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La rubrique sportive comme métaphore de l’information

sport

Lien publiée le 20 août 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) La couverture mitée des Jeux Olympiques de Rio s'avère le miroir grossissant des difformités de l'information en France : cadenasser le réel en formatant l'esprit public… Voici quelques exemples.

Il est loin le temps où un Roger Couderc haut en couleur, à la télévision en noir et blanc, encourageait « les petits » de l’équipe de France de rugby en sa qualité de témoin, de passeur, d’expert, de truchement, d’intermédiaire : de journaliste sportif. C’était chauvin, mais il y avait encore un minimum de distance, de décence, de résistance. Question de style.

L’endogamie est ensuite venue tout subjuguer : les commentateurs sont désormais d’anciens joueurs, champions, ou athlètes, payés pour nous bourrer le mou. L’entre-soi se révèle de mise et va jusqu’à nous exclure si nous n’adhérons pas à tous les codes, tous les excès, toutes les illusions : à l’idéologie ainsi offerte aux masses enchaînées.

Or voici que le sport sort de son lit en plus de nous faire sortir du nôtre – décalage horaire oblige. Avec ces satanés Jeux olympiques de Rio, un cran est follement franchi. Les bien nommées épreuves – qui ne sont donc que propagande destinée à engluer le peuple – colonisent sans frein ni vergogne les informations ; qui du coup n’en sont plus.

Il en va ainsi tous les jours depuis plus de deux semaines. Exemple entre cent, vendredi 19 août, au journal de 9 heures sur France Inter. En ouverture, il est longuement question de Christophe Lemaître, qui rejoint enfin l’éternelle médaille d’or Usain Bolt sur le podium olympique, avec une médaille de bronze lors de la finale des 200 m. Un journaliste dit alors tout le bien qu’il pense de Christophe Lemaître, avant qu'un entretien ne nous permette d'entendre Christophe Lemaître dire tout le bien qu’il pense de lui-même.

Toutefois, nous ne saurons jamais qui a récolté la médaille d’argent lors de cette compétition. Vous répliquerez que le bronze a bien droit de cité. Dans ce cas, avez-vous été mis au courant de qui obtint l'airain quand le perchiste Renaud Lavillenie arracha l'argent – privé de son cher or par un public brésilien fanatique, patriotard et xénophobe, qui n’en avait que pour un sportif du cru ainsi porté au sommet ?

Plus généralement, avez-vous entendu parler, aux informations d’une chaîne publique française, de disciplines sportives où des Français n’avaient grappillé aucune récompense – à moins qu’ils n’eussent démontré leur art unique de perdre en méritant la victoire ? Avez-vous été informés que les États-Unis d’Amérique, certes, mais en outre la Grande-Bretagne (eh oui !), la Chine, l’Allemagne (eh oui encore !), sans oublier la Russie ou le Japon, devançaient la France dans le classement par médailles obtenues lors de ces JO de Rio ?

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Face à un tel fiasco informatif, deux possibilités se présentent. Soit on se dit qu’il s’agit d’un travers inhérent au sport, qui obéit à des lois où l’émotion, le boniment, le battage nationaliste et partant une forme d’endoctrinement et de désinformation s’imposent, de façon bonhomme, anodine, inoffensive ; acceptable parce que circonscrite. Bref, une exagération qui ne préjugerait en rien du reste.

Soit on s'avise que tout cela est bigrement métaphorique. L’information sportive, nonobstant sa démesure braillarde, se révèle de la même farine qu'une information générale tout aussi faussée. Mais qui procède d'un enfumage moins visible ou caricatural ; plus subtil et pervers. Parce que jouant sur un bourrage de crâne intériorisé par l’esprit public incapable, dans ces conditions, de percevoir les outrances donc de rétablir la part des choses…

N'est-ce pas ainsi qu'il faut discerner les faits divers qui éclipsent toute réflexion au profit du voyeurisme ? La courbe du chômage en simple performance chiffrée, qui jamais ne s’incarne au point de pousser à la révolte ? La classe ouvrière disparue des radars ? La violence continuelle faite aux femmes maintenue sous le boisseau ? Une certaine jeunesse française assignée ad vitam æternam à d’indécrottables clichés coloniaux parce qu'« issue de l’immigration » ? Le voile pudique sur l'agonie de l’ensemble des services publics ? L’incapacité d’appréhender le fait religieux ? La culture qui décroît et la cruauté qui croît ?

Est-ce que ne gît pas là, dans de tels angles morts, l’équivalent des médailles indiscernables, des disciplines introuvables et des pays évanouis lors des comptes-rendus controuvés des JO ?

Et si l’information soudainement si dégradée de ce mois d'août 2016, plutôt que de nous abrutir davantage, nous ouvrait enfin les yeux ? Et si la narration de Rio avait été l’attentat de trop contre les réalités de ce monde ?