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Hanouna: une belle ordure

Lien publiée le 6 novembre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.slate.fr/story/127901/hanouna-delormeau-perversion-narcissique

L'ultime «blague» d'Hanouna à Delormeau montre comment un présentateur qui se prend pour «un homme, un vrai», a choisi comme souffre-douleur, dans une relation intensément perverse, un homme désigné comme homosexuel, et dans cette tragédie minutieusement montée, l’homosexuel est sans cesse renvoyé à sa faiblesse.

Le jour où Cyril Hanouna a voulu faire des niches à ses chroniqueurs de «TPMP», pour une soirée de déconne appelée «la grande rassrah», voilà la blague qu’il a faite à Matthieu Delormeau. Elle était filmée de A à Z en caméra cachée, c’était le principe… Quelques rappels, d’abord. On parle ici d’une émission que tout le monde ne connait pas, après tout, et il serait peut-être bien que ceci soit lu aussi par des gens qui ne connaissent pas, parce qu’il se passe quelque chose de vraiment problématique et d’un peu pervers, enaccess prime time, sur C8, chaine populaire du groupe Canal-Vivendi-Bolloré.

Tissée de blagues et d’adrénaline, Touche pas à mon poste (TPMP) rassemble, autour d’un animateur et producteur brillant et stratège, Cyril Hanouna, des chroniqueurs organisés en bande complice et parfois vacharde. Delormeau, qui est un grand gaillard blond et gentil, en est une sorte de fétiche bizuthé. L’émission cartonne, singulièrement chez les non-vieux. Cyril Hanouna est très riche et, dans le groupe Canal+, très influent. Il considère le millionnaire Vincent Bolloré comme son bienfaiteur.

Maintenant la blague. Hanouna emmène Delormeau voir un agent de stars américaines pour négocier la venue de Tom Cruise sur le plateau de «Touche pas à mon poste». La négociation achoppe. Hanouna se bat avec l’agent, le laissant étendu pour le compte, peut-être mourant. Hanouna refuse d’appeler des secours. Il explique à Delormeau qu’il doit porter le chapeau puisque lui, Hanouna, ne peut pas être mêlé à un scandale. Devant son garde du corps, Diego, arrivé sur les lieux, il accuse Delormeau, outré mais passif, d’avoir porté les coups. Il s’en va, alors que l’Américain semble aller un peu mieux. Delormeau reste avec l’homme avant de s’en aller.

Deux jours après, la blague est dévoilée sur le plateau de «TPMP». Delormeau n’est pas le seul à avoir été piégé. Lui seul l’a été de manière aussi terrifiante. Le lendemain de la scène, Hanouna, dans un salon privé, en loge, lui révélé le pot-au-rose: c’était une blague, l’agent assommé était un cascadeur! Pourtant, Delormeau est encore bouleversé. Il pleure sur le plateau. Hanouna: «Ça va mon Matthieu? Pauvre chéri. Regardez il est pas bien. Hé! Il m’aime tellement, il était tellement déçu. C’est vrai mon chéri?» Il diffuse la séquence, également enregistrée en caméra cachée, où il dit la vérité à Delormeau. Elle se termine ainsi, par Hanouna qui lance à Delormeau: «T’as été exceptionnel t’as jamais voulu dire que c’était moi», et enchaîne: «Mon chéri tu le sais bien, quand tu es dans ma famille, tu sais que je t’aiderai toujours.»

Retour plateau. Hanouna: «Mon bébé. Tu m’aimes encore plus qu’avant!» Delormeau explique qu’il s’est vu complice d’un meurtre, qu’il s’est imaginé arrêté. Que son ami Marc-Olivier Fogiel allait lui trouver un avocat, le meilleur, Dupond-Moretti. Que pour dormir, il a du prendre des «relaxants». Il a voulu arrêter l’émission. «J’ai vu votre vrai visage.» Hanouna: «C’était une caméra cachée connard!». Et puis: «Et tu sais comme je t’aime maintenant. Ca va mieux?»


 

Ce qui est arrivé à Matthieu Delormeau, depuis quelques mois, est étonnant. On lui a versé des pâtes dans le slip. On a lu à l’antenne la lettre d’une téléspectatrice qui l’insultait. Hanouna l’a traité de pleureuse et a rappelé qu’il lui avait donné du travail quand NRJ 12 l’avait «viré comme une merde». C’était en direct. On a révélé son homosexualité sans lui demander son avis, en direct toujours.

Maintenant ça. Une practical joke, comme disent les américains, où on laisse l’autre dans des heures de souffrance, et on expose sa faiblesse, ses doute, sa soumission. A chaque séquence, Hanouna conclut en étalant son amour et Delormeau, vouvoyant l’autre, heurté, choqué, reste pourtant.

Des observateurs acérés ont vu dans TPMP, avant bien d’autres, dont l’auteur de ces lignes, un éloge du harcèlement. Ils étaient encore en-deçà du problème.

Il est intéressant, au coeur de la grande marrade, fort bien faite, qu’est par ailleurs TPMP, de voir se nouer, une pure relation de perversion narcissique. Une torture savamment dosée, un emprisonnement mental méticuleusement organisé, d’une victime incapable de révolte, Delormeau, par un maître pervers, Hanouna. Dans ces relations, le pervers, ne fait pas souffrir: il donne la vie: «Jamais Matthieu n’a été aussi heureux dans une émission de télévision», dit Hanouna, en septembre, le lendemain de la séquence de la «pleureuse».

Sa complice Enora Malagré insiste: ce sont les journalistes, quand ils dénoncent ce qui se passe sur le plateau, «qui rendent Matthieu malheureux ». Hanouna donne la vie. Delormeau doit le comprendre. Ce qu’on lui fait, c’est pour lui. Hanouna est le pervers narcissique par excellence. Il humilie la victime, mais la rend dépendante de lui. «Tu m’aimes encore plus», dit Hanouna, juste après avoir dit «connard». Il la repousse, et la reprend. Il l’avilit, puis la relève. Il la manipule à son gré, chaque fois un peu loin dans l’abjection. Il fait en sorte que l’autre soit le coupable, et organise la mise en scène en ce sens. Filmé à son insu, Delormeau dit du mal d’autres membres de l’émission. Qui est le salaud? Hanouna n’en insiste pas. Mais il a poussé sa victime à la faute. D’ailleurs, pendant la blague, Delormeau n’a-t-il pas été prêt à admettre que Hanouna était capable d’une ignominie? Il lui a donc manqué. Il ne croyait pas en lui. Un infidèle maintenant.«Tu sais que je t’aime, mon chéri? Je t’aiderai toujours.»

La réalité des dangers

Ce n’est pas que de la télévision. Delormeau a réellement perdu pied cette semaine, et a réellement appelé son ami Fogiel au secours. Delormeau aurait pu mal doser ses «relaxants» pour dormir. Il aurait pu avoir un accident de voiture, rentrant chez lui, paniqué. Il s’est fait flasher, raconte-il sur le plateau, ce qui fait rire. L’homme est en danger. Chacun le voit. On est dans une limite. D’un point de vue télévisuel, il y a du génie dans cette scénarisation. Mais la perversion narcissique se termine mal en général. Si Delormeau meurt, ils auront bonne mine, le joyeux Hanouna, le très croyant Bolloré, les ultimes récipiendaires de l’esprit Canal… Chaque séance, un peu plus, le beau Matthieu est avili. Il ne se rebelle pas. Il geint. Glapit. Est détruit. Puni. Châtié. Câliné. Aucun autre chroniqueur n’est autant appelé « mon chéri ». Il est installé en homme faible, in vivo, live! Que reste-t-il de lui? Quelle télé!

De la perversion narcissique au fascisme, il y a un pas qui reste à franchir. On y est presque.

On appelle fascisme, ici, l’exaltation de la force et de ses droits, et le mépris de la faiblesse, et de ce qui y ressemble. On le trouve parfois de manière étrange.

Homophobie

Dans la soirée du canular, quand l’agent cascadeur est à terre, Hanouna et son garde du corps, Diego, s’en prennent à Delormeau, qui n’assumerait pas. «Porte tes couilles», lui dit Diego! C’est venu dans la blague, sympathiquement.

Dans toutes les sociétés archaïques des mecs qui portent leurs couilles humilient ceux qui ne les portent pas. La dernière fois que j’ai entendu cette expression c’était dans une vidéorévélée par Mediapart, où l’on voyait un leader d’extrême droite, très baraqué, humilier chez lui, accompagné de complices balèzes, un autre leader d’extrême droite, moins costaud. Les agresseurs avaient enregistré la scène. Extrait: «C'est toi l'idole du fascisme? C'est toi le patron du GUD? Mais t'es personne regarde-toi! Allez lève-toi, assume pour une fois! Porte tes couilles!» Et un peu plus tard, ceci, quand la victime est forcée de se déshabiller: «Enlève ton pull pédé».

Porte tes couilles, si vous ne savez pas, on dit ça aux pédés.

Quel lien entre un règlement de compte dans la mouvance du GUD, le Groupe Union Défense, et la blague façon dur des amusants Diego et Hanouna? Le mot.

Matthieu Delormeau est censé être homosexuel. Chacun croit le savoir depuis que 1/Jean-Marc Morandini a affirmé qu’il avait eu une relation avec Marc-Olivier Fogiel, 2/ qu’une chroniqueuse de TPMP l’a outé sans y penser, ce qui fit bien rire Cyril Hanouna, il y a quelques semaines. Il est homosexuel, ce qui le regarde. Cyril Hanouna, lui, est un homme, un vrai. Quand il se dispute avec l’acteur et humoriste Stéphane Guillon, il lui dit:«Mon bras est épais comme ta cuisse.» Il est dense et nerveux.

Il se passe donc ceci, dans l’access prime time de C8. Un homme, un vrai, a choisi comme souffre-douleur, dans une relation intensément perverse, un homme désigné comme homosexuel, et dans cette tragédie minutieusement montée, l’homosexuel est sans cesse renvoyé à sa faiblesse, son caractère vélléitaire, ses larmes et finalement ses mesquineries, et sa lâcheté, puisqu’il reste. Si on ne comprends pas, on en insiste. Dans la caméra cachée, avant la fausse bagarre, le faux agent de Tom Cruise demande à Delormeau s’il est en couple avec Hanouna. Le téléspectateur est invité à comprendre que c’est bien d’un inverti que l’on va se moquer. Alors mon chéri? Il m’aime! Chaque séquence de la dégradation de Delormeau, est finalement sexuée. «Pleureuse», pour celui qui réclame du travail. Dans le slip, les pâtes. Des larmes, pour la caméra cachée. Porte tes couilles!

Des brutes ou des fascistes ont toujours trouvé intéressant d'humilier les homosexuels. Ces brutes ou ces fascistes ne savent pas qu’elles sont des brutes ou des fascistes. Elles vont juste, spontanément, vers le pédé, puisqu’on peut y aller. Parfois, c’est la fille, le bon élève, le juif, le petit, le rouquin? Mais le pédé, voyez-vous, c’est open bar.

TPMP est une très bonne émission. Je sais aussi la part de jeu, et que le grand Jacques Martin, de mon enfance, pouvait rudoyer ses collaborateurs. Il me vient pas à l’esprit de penser que Cyril Hanouna est un fasciste. Je n’imagine pas qu’il soit homophobe. Je ne veux pas croire qu’il soit des ces lâches qui s’en prennent aux faibles. Je ne supposerais pas qu’il soit un pervers narcissique. Ce que j’ai su de Cyril Hanouna, le peu que j’ai su, est sympathique, talentueux, drôle, brillant, puissant, mesuré même. Il se passe donc quelque chose, en dehors de lui-même, une griserie ou une inconscience, une toute-puissance, un oubli, mais c'est exactement cela, Cyril.

Tu t’affiches, vraiment, en brute, en harceleur, en homophobe et en pervers. C’est ce que tu montres, et on est ce qu’on montre, devant ses salopes de caméras, que tu sais mieux qu’un autre organiser à ta gloire, et le bruit aussi. Tu ne t’en rends pas compte, ou t’en moques, parce que les journalistes sont des imbéciles, parce que l’air du temps est fasciste, vraiment, et ce n’est pas toi, le méchant? Mais tu y participes. Tu célèbres des perversions dont tu aurais honte, à jeun. Un jour, Matthieu Delormeau te maravera la gueule, pour un bon buzz ou pour sa self-esteem, et puis s’en ira, parce qu’il n’y a pas d’autres solution, avec les pervers, que de rompre. Et pour tous ceux qui kiffent TPMP, ça sera bizarre, mais bienvenu.

Claude Askolovitch