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Bure : Ce nouveau Notre-Dame-des-Landes
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http://www.estrepublicain.fr/actualite/2016/07/19/bure-ce-nouveau-notre-dame-des-landes
Après les violences de ce week-end, l’opposition à l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, dans la Meuse, change de tournure et de visage. Le projet a tout pour engendrer une mobilisation d’ampleur nationale.
Un calme tout relatif est revenu hier à Bure. Les travaux préparatoires de l’Andra (Agence de gestion des déchets nucléaires) sur leur terrain, pourtant occupé en partie par les manifestants, ont repris sous protection. Ces derniers ont mené hier matin une action à Joinville (Haute-Marne), visant à bloquer pendant une heure une entreprise locale intervenant en tant que sous-traitante sur le chantier.
Un palier a été franchi ce week-end dans la lutte contre Cigéo, le futur centre d’enfouissement en Meuse, à l’horizon 2025. Plus la phase concrète de construction approche, plus la mobilisation s’accroît. Pour plusieurs raisons, l’endroit a tout pour devenir le nouveau Notre-Dame-des-Landes.
La cause
Difficile de rester insensible à ce projet fou, sans équivalent. Alors que la question du nucléaire devient de plus en plus sensible, on parle d’enfouir à 500 mètres sous terre des déchets nucléaires contenant à eux seuls 99 % de la radioactivité française. Il leur faudra un million d’années pour devenir inoffensifs ! Le tout pour la bagatelle de 35 milliards d’euros ! L’enjeu dépasse largement le cadre local des derniers grands combats environnementaux, du barrage de Sivens à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Il y a là tous les ingrédients pour susciter une mobilisation nationale, voire internationale dans ce secteur proche des frontières. Les militants belges ou allemands ne sont pas rares à Bure.
Une organisation très professionnelle
Depuis la tenue à Bure l’été dernier d’un camp composé d’une nouvelle génération de militants, la lutte a changé d’ère. Après vingt-cinq années de mobilisation, les opposants historiques, des locaux, commençaient à s’émousser. Leur stratégie du boycott du débat public de 2013-2014 leur aura permis d’éveiller les consciences. Les connexions avec les militants de Sivens ou Notre-Dame-des-Landes ont aussi porté leurs fruits. Samedi, pour la réoccupation de la forêt, un bus avait été affrété depuis Nantes. La relève présente un tout autre visage. Ses militants ne sont pas Lorrains, ils sont jeunes (entre 20 et 35 ans), aguerris par d’autres luttes et très organisés. Aussi bien dans l’intendance que la communication. Hyperactifs sur les réseaux sociaux et internet, ils sont capables de mobiliser large. Méfiants à l’encontre des médias classiques, ils savent cependant les utiliser dans la bataille de la communication.
Un mouvement politisé
Résumer les violences de ce week-end à la simple présence de casseurs serait une erreur. Les militants qui mènent désormais le mouvement sont hautement politisés, dans le sens premier du terme. Ces écolos ont fait de la sauvegarde de l’environnement leur religion. Et de l’atome leur bête noire. Des convictions les portent et ils adorent en débattre. Qu’ils soient anarchistes, anticapitalistes ou altermondialistes, ils se rassemblent autour de l’envie de construire un monde différent pour les générations à venir. Si beaucoup sont de farouches pacifistes, une frange a aussi intégré la violence comme partie intégrante de son combat. Une nouveauté à Bure, qui doit se préparer au pire.
Le manque de courage politique
Il en faudra beaucoup pour mener le projet à bout. Or, cette vertu a depuis longtemps déserté les hautes sphères du pouvoir. Soucieux de ne pas faire éclater sa majorité, François Hollande a refilé aux parlementaires locaux la patate chaude de la dernière proposition de loi sur la réversibilité des déchets et le lancement d’une phase pilote. Le 11 juillet, seulement une vingtaine de députés étaient présents pour la voter. Et c’est André Vallini, secrétaire d’État chargé du Développement et de la Francophonie, qui représentait le gouvernement. Ségolène Royal, la ministre de l’Environnement enchaînait les selfies avec les joueurs de l’équipe de France de foot, dans les jardins de l’Élysée. Une série de mépris qui attise les oppositions.
Philippe MARQUE