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Syrie - Réponse à l’article de Mediapart sur le PYD

Kurdistan Syrie

Lien publiée le 21 août 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Notre camarade Raphaël répond à un article de Mediapart sur le PYD, parti des Kurdes de Syrie. Vous trouverez ci-dessous l'article de Mediapart, puis la réponse de notre camarade

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(Mediapart) En pointe contre Daech, le PYD kurde divise la population syrienne

Acteurs clés du conflit, au rôle décisif dans la lutte contre l’État islamique et dans la libération de Manbij début août, les combattants kurdes du PYD négocient leurs alliances au coup par coup, souvent au côté du régime syrien, avec un objectif: préserver un territoire qui permettrait de constituer un Kurdistan autonome.

Nous sommes en septembre 2012. Au milieu de la campagne parsemée de vergers du nord-est de la Syrie, nous marchons au sein d’une katiba (bataillon) de l’Armée syrienne libre (ASL), en direction de la ville d'Idlib. La bataille d’Alep, conçue comme un blitzkrieg qui devait emporter le régime et faire triompher la révolution, est déjà en voie d’enlisement. La poignée d’hommes que nous suivons paraît démoralisée, sans moyens d’agir pour changer le cours des choses (lire notre reportage « Cette guerre serait finie si nous avions des armes »). Tout autour de nous, le bruit des bombardements de l’armée syrienne. Les bombes tombent à quelques centaines de mètres de là, réduisant à l’impuissance les efforts de l’ASL, dépourvue de ce matériel antiaérien qui leur aurait permis de contrôler la région. Dans les semaines qui suivront, plus de la moitié des combattants périront dans un assaut lancé contre la base tenue alors par l’armée syrienne.

En ce même mois de septembre 2012, à quelques dizaines de kilomètres au nord, le PYD (parti de l’union démocratique, fondé en 2003) kurde est au contraire à la fête. Ses troupes occupent la quasi-totalité de la localité d’Afrin, l'une des principales villes du Kurdistan syrien après Kameshli, située plus à l’est. Les forces du régime l’ont évacuée sans presque combattre. Il n'y a plus que le portrait de Bachar al-Assad à trôner encore sur la mairie de la ville, comme à la veille de la révolution. « Pour l’instant, nous leur laissons la mairie, nous explique alors un combattant du PYD.Mais nous la prendrons bientôt, quand nous serons prêts. » Moins d’un mois plus tard, la mairie tombait sans opposer de résistance. Le parti kurde prenait Afrin pour ne plus la perdre, sanctionnant une évolution irréversible du confit : la montée en puissance du PYD et la déliquescence des révolutionnaires syriens.

Avant même la bataille de Qousseir au printemps 2013 et l’entrée en guerre décisive du Hezbollah libanais au côté du président syrien Bachar al-Assad, avant l’attaque avec des armes chimiques menée par le régime en août 2013, l’été 2012 fut le premier tournant du conflit syrien : l’État islamique n’avait pas encore pris pied en Syrie et les djihadistes constituaient une petite minorité de combattants. En ouvrant un second front sur Alep, l’ASL espérait en finir avec l’armée régulière et prendre le contrôle du pays pour mettre fin à la dictature d’Assad. Le PYD, lui, se concentrait sur une unique zone à « libérer » : le Kurdistan. Il n’affichait aucun espoir de libérer la Syrie tout entière.

Au fil des ans, ces deux tendances n’ont fait que se renforcer : l’ASL s’est délitée et son ambition avec elle, quand le PYD a consolidé son emprise sur le nord-est du pays. Renforcé internationalement, le parti kurde a notamment ouvert une représentation à Paris. Du fait de son positionnement géographique, le PYD a su tirer profit de la montée de l’État islamique pour se poser en allié indispensable de la coalition menée par les États-Unis, au contact des zones clés pour l’EI, de la frontière nord turco-syrienne, et de Raqqa, capitale du « califat ».

En 2015, c’est également le PYD qui a mené les grandes batailles de Kobané, donnant à ses combattants une image positive dans les médias du monde entier. C’est lui qui assiège l’État islamique par le nord, perdant et reprenant à intervalles réguliers la ville de Tall Abyad, point d’entrée pour les combattants de l’EI vers sa capitale. L’armée kurde n’y est qu’à 30 kilomètres.

Début août, le PYD a ainsi libéré la ville de Manbij, tenue par l’État islamique. Il a parfait son image internationale grâce aux photographes « embedded » dans les forces kurdes, et les multiples clichés de femmes ôtant leur niqab pour célébrer l’arrivée des combattants du PYD.

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Derrière cette image de force combattante pour les libertés, la réalité de l'organisation kurde est bien plus contrastée, tout comme sa popularité au sein de la population syrienne. Ces derniers mois, le PYD a avant tout cherché à étendre sa zone d'influence et a souvent pactisé avec le régime pour y parvenir, au détriment des rebelles, y compris pendant le siège d’Alep cet été.

L'origine de l’hostilité envers le PYD est cependant antérieure à la révolution. Lors du soulèvement de 2011, le parti kurde est perçu par beaucoup de Syriens − y compris chez les Kurdes, parmi lesquels il est alors très impopulaire − comme une organisation contre-révolutionnaire, accusée non seulement de participer à la répression des manifestations mais aussi d'avoir assassiné l'opposant kurde Assad Meshaal al-Tammo. Par le passé, le PYD a même largement aidé le régime syrien à étouffer les revendications kurdes en Syrie, en focalisant son discours sur la question des Kurdes de Turquie.

En 2012, le PYD a continué sa stratégie solitaire, bénéficiant d'un arrangement avec le régime en vertu duquel ce dernier évacuait l'essentiel des territoires à majorité kurde, tout en étant autorisé à y maintenir des garnisons et à assurer la continuité de certains services publics. Par la suite, le PYD a régné sans partage. Il contrôle la plupart des organisations politiques et a mis peu à peu en place une « administration démocratique et autonome » à partir de 2013, omnipotente dans la vie quotidienne (lire l’excellent article de Daryous Aldarwish dans ce travail collectif de recherche sur les dynamiques locales en Syrie et en Libye). Ses revenus − 10 millions de dollars mensuels −, issus majoritairement du gaz et du pétrole, sont principalement réinvestis dans l’effort de guerre, et son territoire s'étend petit à petit, au détriment parfois des zones contrôlées par les rebelles. Depuis 2015, le PYD est véritablement perçu comme un ennemi par l'opposition syrienne arabe.

Un avenir incertain sur fond de rivalités inter-Kurdes

Le principal motif de ce rejet du PYD par la population arabe est l'expansion de sa branche militaire en dehors des zones à majorité kurde, dans le cadre de la politique de jonction territoriale entre les trois cantons kurdes initiaux (Djézireh, Kobané, Afrin). La jonction Djézireh-Kobané est effective depuis la prise de Tall Abyad − contrôlée par les rebelles avant sa capture par l’État islamique en 2014 −, et le projet de jonction entre Kobané et Afrin, encore putatif, a donné lieu à la prise de Tell Rif'at (nord d’Alep) en février dernier.

« Pour l'opposition, ce fut un choc énorme, explique le spécialiste de la Syrie Thomas Pierret, chercheur à l’université d’Édimbourg. Premièrement, c'est le première fois que le PYD occupait une région à majorité arabe contrôlée non pas par l’État islamique, mais par la rébellion ; deuxièmement, en prenant Tell Rif'at, le PYD épaulait le régime dans sa stratégie d'encerclement des quartiers rebelles d'Alep, désormais privés d'accès au poste-frontière turc de Bab al-Salama ; les faits se sont reproduits à l'identique lors de la récente fermeture de la route du Castello, qui ravitaillait Alep est par le nord-ouest, le PYD ayant une nouvelle fois coopéré avec le régime. »

Outre le problème de stratégie militaire et d’alliance avec un régime qui bombarde la population au TNT, surgit la question d'un différend idéologique très profond : l'opposition arabe est en majorité conservatrice ou islamiste, là où le PYD est marxiste et laïc. En dehors des djihadistes, l'opposition syrienne aspire à un système politique fondé sur le multipartisme, là où le PYD rétablit ce qui s'apparente à un régime de parti unique. 

À ce fossé culturel et politique au sein de l’opposition syrienne s’ajoute un autre problème, plus grave et consubstantiel au projet politique du PYD: l’antagonisme turc. Les raids et les bombardements de l’armée turque se sont multipliés depuis douze mois, Ankara considérant le PYD comme la branche armée du PKK (lire ici un des articles paru dans la presse progouvernementale en turc). En Syrie et au Kurdistan turc, le gouvernement turc est bien décidé à lui faire la chasse pour casser le rêve d’un Kurdistan autonome et unifié.

Malgré les progrès du PYD en Syrie, cette perspective d'une nation kurde unifiée paraît cependant encore fort lointaine. La relation du PYD avec le PKK est elle-même teintée de rivalités politiques. Mais le plus grand fossé se trouve à l’est, entre le PYD syrien et le Kurdistan irakien. Florissant et autonome grâce à sa manne pétrolière, courtisé par la… Turquie, le gouvernement régional du Kurdistan d'Irak (KRG) entretient officiellement des rapports cordiaux avec les Kurdes de Syrie, et affiche une solidarité sans faille face à l’État islamique (EI). Les troupes kurdes irakiennes et syriennes ont ainsi coopéré lors des batailles menées pour reprendre Kobané (en Syrie) et Sinjar (en Irak).

Mais la rivalité entre le PYD, qui exerce désormais un pouvoir exclusif dans le « Rojava » (Kurdistan oriental), et les Kurdes d’Irak demeure prégnante depuis le début du conflit syrien. Le parti démocratique du Kurdistan (PDK) irakien craint les velléités d'expansion du PYD au Kurdistan irakien, où il est venu en aide aux peshmergas débordés face aux exactions de Daech contre les Kurdes yézidis. À l'inverse, le PYD syrien redoute l’influence du KRG en Syrie. Il a récemment refusé que des Kurdes syriens qui s'étaient rendus au Kurdistan irakien pour s'entraîner, ne repassent la frontière en sens inverse.

La situation irakienne rend le sujet encore plus complexe. L’antagonisme entre Kurdes de Syrie et d'Irak se prolonge d’une autre division, au sein du pays cette fois, entre le PDK de Massoud Barzani, soutenu par les États-Unis, et le parti (UPK) du président irakien, Jalal Talabani, proche de l'Iran, où agit également une minorité kurde.

En l’absence de perspective d’union inter-Kurdes, tout l’enjeu pour le PYD aujourd’hui est d’installer durablement son administration autonome sur un territoire unifié. Il espère ainsi émerger comme une entité ayant la capacité de limiter l’influence des autres partis kurdes sur son territoire et se présenter à l'extérieur comme le relais le plus stable sur le territoire syrien − une carte déjà jouée par Barzani et Talabani en Irak − alors que le soutien américain s’annonce très incertain à long terme, en particulier en cas de chute de la capitale de l’EI, Raqqa.

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https://blogs.mediapart.fr/raphael-lebrujah/blog/180816/reponse-larticle-de-mediapart-sur-le-pyd

Réponse à l'article de Mediapart sur le PYD

Par Raphaël Lebrujah

Je voudrais d'abord commencer par exprimer mon profond respect pour le travail de la rédaction de Mediapart notamment sur les nombreux scandales qu'ils ont contribué à faire éclater, parfois contre vents et marée. J'ai toujours des désaccords avec certaine des positions politiques que défend parfois la rédaction mais cela ne me dérange pas car cela participe au débat d'opinion.

Réponse à l’article de Mediapart :

« En pointe contre Daech, le PYD kurde divise la population syrienne »

Je voudrais commencer par exprimer mon profond respect pour le travail de la rédaction de Mediapart, notamment sur les nombreux scandales qu’ils ont contribué à faire éclater, parfois contre vents et marées. J’ai toujours des désaccords avec certaines des positions politiques que défend parfois la rédaction mais cela ne me dérange pas car cela participe du débat d’opinion. Un jour, Fabrice Arfi de Mediapart avait dit sur un plateau télé après la démission du ministre fraudeur Cahuzac qu’il s’agissait d’une « victoire de l’information sur la communication ». Aujourd’hui,Mediapart a publié un article de communication et non d’information sur le conflit syrien et notamment sur la question kurde. Il me semble important de répondre à cet article qui affirme des choses en contradiction totale avec la réalité.

Cela fait trois ans que j’étudie le conflit syrien, sur lequel j’ai écrit de nombreux articles très documentés sur mon blog1, et après six mois de préparation j’ai réussi à passer la frontière irako-syrienne il y a six mois en tant que journaliste et passé un mois au Kurdistan syrien. Je me permets donc de répondre dans ce contexte aux affirmations de l’article de Mediapart en question et de son auteur, Pierre Puchot.

Le problème commence avec le titre. Ce n’est pas le régime par ses massacres et sa répression sans limite qui divise la « population » (laquelle ?). Ce ne sont pas les rebelles dits « modérés » qui divisent en décapitant un gamin palestinien de 12 ans, en filmant leur acte de cruauté comme la brigade Al-Zenki2 soutenue par les États-Unis, le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie. D’après le titre déjà, c’est le PYD qui divise alors que les milices qui lui sont rattachées n’ont ni décapité d’enfant ni organisé de massacre de masse. On induit déjà le lecteur en erreur. Le PYD (Parti de l’union démocratique) est le principal parti kurde syrien et l’un de ses représentants les plus effectifs.

L’auteur poursuit : « [en 2012]Le PYD, lui, se concentrait sur une unique zone à « libérer » : le Kurdistan. Il n’affichait aucun espoir de libérer la Syrie tout entière. »

Revenons un peu en arrière : le PYD est un parti kurde animé par la même idéologie que le PKK : le confédéralisme démocratique. Les Kurdes ont subi de nombreux massacres et génocides au cours de leur histoire, la Syrie d’Assad leur étant hostile. Plusieurs révoltes kurdes ont frappé le pays dans les années 2000 et ont été durement réprimées. La langue kurde était interdite, ceux qui la pratiquaient risquaient l’apatridie. Le résultat : 300 000 à 400 000 Kurdes se sont retrouvés apatrides. Ainsi, juste avant la révolte de 2011 en Syrie, le PYD défendait une ligne pacifiste contre la lutte armée en Syrie, redoutant les massacres. En 2012, il devenait clair que le régime tombait en lambeaux, un accord a donc été négocié pour que celui-ci quitte les régions à majorité kurde. Le régime pariait sur le fait que cela conduirait à des combats entre rebelles arabes et kurdes. Le PYD, lui, cherchait à protéger les zones kurdes de potentiels massacres et génocides – elles y avaient été particulièrement exposées dans le passé. Le PYD a déclaré qu’il prendrait partie, régime ou rebelles, pour ceux qui lui accorderaient l’autonomie réclamée. Le régime et les rebelles ont refusé unanimement. Parce que tant ces rebelles que le régime étaient composé en majorité d’Arabes et qu’ils étaient racistes (à l’exception de quelques groupes rebelles très minoritaires).

L’auteur ne s’arrête pas là avec ses raccourcis : « Le PYD a avant tout cherché à étendre sa zone d’influence et a souvent pactisé avec le régime pour y parvenir, au détriment des rebelles, y compris pendant le siège d’Alep cet été. »

L’auteur oublie de préciser que dans le cas d’Alep, les rebelles « modérés » ont bombardé le quartier kurde d’Alep pendant huit mois sans interruption. Dans les groupes qui ont bombardé, on trouve les égorgeurs d’enfant cités plus haut, ou Ahrar al-sham, qui sont des salafistes-nationalistes coupeurs de mains soutenus par la Turquie ou encore l’Arabie saoudite. Le seul véritable résultat de ces bombardements a été les centaines de civils tués ou blessés. Alors quand le régime a fait fuir ces groupes de rebelles des zones proches du quartier kurde, les combattants kurdes se sont tout simplement faufilés dans brèche pour prendre des positions qui servaient comme base à des bombardements contre la population du quartier kurde d’Alep. Les Kurdes, eux, n’ont pas ciblé les populations civiles des zones arabes. Mais peut-être est-ce un détail de l’histoire ?

L’article poursuit : « Lors du soulèvement de 2011, le parti kurde est perçu par beaucoup de Syriens − y compris chez les Kurdes, parmi lesquels il est alors très impopulaire − comme une organisation contre-révolutionnaire, accusée non seulement de participer à la répression des manifestations mais aussi d’avoir assassiné l’opposant kurde Assad Meshaal al-Tammo. Par le passé, le PYD a même largement aidé le régime syrien à étouffer les revendications kurdes en Syrie, en focalisant son discours sur la question des Kurdes de Turquie. »

Déjà l’auteur est télépathe, il arrive à savoir ce que les Kurdes syriens pensaient en 2011, car il sait que le PYD est impopulaire auprès des Kurdes en 2011 (comment ?). Le fils d’Assad Meshaall al-Tammo accuse le régime d’avoir assassiné son père3, mais le PYD est déjà condamné par l’auteur. De plus, les YPG, impulsés à l’origine par le PYD, sont formés pour résister au régime dans la clandestinité suite aux émeutes de 2004 au Kurdistan syrien4. C’est une milice d’autodéfense formée pour résister contre les occupants arabes du régime, qui oppressent les Kurdes. Mais visiblement l’auteur l’ignore ou l’« oublie ».

Continuons : « Par la suite, le PYD a régné sans partage. Il contrôle la plupart des organisations politiques. »

Je ne savais pas qu’il contrôlait les organisations politiques du Kurdistan syrien. Le PYD est vraiment surpuissant. C’est peut-être pour cela qu’au Kurdistan syrien, il y a six mois de cela, j’ai vu des manifestations de l’opposition organisées par l’ENKS (Kurdish National Council) qui n’éprouvait visiblement aucune inquiétude en manifestant son mécontentement. C’est peut-être pour cela que j’ai vu des représentants du PDK-S, grand rival du PYD qui prône une alliance avec les islamistes syriens contre le régime, au conseil législatif de Cizîre avec 24 autres organisations politiques issues du trotskisme, du marxisme ou de la droite bourgeoise. Je suis impressionné de la capacité de manipulation du PYD qui a réussi à me faire croire qu’ils étaient faussement en désaccord…

« Ses revenus − 10 millions de dollars mensuels −, issus majoritairement du gaz et du pétrole, sont principalement réinvestis dans l’effort de guerre, et son territoire s’étend petit à petit, au détriment parfois des zones contrôlées par les rebelles. »

Premièrement, le PYD ne tire pas de revenu de la rente pétrolière – c’est l’administration autonome du Rojava qui le touche. Deuxièmement, quand je me suis rendu au Rojava, 90 % des pompes à pétrole était à l’arrêt, tous ceux qui ont fait le voyage Simalka-Qamislo vous le diront. Elles sont à l’arrêt parce que le Rojava (Kurdistan syrien) ne peut l’exporter : il est à la fois sous embargo de la Turquie et du Kurdistan d’Irak par le PDK (frère du PDK-S). Troisièmement le pétrole est subventionné et non taxé. Un plein coûte environ un euro, et c’est comme cela que le PYD se ferait son argent ? Intéressant…

Photo d’une station essence à Amûda. Prix du litre d’essence 60 livres syriennes c’est-à-dire quelques centimes d’euros le litre…

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 Encore un flagrant délit d’ignorance ou de mensonge : « Depuis 2015, le PYD est véritablement perçu comme un ennemi par l’opposition syrienne arabe. »

C’est faux, la guerre avec l’opposition a commencé pendant l’été 2013 lorsque le Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaïda en Syrie, renommé depuis Front Fatah al-sham, a attaqué des YPJ, combattantes femmes kurdes, parce qu’elles « ne portaient pas le voile ». Par la suite, le front Al-Nosra sera rejoint dans son agression des femmes et des Kurdes par Daech (qui ne faisait pas encore cavalier seul), l’ensemble des milices islamistes et salafistes et… la majorité de l’ASL (Armée syrienne libre). Les rebelles « modérés » ne supportaient visiblement pas la vue de femmes libres sans voile… Mais selon l’auteur, c’est visiblement la faute du PYD et des femmes combattantes. Misogynie quand tu nous tiens…

« Premièrement, c’est la première fois que le PYD occupait une région à majorité arabe (Tell Rif’at) contrôlée non pas par l’État islamique, mais par la rébellion ; deuxièmement, en prenant Tell Rif’at, le PYD épaulait le régime dans sa stratégie d’encerclement des quartiers rebelles d’Alep, désormais privés d’accès au poste frontière turc de Bab al-Salama ; les faits se sont reproduits à l’identique lors de la récente fermeture de la route du Castello, qui ravitaillait Alep est par le nord-ouest, le PYD ayant une nouvelle fois coopéré avec le régime. »

Encore faux. Pendant les combats de l’été 2013 avec l’opposition, les Kurdes se sont emparés de zones mixtes voire à majorité arabe dans le canton de Cizîre, mais passons. L’auteur a visiblement des problèmes de documentation. Quand les Kurdes ont pris Tell Rif’at, la voie de ravitaillement de Bab Al-Salama était déjà bloquée, par conséquent cela ne changeait rien à la situation d’Alep. De plus, les Kurdes n’ont pas avancé sur Tell Rif’at seuls, il l’ont fait avec des brigades de l’ASL qui s’était alliées aux milices kurdes comme Jaysh al-Thuwar (l’armée des révolutionnaires) à majorité arabe, turkmène, etc. j’ai déjà répondu plus tôt sur Alep.

« Outre le problème de stratégie militaire et d’alliance avec un régime qui bombarde la population au TNT, surgit la question d’un différend idéologique très profond : l’opposition arabe est en majorité conservatrice ou islamiste, là où le PYD est marxiste et laïc. »

Outre la stratégie de soutien de l’auteur à des rebelles « modérés » qui massacrent des Kurdes, des soufis, des chrétiens et des alaouites mais aussi des Arabes sunnites et des enfants… visiblement c’est un problème que le PYD soit laïc et marxiste ! Allah Akbar ! Convertissons-nous à l’islamisme et devenons conservateurs ! Forçons les femmes à porter le niqab et coupons la main des voleurs. En comparaison, les militants du PYD, qui a aboli la peine de mort et la torture dans les zones qu’il contrôle, sont vraiment des koufars (mécréants). Sans commentaire…

« En dehors des djihadistes, l’opposition syrienne aspire à un système politique fondé sur le multipartisme, là où le PYD rétablit ce qui s’apparente à un régime de parti unique. »

Les islamistes qui veulent appliquer la charia sont pour le multipartisme ? Soit, mais seulement entre Arabes sunnites et dans ce cas précis cela exclut beaucoup de monde en Syrie. De plus, l’accusation faite au PYD de vouloir instaurer un parti unique est le fruit, soit du mensonge, soit d’une ignorance crasse. Encore une fois, il y a vingt-cinq partis représentés au parlement du canton de Cizîre dont des adversaires de longue date du PYD, que l’on ne peut pas soupçonner de le soutenir. En annexe les partis en question.

« À ce fossé culturel et politique au sein de l’opposition syrienne s’ajoute un autre problème, plus grave et consubstantiel au projet politique du PYD : l’antagonisme turc. Les raids et les bombardements de l’armée turque se sont multipliés depuis douze mois, Ankara considérant le PYD comme la branche armée du PKK (...).En Syrie et au Kurdistan turc, le gouvernement turc est bien décidé à lui faire la chasse pour casser le rêve d’un Kurdistan autonome et unifié. »

Si je comprends bien, le problème c’est que la Turquie qui soutient des massacreurs de Kurdes, d’alaouites et de chrétiens soit contre le Kurdistan syrien ? Le problème, ce ne serait pas plutôt la Turquie qui s’installe de jour en jour dans la dictature ? Les Kurdes n’auraient-ils pas davantage besoin de soutien dans leur autodétermination que la Turquie, qui n’a toujours pas reconnu l’autonomie du peuple kurde et qui les massacre au moment où ces lignes sont écrites ?

« La relation du PYD avec le PKK est elle-même teintée de rivalités politiques. »

Outre que l’auteur donne en lien un site d’analyse pro-turc et raciste envers les Kurdes, le PYD est la branche syrienne des pro-PKK. Quand j’étais là-bas, de très nombreux cadres des YPG/YPJ étaient membres du PKK et avaient servis dans la guérilla en Turquie. Ce commentaire est vraiment d’une ignorance profonde.

« Le parti démocratique du Kurdistan (PDK) irakien craint les velléités d’expansion du PYD au Kurdistan irakien, où il est venu en aide aux peshmergas débordés face aux exactions de Daech contre les Kurdes yézidis. »

Faux, les YPG/YPJ ne sont pas venus en aide aux peshmergas débordés contre Daech dans le Shengal. Ils sont venus en aide aux Kurdes yézidis (minorité païenne) en train de se faire massacrer par Daech suite à l’abandon de position des peshmergas du PDK dans le Shengal. Dans leur fuite, ces mêmes peshmergas ont confisqué les armes que possédaient des Kurdes yézidis. Aujourd’hui, Marsoud Barzani, chef de file du PDK, est poursuivi en Irak pour complicité de génocide puisque rien ne justifiait militairement 
parlant ce repli précipité.

« À l’inverse, le PYD syrien redoute l’influence du KRG en Syrie. Il a récemment refusé que des Kurdes syriens qui s’étaient rendus au Kurdistan irakien pour s’entraîner, ne repassent la frontière en sens inverse. »

Ce n’était pas n’importe quels Kurdes syriens. Ils se sont entraînés dans les milices pro-Barzani. Je pense que les lecteurs peuvent comprendre que le PYD ne soit pas très ouvert au fait d’accueillir des gens financés par un individu soupçonné de complicité de génocide envers une minorité kurde païenne.

« L’antagonisme entre Kurdes de Syrie et d’Irak se prolonge d’une autre division, au sein du pays cette fois, entre le PDK de Massoud Barzani, soutenu par les États-Unis, et le parti (UPK) du président irakien, Jalal Talabani, proche de l’Iran, où agit également une minorité kurde. »

L’UPK proche de l’Iran ? Alors pourquoi les peshmergas de l’UPK se sont-ils battus il y a quelques semaines de cela avec des milices pro-iraniennes5 à Tuz Khurmatu ?

« Tout l’enjeu pour le PYD aujourd’hui est d’installer durablement son administration autonome sur un territoire unifié. Il espère ainsi émerger comme une entité ayant la capacité de limiter l’influence des autres partis kurdes sur son territoire et se présenter à l’extérieur comme le relais le plus stable sur le territoire syrien. »

Bien entendu, le PYD n’a pas de projet politique et ne cherche qu’à asseoir son pouvoir…

Tant d’amalgames, d’omissions, d’« oubliés », de non-dits et autres grossièretés. L’alliance PYD-régime est tellement opérante que pendant que j’écris cet article (à la date du 18 août), le régime bombarde les quartiers kurdes de la grande ville d’Hassaké, « contrôlée » par le PYD. Visiblement, c’est une alliance « explosive ». Autant dire que c’est quelque chose qu’il faut nuancer très fortement. Les deux partis ne s’entre-tuent pas pour la seule et bonne raison qu’ils ont chacun un ennemi à combattre en priorité : le régime syrien, les rebelles et le PYD, Daech. On ne compte plus les affrontements à Hassaké et Qamislo ces derniers mois entre le régime et les milices du YPG/YPJ. De plus, en 2013, le régime a lancé des assauts violents contre Cheikh Maqsoud à Alep.

Visiblement, l’auteur de cet article est soit un incompétent soit un grossier menteur. Dans tous les cas, c’est une flagrante désinformation et « communication » contre l’information, comme pourrait dire Fabrice Arfi de Mediapart, qui se fait au détriment de gens comme ses collègues, qui font un travail d’investigation sérieux, ou encore moi, qui suis parti sur le terrain pour constater de mes propres yeux la réalité du conflit au Kurdistan syrien. Je précise que je suis un fidèle abonné de Mediapart depuis plus de deux ans maintenant. J’aimerais que mon argent ne tombe pas dans la poche de « journalistes » qui écrivent de telles sornettes.

En annexe, la liste des partis et organisations représentés à l’assemblée législative de Cizîre. Ce document a été obtenu par notre travail de terrain.

Parties and organizations in Democratic Self-Administration Note: (Each party or organization have two representatives and they must be a woman and a man).  The total number of the parliament now is 101 members. These are the parties: 1- Kurdish Left Party in Syria 2- Democratic Kurdish Left Party-Sy 3- Kurdistan Democratic Alparty-Sy 4- National Free Federation Party-Sy, before it was (Democratic Kurdistan Party-Sy). 5- Democratic Federation Party PYD 6- Syrian Democratic Kurdish party 7- Democratic Kurdish Peace party-Sy 8- Democratic Kurdish National Rally-Sy 9- Liberal Kurdistan Federation 10- Kurdistan Communist party 11- Alkhider Kurdistan party 12- Syriac Federation party 13- Democratic Kurdistan Change party 14- Communist Labor Party 15- Young Syriac party 16- Syriac Cultural Association 17- Syriac Academic Federation 18- Syriac woman Federation 19- Syriac Language Commission 20- S.T.A.R Union Organization 21- Syrian Woman Initiative 22- Women Jurists of West Kurdistan 23- Revolutionary Young women Organization 24- Administration of Diplomatic Relations of west Kurdistan 25- People's Council of west Kurdistan 26- Civil Society Organization of Building state and citizens 27- Sara organization for anti-Violence against Woman 28- Democratic Society Movement TEV-DEM 29- Kurdish Supreme Commission 30- Kurdish Strategic Studies Center 31- National Kurdish Students Confederation 32- Revolutionary Young men Movement 33- Revolutionary Young women Movement 34- Girke-Legeh Cultural Forum 35- Peace and National reconciliation Movement 36- Democratic Muhalmees Young men 37- Yezidi House 38- Pluralistic Society Movement 39- Kurdistan Democratic Change Movement 40- Kaskay Organization of Environment Protection 41- Economic Development Council of West Kurdistan 42- Mardeneh Family 43- Brotherhood Council 44- Shorash Organization of woman 45- Kurdish Youth Union 46- Students Affairs Organization 47- Child's Rights Protection Organization 48- National Coordination Commission 49- Arabic National Commission 50- Independents People. Tuesday 22/12/2015

Notes

1https://blogs.mediapart.fr/laterreur/blog/billets_blog

2https://fr.wikipedia.org/wiki/Harakat_Nour_al-Din_al-Zenki

3https://fr.wikipedia.org/wiki/Machaal_Tammo

4http://www.diclehaber.com/en/news/content/view/411190?from=1923065108

5http://www.rfi.fr/moyen-orient/20160424-reportage-irak-affrontements-chiites-kurdes-peshmergas-nord-tuz-khurmatu