génération de jeunes médecins. Sur les piquets de grève, les banderoles proclament « NHS : Not Hunt Slaves » (« [nous ne sommes] pas les esclaves de Hunt ») ou « Nouveau contrat : ni sûr, ni juste ».
Généralement âgés entre 30 ans et 40 ans, payés 1 900 livres par mois (2 440 euros) en début de carrière, gardes non comprises, ils jugent de plus en plus insupportables les contraintes matérielles et humaines que leur impose un système nettement plus bureaucratique et parcimonieux que la Sécurité sociale française, mais également au bord de l’asphyxie financière. Ils contestent vivement l’argument principal avancé par le gouvernement pour généraliser le travail du week-end :« dans notre système actuel, vous avez 20 % de risque de mourir en plus si vous avez une attaque cardiaque pendant un week-end », a assuré le ministre, citant une étude contestée.
Soutien du public aux médecins
Lundi, devant la Chambre des communes, Jeremy Hunt a exhorté les « junior doctors » à assurer les urgences. Le public va se demander, a-t-il dit, « si ce mouvement lancé par des professionnels dont dépend la vie de malades est proportionné et justifié ». Défendant le service sept jours sur sept, le ministre de la santé a solennellement proclamé : « Aucun syndicat n’a le droit d’empêcher l’application d’une promesse d’un programme politique pour lequel les Britannique se sont prononcés », en soulignant que les primes qu’il proposait aux médecins étaient« supérieures à celles versées aux infirmières, aux policiers et aux pompiers, et à presque tous les salariés ». Pour sa part, le Labour soutient les « junior doctors » et a proposé en vain de suspendre l’application des nouvelles obligations de service à une étude visant à démontrer leur intérêt sanitaire.
Depuis le début du conflit, le gouvernement Cameron soutient son ministre et tente de jouer sur la peur et la colère des usagers des hôpitaux. En pure perte jusqu’à présent, puisque les sondages font état d’un solide soutien du public au mouvement des médecins. La grève des urgences fera-t-elle basculer l’opinion ? Selon une enquête réalisée au début du mois d’avril, 45 % des Britanniques soutenaient ce mouvement radical, mais 38 % le désapprouvaient.