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L’Autriche se dote de justesse d’un président vert
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le vote par correspondance a finalement donné la présidence au candidat indépendant Alexander van der Bellen, ancien chef de file des Verts. Il devance son adversaire d'extrême-droite Norbert Hofer de quelques 31.000 voix sur 4,6 millions, soit 50,3 % des voix.
Norbert Hofer, le candidat du parti d'extrême-droite FPÖ à la présidence autrichienne, ne présidera pas, le 1er janvier 2017, le fameux Bal du Nouvel an au Musikverein de Vienne. C'est l'ancien président des Verts, Alexander van der Bellen, 71 ans, qui aura cet honneur pour les six prochaines années en tant que nouveau président de la République alpine. Selon les résultats officiels, Alexander van der Bellen dispose d'une avance de quelques 31.000 voix sur Norbert Hofer sur un total de 4,48 millions d'électeurs qui se sont exprimés. En pourcentage, le score est donc de 50,3 % contre 49,7 %. Même s'il n'est plus officiellement membre des Verts, Alexander van der Bellen devient ainsi le second président de tendance écologiste d'Europe après le président letton.
Le vote par correspondance a fait basculer l'élection
Cette victoire est la plus étroite de l'histoire de l'Autriche et le suspense aura duré jusqu'au bout. Des rumeurs évoquaient même une contestation de la FPÖ, mais Norbert Hofer a déjà félicité le vainqueur sur son compte Facebook. Ce résultat s'est joué dans la dernière ligne droite, grâce aux votes par correspondance, qui prend notamment en compte celui des Autrichiens de l'étranger. Dimanche soir, une fois le vote physique dans les urnes dépouillé, Norbert Hofer disposait de 51,9 % des suffrages exprimés et de 144.006 voix d'avance. Mais les sondages prévoyaient déjà un rééquilibrage, les électeurs par correspondance étant plus volontiers marqués à gauche que les autres. C'est ce qui s'est produit : la participation postale s'est nettement accrue, passant de 660.000 à 885.000 voix et Alexander van der Bellen a obtenu parmi elles 61 % des voix, ce qui finalement lui a donné la victoire.
Un « cordon sanitaire » en dehors des partis
Longtemps favori, le nouveau président autrichien revient de loin. Au premier tour, il n'avait recueilli que 21,34 % des voix contre 35,05 % au candidat FPÖ et n'avait bénéficié d'aucun report explicite des candidats éliminés. Il a néanmoins bénéficié d'un effet de « front républicain » en dehors des partis. Selon un sondage réalisé par le quotidien viennois Die Presse, 40 % des électeurs d'Alexander van der Bellen l'ont soutenu pour faire barrage à l'extrême-droite et à Norbert Hofer. Le nouvel élu avait, du reste, appelé en fin de campagne les Autrichiens à le choisir « même s'il le trouvait mauvais » pour épargner au pays un président FPÖ. Son appel a été entendu, finalement, mais il s'en est fallu de peu. La démission la semaine passée du chancelier social-démocrate Werner Faymann, devenu très impopulaire, aura sans doute également permis de jouer en faveur de ce ralliement.
Selon les calculs de l'institut SORA, la victoire de l'écologiste s'est joué principalement chez les abstentionnistes du premier tour. Sur les 330.000 non votants du 1er tour, près de 200.000 ont voté pour Alexander van der Bellen qui a aussi bénéficié d'un bon report des voix de l'indépendant Irmgard Griss (19 % au premier tour) et du candidat social-démocrate. L'électorat conservateur s'est en revanche divisé strictement en deux.
La FPÖ peut cependant se réjouir
De son côté, la FPÖ de Heinz-Christian Strache, son chef de file au niveau fédéral, a des raisons de se réjouir. Pour la première fois, son candidat s'est qualifié au second tour et n'y a pas fait que de la figuration puisqu'il était dimanche soir majoritaire dans sept des neuf Länder du pays et que, après la prise en compte du vote par correspondance, il reste en tête dans cinq Länder. L'Autriche rurale a massivement voté en faveur de Norbert Hofer, mais aussi l'Autriche industrielle : 86 % des ouvriers auraient choisi le candidat d'extrême-droite. Ce dernier qui a prouvé que la FPÖ disposait d'une réserve de voix importante, au-delà des 35 % qui correspondent aux scores des intentions de vote de la FPÖ en cas d'élections fédérales. Autrement dit, la FPÖ peut prétendre désormais incarner un courant quasi-majoritaire dans le pays, ce qui peut être un argument important dans le cadre de discussions de coalition après les élections de 2018 et alors que la « grande coalition » entre les Sociaux-démocrates de la SPÖ et les Conservateurs de l'ÖVP. Or, en Autriche, il n'y a pas de « cordon sanitaire » et ces deux grands partis gouvernent déjà avec la FPÖ dans certains Länder.
Répit pour le gouvernement
L'élection d'Alexander van der Bellen va, en tout cas, permettre au nouveau chancelier social-démocrate Christian Kern, ancien président des chemins de fer fédéraux (ÖBB), de disposer de deux années pour mener son action avant les prochaines élections fédérales. Même si le président fédéral est une charge surtout représentative et qu'il ne peut dissoudre le parlement que sur proposition du gouvernement, il dispose du pouvoir discrétionnaire de démettre le gouvernement. En cas de victoire de Norbert Hofer, une crise politique était possible. Alexander van der Bellen devrait jouer le rôle plus réservé qui est traditionnellement celui des présidents autrichiens.
Soupirs de soulagement en Europe
Un grand soupir de soulagement devrait aussi retentir en Europe où l'on s'inquiétait de la présence à la tête d'un Etat membre de l'UE et de la zone euro d'un représentant de l'extrême-droite. Il y a bien eu un « sursaut » pour empêcher la FPÖ de s'emparer de la Hofburg. Mais, comme on l'a vu, ce soulagement ne doit pas cacher d'état réel du système politique et de la société autrichienne : la moitié des Autrichiens est prête à voter pour l'extrême-droite. Le rejet des élites politiques traditionnelles et de leurs solutions est très répandu. La FPÖ va donc pouvoir jouer sur l'effet « seul contre tous » et espérer capitaliser sur ce résultat.
La FPÖ influencera-t-elle la politique autrichienne ?
L'effet sur la politique autrichienne ne devrait pas manquer de se faire sentier. SPÖ et ÖVP, dont les candidats ont obtenu 11,3 % et 11,2 % des voix respectivement au premier tour, vont désormais vivre tétanisés par la peur de la FPÖ. Il y a donc fort à parier que le gouvernement va tout faire pour chercher à « faire revenir » des électeurs de l'extrême-droite dans le camp des partis traditionnels. Et pour cela, de maintenir une politique dure sur la question migratoire. Le prédécesseur de Christian Kern, Werner Faymann, avait unilatéralement fermé les frontières du pays aux réfugiés en février, provoquant une réaction en chaîne jusqu'à la frontière entre la Grèce et l'Ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM). Plus récemment, l'Autriche a fermé sa frontière du Brenner avec l'Italie, malgré les protestations de Rome.
Avec ces élections présidentielles, il y a peu de chance de voir un changement de politique. Derrière les soupirs de soulagement, il sera peut-être utile de se demander si, malgré sa courte défaite, la FPÖ n'a pas déjà une influence considérable sur la politique de l'Autriche.
Les résultats complets sur le site du ministère autrichien de l'intérieur (en allemand).