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Lyon-Turin : mais si, le projet reste inacceptable !
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L’auteur de cette tribune, opposant au projet ferroviaire Lyon-Turin, reconnaît dans le discours des partisans à la ligne la « phraséologie et le vocabulaire » propre aux promoteurs des grands projets inutiles.
Daniel Ibanez, 56 ans est économiste des procédures collectives (redressements et liquidations judiciaires) et le porte-parole en France des opposants au projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin.
Reporterre est un espace de débat pour toutes celles et ceux qui pensent que l’écologie est la question centrale de l’époque. Nous publions aujourd’hui la réponse de Daniel Ibanez au point de vue de Jean Sivardière, « Lyon-Turin : pourquoi les opposants ont échoué », publié jeudi.
Le texte publié par Jean Sivardière pour la Fnaut [Fédération nationale des usagers des transports] ne permet pas à mon sens débat, car le débat suppose non pas l’alignement d’allégations non documentées, mais un échange sur des éléments vérifiables, qui peuvent faire l’objet d’une discussion.
Ma réplique ne s’inscrit donc pas dans un débat, mais sera plutôt une mise en lumière de ce que sont la Fnaut et son vice-président, Jean Sivardière, au travers de leurs pratiques et de leurs contradictions, documents et écrits à l’appui.
Le texte de la Fnaut a été rédigé après une lettre ouverte adressée à la Fnaut et son président suite à leur appel lancé le 8 novembre 2016 aux parlementaires pour qu’ils ratifient le projet Lyon-Turin sans débat à l’Assemblée nationale.
Répondre point par point sur le Lyon-Turin n’est pas possible en 5.000 signes, alors j’invite les lect-rices-eurs à ouvrir les liens qui leur permettront de juger sur pièces et non sur des évidences simplistes, des allégations ou encore des croyances.
Une direction qui, à mon sens, a perdu les repères
J’ai développé, dans deux livres, qui n’ont fait l’objet d’aucune poursuite, l’inutilité du projet Lyon-Turin et des méthodes qui l’entourent, des réseaux d’affairistes, des partenariats public-privé et j’invite celles et ceux qui souhaitent se documenter à les lire, ainsi que les avis des services de l’État, qui, depuis 1998, rejettent le projet Lyon-Turin et que les politiciens ignorent en toute impunité.
Le mensonge justifiant le projet, le lobby du Lyon-Turin et le débat confisqué ressortent des courts extraits du documentaire de France 2 [1].
Le texte de la Fnaut recoupe par bien des aspects les discours et méthodes des promoteurs de projets et autres préfets ou ministres pour discréditer les opposants. La forme employée pour nous faire la leçon et conclure à notre échec relève des mêmes procédés. On retrouve ces éléments de langage dans les projets comme Notre-Dame-des-Landes, Sivens, Roybon, Bure Cigéo, le triangle de Gonesse… C’est, je crois, ce qui doit être mis en lumière dans ce texte.
Je n’amalgame pas ici les associations de terrain adhérentes de la Fnaut qui travaillent dans l’intérêt général au discours d’une direction qui, à mon sens, a perdu les repères.
Je vais donc m’attacher à documenter les contradictions et les affabulations, mais aussi quelques faits qui ne peuvent qu’interroger les gens de bonne foi sur la conception de l’expertise et de l’indépendance des auteurs de ce texte.
La phraséologie et le vocabulaire des promoteurs d’aéroports, de retenues d’eau et de centre touristiques
Selon la Fnaut, les contestataires ne sont pas des experts et s’appuient sur les groupuscules violents, nos propositions sont fantaisistes et nous ramènent à la bougie, les solutions de report immédiat sur le rail relèvent d’une économie soviétique, l’utilisation des installations existantes d’Ambérieu-en-Bugey serait inadaptée.
Celles et ceux qui suivent les dossiers des grands projets inutiles et imposés reconnaîtront la phraséologie et le vocabulaire des promoteurs d’aéroports, de retenues d’eau et de centre touristiques…
La Fnaut [2] prétend s’appuyer sur un expert « indépendant », Gérard Mathieu, qui est en fait l’ancien directeur des lignes nouvelles à grande vitesse de la SNCF et aujourd’hui membre du Comité pour la transalpine, qui est le lobby du Lyon-Turin.
La Fnaut nous reproche de demander l’utilisation des installations ferroviaires existantes d’Ambérieu ; pourtant, en 2000, elle soutenait la demande de l’intersyndicale des cheminots qui demandait cette utilisation et appelait à un rassemblement pour cela.
En 1999, Jean Sivardière écrivait que « réaliser le tunnel de base (Lyon-Turin) en priorité serait mettre la charrue avant les bœufs » et s’associait au conseil général des Ponts-et-Chaussées pour dire qu’à 30 milliards de francs, c’était risqué… c’est aujourd’hui le triple !
Nous serions irrationnels, car nous ne comprenons pas qu’un tunnel à 12 milliards d’euros (200 millions d’euros/km) présenterait un coût d’exploitation moindre de celui de la ligne ferroviaire existante. Pourtant, lorsque par écrit et en réunion publique j’ai demandé à Jean Sivardière de me donner les calculs d’une économie prétendue de 40 %, il n’a pas su répondre. J’ai enfin eu sa réponse, le 22 septembre 2016 : « N’étant pas technicien, je ne peux justifier avec précision l’économie de 40 % sur les coûts d’exploitation du rail que permettrait le Lyon-Turin, mais je ne suis pas surpris par ce montant qui fait consensus parmi les spécialistes, car les explications sont nombreuses… »
Informez-vous et ne vous laissez pas berner
Le projet ne serait pas un partenariat public-privé, il suffit pourtant de lire les documents, là aussi, de Lyon-Turin ferroviaire et de son président, Hubert du Mesnil, qui est également le président de l’Institut de la gestion déléguée promoteur français pour les PPP (article 4 du lien), mais Jean Sivardière écrivait, le 19 décembre 2016, que cela lui avait échappé…
Enfin, nous pensions que le lobby du Lyon-Turin avait acheté une « étude à la Fnaut avec éléments de réponse aux principaux points soulevés par les opposants », mais Jean Sivardière confirme qu’il a lui-même « proposé à la Transalpine de faire une analyse des arguments des opposants au Lyon-Turin… pour gagner un peu d’argent pour la Fnaut ». J’invite à lire l’article de Politis et Thierry Brun sur ce sujet.
Aujourd’hui, devant le problème de santé publique qu’est la pollution et la sous-utilisation avérée des moyens ferroviaires existants, la Fnaut ose prétendre que le transfert des marchandises de la route vers le rail est impossible sans le Lyon-Turin.
Ma seule conclusion, informez-vous et ne vous laissez pas berner. Pour ma part, je reste prêt à présenter les pièces qui démontrent l’inutilité du projet Lyon-Turin, mais, une chose est sûre, si nous acceptons les critiques et commentaires, je n’accepte pas les « leçons » de Jean Sivardière.
[1] Le documentaire dans son entier est visible ici.
[2] En bas de la troisième page.